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Conférence Diapason

« Où en sommes-nous de la démocratie à Madagascar ? » Note de synthèse

samedi 20 juillet |  181 visites 

Selon l’Institut de statistique de l’UNESCO (données de l’ISU), le taux d’achèvement de l’enseignement primaire était de 62 % en 2022 pour les filles et de 57 % pour les garçons.

INTRODUCTION

L’éducation est par nature un programme générationnel dont les effets ne se manifestent pleinement qu’après plusieurs décennies. Les actions mises en place aujourd’hui pour améliorer le système éducatif à Madagascar ne porteront leurs fruits que dans 25 à 50 ans. Il est crucial de reconnaître que les bénéfices de ces réformes et initiatives seront visibles après-demain et qu’ils nécessitent une vision à long terme et une persévérance collective.

L’histoire de l’éducation à Madagascar est riche et complexe, marquée par des influences variées et une évolution significative au fil des siècles. Avant l’arrivée des colons européens, Madagascar disposait déjà d’un système éducatif structuré, centré sur l’apprentissage des compétences nécessaires à la vie quotidienne et la transmission de la culture et des valeurs sociales. Les enfants apprenaient les pratiques agricoles, les arts martiaux traditionnels ainsi que les histoires et les mythes ancestraux par le biais de la transmission orale.

Au XIXe siècle, l’enseignement formel a commencé à se développer de manière plus structurée avec l’arrivée des missionnaires européens. La MMS (Medical Missionary Academy), une École de médecine créée par des missionnaires norvégiens et anglais, a été l’une des premières institutions éducatives modernes de l’île. Les cours y étaient dispensés en anglais et en malgache et les enseignants provenaient de Norvège et d’Angleterre.

Avant l’arrivée des troupes coloniales françaises en 1896, Madagascar comptait environ 1 200 écoles et près de 200 000 élèves, ce qui en faisait le pays le plus scolarisé de l’Afrique subsaharienne à cette époque. Les missionnaires ont introduit des écoles primaires et secondaires, ainsi que des établissements d’enseignement supérieur. L’enseignement était principalement religieux, visant à convertir la population locale au christianisme tout en leur fournissant une éducation de base.

IMPACT DE LA COLONISATION SUR L’ÉDUCATION

L’arrivée des colonisateurs français en 1896 a profondément modifié le paysage éducatif malgache. L’administration coloniale a pris le contrôle des institutions éducatives, introduisant le système éducatif français et imposant la langue française comme langue d’enseignement. Cette période a vu la création de nombreuses écoles primaires indigènes destinées aux enfants malgaches, ainsi que des écoles régionales et des lycées pour les enfants des colons et des élites locales.

L’École de médecine de Befelatanana, fondée en 1887, est un exemple marquant de cette influence coloniale. Cette institution a absorbé les élèves de la précédente école missionnaire, intégrant les standards et les curricula français. La colonisation a également introduit de nouvelles matières comme les mathématiques, les sciences et la littérature française, enrichissant ainsi le programme éducatif traditionnel.

À l’époque de l’indépendance en 1960, Madagascar possédait l’un des systèmes éducatifs les plus développés de l’Afrique subsaharienne, comparable à celui de la France. Le taux de scolarisation était élevé et le niveau d’éducation consolidé par la mise en place d’écoles primaires indigènes et d’écoles régionales. Cependant, cette période de colonisation n’était pas exempte de défis. L’imposition de la langue et de la culture françaises a créé des tensions, et la qualité de l’éducation dispensée aux élèves malgaches était souvent inférieure à celle des élèves européens.

TRANSITION POST-COLONIALE ET DÉFIS

La période post-coloniale a marqué une transition délicate pour l’éducation à Madagascar. Malgré les bases solides héritées de la période coloniale, le pays a dû faire face à des défis majeurs. L’un des moments clés fut le mouvement étudiant de 1972 qui a conduit à une politique de « malgachisation » du système éducatif, entraînant une reconstruction complète du système. Ce mouvement, qui visait à décoloniser l’éducation en réaffirmant les valeurs culturelles malgaches et en utilisant le malgache comme langue principale d’enseignement, a eu des effets mitigés.

La malgachisation de l’éducation a été un processus complexe et souvent controversé. Si l’intention était de promouvoir la culture et la langue malgache, la mise en oeuvre a rencontré de nombreux obstacles. La transition a été rapide et parfois désorganisée, entraînant des lacunes dans les ressources pédagogiques et la formation des enseignants. En conséquence, la qualité de l’éducation a souffert et le taux de scolarisation a diminué.

La période post-coloniale a également été marquée par des changements politiques fréquents, impactant négativement la continuité des politiques éducatives. Les réformes successives et les changements de gouvernements ont entraîné des interruptions dans les programmes éducatifs. Malgré ces défis, des efforts ont été faits pour moderniser et améliorer le système éducatif avec des résultats variables.

LES RÉFORMES ET INITIATIVES RÉCENTES

Les efforts pour réformer l’éducation à Madagascar ont inclus diverses initiatives souvent en collaboration avec des organisations internationales comme la Banque mondiale. Ces réformes ont visé à améliorer la qualité de l’éducation, augmenter le taux de scolarisation et moderniser les infrastructures scolaires. Les discussions autour des réformes se sont concentrées sur plusieurs axes principaux :

  1. Amélioration des compétences de base dès l’enfance : les réformes ont mis l’accent sur l’importance de développer les compétences de base telles que la lecture, l’écriture et les mathématiques dès le plus jeune âge, avec des programmes spécifiques en particulier dans les zones rurales.
  2. Efficacité du financement : la gestion efficace des ressources financières est cruciale pour le succès des réformes éducatives. Des efforts ont été faits pour optimiser l’allocation des fonds et assurer que les ressources atteignent les écoles qui en ont le plus besoin.
  3. Modernisation des méthodes pédagogiques : l’introduction de nouvelles méthodes pédagogiques basées sur les meilleures pratiques internationales a été un élément clé des réformes, incluant l’utilisation de technologies éducatives et des approches pédagogiques centrées sur l’élève.

Cependant, malgré ces efforts, les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes. Le système continue de souffrir de divers problèmes structurels et financiers. Par exemple, les infrastructures scolaires sont souvent inadéquates, avec des bâtiments en mauvais état et un manque de matériel pédagogique. De plus, la formation des enseignants reste un défi majeur.

ENJEUX CONTEMPORAINS ET STATISTIQUES PRÉOCCUPANTES

Aujourd’hui, Madagascar continue de faire face à de nombreux défis dans le domaine de l’éducation. Les statistiques montrent une situation préoccupante avec un niveau scolaire alarmant et un lien fort entre pauvreté et éducation. Le taux de scolarisation dans le primaire est relativement élevé, mais de nombreux enfants abandonnent l’école avant d’atteindre le niveau secondaire. Les disparités régionales sont également marquées, avec des taux de scolarisation beaucoup plus faibles dans les zones rurales et isolées.

Les critiques soulignent que le gouvernement n’accorde pas suffisamment d’attention à ce secteur crucial. Le budget alloué à l’éducation est souvent insuffisant pour couvrir les besoins croissants et la gestion des ressources disponibles est parfois inefficace. De plus, la corruption et le manque de transparence dans la gestion des fonds publics aggravent les problèmes existants.

Les discussions actuelles se concentrent sur la nécessité de sanctuariser l’éducation, c’est-à-dire de la protéger des fluctuations politiques et économiques. Il est essentiel de garantir une continuité des politiques éducatives et de s’assurer que les ressources nécessaires sont disponibles à long terme.

PERSPECTIVES D’AVENIR ET SOLUTIONS PROPOSÉES

Pour améliorer la situation éducative à Madagascar, plusieurs solutions sont proposées. Il s’agit notamment de renforcer la formation des enseignants, d’adopter des méthodes pédagogiques éprouvées internationalement et de garantir une utilisation efficiente des ressources financières. Les experts suggèrent également de maintenir un principe de continuité dans les politiques éducatives quel que soit le régime en place afin de prévenir les interruptions qui ont déjà coûté au pays des décennies de progrès.

  1. Renforcement de la formation des enseignants : la qualité de l’enseignement est directement liée à la formation des enseignants. Il est essentiel de mettre en place des programmes de formation continue pour les enseignants afin de les équiper des compétences pédagogiques et des connaissances nécessaires pour offrir une éducation de qualité.
  2. Adoption de méthodes pédagogiques éprouvées : l’adoption de méthodes pédagogiques basées sur les meilleures pratiques internationales peut contribuer à améliorer l’efficacité de l’enseignement. Cela inclut l’utilisation de technologies éducatives, des approches centrées sur l’élève et des techniques d’enseignement interactives.
  3. Utilisation efficiente des ressources financières : une gestion efficace des ressources financières est cruciale pour le succès des réformes éducatives. Cela inclut une planification budgétaire rigoureuse, une transparence dans l’allocation des fonds et une évaluation régulière de l’utilisation des ressources.
  4. Amélioration des infrastructures scolaires : les infrastructures scolaires doivent être modernisées pour offrir un environnement d’apprentissage sûr et propice. Cela inclut la construction de nouvelles écoles, la rénovation des bâtiments existants et l’équipement des salles de classe avec du matériel pédagogique adéquat.
  5. Assurance de la continuité des politiques éducatives : la continuité des politiques éducatives est essentielle pour garantir des progrès durables. Les changements fréquents de gouvernements et les réformes successives peuvent perturber le système éducatif et annuler les progrès réalisés. Il est crucial de mettre en place des mécanismes pour assurer la stabilité et la cohérence des politiques éducatives à long terme.

L’EXPÉRIENCE DES AUTRES PAYS AFRICAINS

L’expérience d’autres pays africains peut offrir des leçons précieuses pour Madagascar. Par exemple, des pays comme le Rwanda, le Kenya et l’Éthiopie ont réussi à mettre en oeuvre des réformes éducatives efficaces en se concentrant sur des éléments clés tels que la technologie éducative, la formation des enseignants et l’amélioration des infrastructures scolaires. Ces pays ont également bénéficié de partenariats internationaux qui ont aidé à introduire des normes pédagogiques avancées et à fournir des ressources financières et techniques.

Le Rwanda, par exemple, a fait des progrès significatifs dans l’intégration de la technologie dans les salles de classe, offrant des opportunités d’apprentissage numérique aux élèves. Le Kenya a mis en place des programmes de formation des enseignants axés sur l’amélioration des compétences pédagogiques et la promotion de méthodes d’enseignement interactives. L’Éthiopie a investi dans l’expansion des infrastructures scolaires et l’amélioration de l’accès à l’éducation dans les zones rurales.

Ces exemples montrent que des réformes bien planifiées et soutenues par une volonté politique forte peuvent conduire à des améliorations significatives dans le système éducatif. Madagascar peut s’inspirer de ces expériences et adapter les meilleures pratiques à son contexte spécifique pour améliorer la qualité de l’éducation et les résultats scolaires.

CONCLUSION

L’éducation à Madagascar a une histoire riche et complexe, marquée par des avancées précoces, des bouleversements coloniaux, et des défis post-coloniaux persistants. Aujourd’hui, malgré les efforts de réforme et les initiatives de développement, le pays continue de lutter contre des obstacles majeurs. L’avenir de l’éducation malgache dépendra de la capacité des parties prenantes à mettre en oeuvre des solutions durables et à assurer une continuité dans les politiques éducatives. Des efforts concertés sont nécessaires pour surmonter les défis actuels et garantir un avenir meilleur pour les générations futures.

Pour atteindre cet objectif, il est essentiel de renforcer la collaboration entre le gouvernement, les organisations internationales, les communautés locales et les autres parties prenantes. En travaillant ensemble, il est possible de créer un système éducatif inclusif et de qualité, qui offre à chaque enfant malgache les compétences et les opportunités nécessaires pour réussir. Le chemin est long et semé d’embûches, mais avec une volonté politique forte et un engagement collectif, Madagascar peut relever le défi de l’éducation et construire un avenir prospère et équitable pour tous. Les solutions alternatives privées, comme celles proposées par l’École 42 et la méthode Singapour, jouent un rôle crucial en comblant les lacunes laissées par l’État. Ces initiatives innovantes démontrent qu’il est possible d’améliorer significativement l’éducation avec des approches non traditionnelles, et elles offrent un modèle potentiel pour le futur de l’éducation à Madagascar.

Think tank Diapason ©Juillet 2024

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7 commentaires

Vos commentaires

  • 20 juillet à 10:49 | Vohitra (#7654)

    Bonjour a tous,

    Je vous mal les liens et explicitations entre le titre de l editorial et le contenu developpe...

    Cheminement de la democratie dans le pays et evolution de l education...

    Est-ce un fait expres et voulu ?

    Répondre

    • 20 juillet à 10:52 | Vohitra (#7654) répond à Vohitra

      Nb : Je vois mal...

    • 20 juillet à 12:12 | bekily (#9403) répond à Vohitra

      Pfffff
      Grandiloquence d’exposé universitaire banale,
      en rien exploitable compte tenu du problème essentiel :
      - LA GRANDE CORRUPTION
      - et la mise à sac du pays entre les mafieux FATI-DRA :
      * Trimobe, Rablue grand parrain de la mafia à travers son TRUST PROTÉIFORME la SODIAT
      * la francafrique , avec surtout COLAS ,
      * Et les complices NOUZALON, ANDRIANTSITOAINA , KARANA et ceux sui ramassent les miettes tombées de la table

  • 20 juillet à 11:08 | Vohitra (#7654)

    Tout au long de l expose, il est patent de constater que la problematique de « l’education » dans le pays est ramenee a deux points majeurs :

    - la disponibilte et la qualite de la gestion des moyens utilisees dans la promotion de l education.

    - l influence des politiques dans la continuite des efforts deployes.

    Ce qui me parait inquietant dans l expose, c est le dernier paragraphe qui annonce les approches non traditionnelles comme etant des possibilites de modeles a developper dans la promotion de l education dans le pays...

    Répondre

  • 20 juillet à 11:33 | Vohitra (#7654)

    Deux constats indeniables qu on peut observer aisement meme dans les coins recules non atteints par les influences politiques :

    - les illetres Malagasy savent et peuvent approprier l utilisation de la telephone mobile

    - les Malagasy non-instruits arrivent facilement sans risque d erreur a s inserer dans l utilisation des moyens de paiements au cours de la monetisation des echanges au marche.

    Des capacites cognitives reelles qui mettent en exergue des possibilites mobilisables dans la promotion d une instruction publique adaptee au contexte existant et tenant compte de l initiative de developpement voulu que le Malagasy est dispose a assumer...

    Répondre

  • 20 juillet à 12:18 | bekily (#9403)

    🙄🙄🙄🙄🙄🤔🤔🤔🤔🤔🤔
    Un parfait pauvre d« esprit peut endosser jaquette et chapeau haut de forme : il reste néanmoins pauvre d »esprit..
    Voyez le prince Harry d’Angleterre...qui par sa seule naissance était conseiller d’état !

    Répondre

  • 20 juillet à 12:30 | Vohitra (#7654)

    Partant du fait que le Malagasy est ouvert et est capable d adapter et approprier les evolutions technologiques d une part, et constatant que la deliquescence de l education traditionnelle est due a des circonstances et conjectures aboutissant a la perturbation de la stabilite et la securite de la perception traditionnelle du Malagasy de la notion de famille d autre part, ainsi, il est primordiale de recadrer la promotion de l instruction publique a travers :

    - la definition et l insertion de toutes les initiatives de developpement de l instruction dans la matrice de la transmission de l education en conformite avec la tradition familiale Malagasy et non l inverse

    - la prise en compte de la justice et civilisation agraire eu egard au fait que la majorite de la population se trouve en milieu rural, et que la perennite et durabilite de l integrite et prosperite de la famille Malagasy reposent essentiellement dans le respect de son environment physique et culturel

    Bref, la promotion d une instruction publique apte a initier un developpement et un progres conformes aux souhaits et aspirations du Malagasy devra se faire en partant des determinants culturels ainsi que la projection vers une ouverture exterieure necessaire au developpement des echanges en conformite avec les atouts offers par le naturel et l environnement...

    Répondre

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