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Société

L’Asaramanitra en 2013

jeudi 7 mars 2013 | Jean-Pierre Domenichini

Cela fait quelques années que la presse se fait l’écho d’un événement qui serait le « Nouvel An malgache ». Cette année, des titres nous parlent d’un « Désaccord honteux » ou de « La mouise du Nouvel An malgache ». Trois dates nous sont annoncées :

- les 11 et 12 mars pour la Trano koltoraly malagasy,
- les 15 et 16 mars pour Mamelomaso,
- le mois d’août ou les environs du mois d’août pour les ZanadRanavalona.

Et je comprends les journalistes qui voient dans ce désaccord et les gesticulations qui sont associées à cette annonce une atteinte à la valeur culturelle de l’événement, une atteinte à l’identité malgache. S’il y a une identité malgache, et je suis sûr qu’il y en a une, il leur semble bien qu’il ne devrait y avoir qu’une date.

Pour comprendre la question qui a un caractère politique comme tous les calendriers, il faut commencer par se demander ce que signifie Asaramanitra, un mot que l’on entend revenir plusieurs fois dans le courant d’une année. Pour beaucoup, Tonga ny Asaramanitra signifierait aujourd’hui : Voici qu’arrive une grande fête. En fait, Asaramanitra est le nom du premier mois de l’année dans le calendrier qu’utilisaient les grands ancêtres jusqu’au 13e siècle. Il se situait en septembre et était annoncé par le trandraka qui sortait de son hibernation et par le chant du taotaokafo qui revenait de sa migration annuelle en Afrique. Avec le retour d’une température plus clémente et propice aux nouvelles cultures, c’était le lohataona, c’est-à-dire le « début de l’année ». C’était la grande fête agraire du renouveau de la vie qui était associée au rituel dynastique du Bain ou Fandroana. Elle marquait le début de l’année solaire qui dure 365 jours environ.

Cette tradition asiatique fut modifiée aux 13e - 14e siècles par l’adoption de la semaine de sept jours et surtout celle de l’année lunaire qu’utilisaient les Arabes. Or, l’année lunaire n’ayant que 354 jours environ, le début de l’année commença à se déplacer dans le cadre de l’ancienne année solaire. Lors de l’adoption du nouveau calendrier, le premier mois de l’année fut d’abord celui d’Alakaosy ou mois du Sagittaire qui demeure le signe sous lequel sont faits les rituels des anciens rois comme Rapeto, Rasoalao et Ramaitsoakanjo.

Il advint au 16e siècle que, dans l’ensemble des réformes qu’institua le roi Ralambo, le Fandroana et le début de l’année furent placés au début du mois d’Alahamady ou mois du Bélier, qui était le mois de la naissance de Ralambo. Cette décision fut respectée par le Royaume d’Imerina puis le Royaume de Madagascar jusque sous le règne de Rasoherina (1863-1868). Sur le modèle anglais dans lequel la fête nationale se passe le jour anniversaire du souverain, Ranavalona II (1868-1883) et Ranavalona III (1883-1897) décidèrent que le Fandroana aurait lieu pour célébrer le jour de leur naissance. Pour Ranavalona III, ce fut le 22 novembre. Après l’exil de la Reine, Gallieni fixa les fêtes du Fandroana, bien évidemment sans Bain de la Reine, au 14 juillet, fête nationale française. Ces fêtes passèrent au 26 juin au moment de l’Indépendance.

On comprend d’autant mieux le désordre que, si le peuple des campagnes et nombre de citadins continuaient à célébrer les fêtes d’Asaramanitra selon les décisions de Ralambo en l’appelant Alahamadibe, les missionnaires et les Eglises les combattirent parce qu’elles y voyaient des vestiges d’un paganisme abhorré.

Entre les différentes propositions qui nous sont faites, y en a-t-il une qu’il serait préférable de choisir ? Suivre les « défenseurs de la culture malgache » de la Trano koltoraly malagasy ou suivre les ZanadRanavalona d’Anosimanjaka ?

Si je ne me trompe, c’est en 2004 que les « défenseurs de la culture malgache » ont commencé à proposer leur « Nouvel An malgache ». Ils en avaient défendu l’idée en se basant, disaient-ils, sur des connaissances scientifiques en astronomie. Sur la Toile, ils avaient alors été critiqués par les astronomes spécialistes du calendrier de l’Observatoire de Paris. Ils étaient alors soutenus par la radio Feon’Imerina et par l’association Jaky Mena. Ces soutiens leur ont été depuis retirés. Ils ont continué chaque année à organiser leurs festivités au mois de mars selon des dates changeantes. Ce fut le 21 mars en 2004.

En ce qui est des ZanadRanavalona – qui ne sont pas les descendants des reines du 19e siècle mais ceux de Ranavalontsimitoviaminandriana, fille d’Andriamasinavalona que son père plaça à Anosimanjaka –, ils ne sont pas les seuls à célébrer l’Asaramanitra et l’Alahamadibe selon les décisions de Ralambo. J’y ai assisté de nombreuses fois dans les années 1980 et j’y ai vu, Razakaboana, Conseiller Suprême de la Révolution, y danser autour des zébus sacrifiés. Dans les mêmes années, les Zanakantitra le célébraient à Analanakoho au sud d’Imerintsiatosika : ils étaient plus de 20.000 à assister aux fêtes qui duraient cinq jours avec plusieurs troupes de mpihira gasy ; on pouvait y voir aussi les militaires d’Iavoloha venir avec leur Lada remplir leurs jerricans à la source d’Analanakoho, et nous supposions que leur patron s’était organisé un Fandroana particulier. À Ambohimanga, j’ai vu aussi en 1990 les Antehiroka célébrer l’Alahamadibe que RFO a filmé et diffusé à la télévision. Dans la région d’Andramasina, on le célèbre encore à Ambatomalaza, Ambohidrazana, Fihasinana, Soavinimerina Manjakavahoaka… L’Alahamadibe y fut fêté le 29 août en 2011 et, l’année étant bissextile, le 19 août en 2012. Ce pourrait être le 7 ou le 8 août en 2013 et en juillet l’année suivante.

Alors, où est l’identité malgache ? Entre « défenseurs de la culture malgache » et gardiens d’une tradition pluri-centenaire, nous sommes en démocratie et pouvons librement exercer notre liberté d’expression et notre droit de choisir les candidats que nous élisons. À vous d’élire les meilleurs.

12 commentaires

Vos commentaires

  • 7 mars 2013 à 10:33 | RAMAHEFARISOA Basile (#6111)

    En toute sincérité :
    - « Est-ce le moment de discuter d’ASARAMANITRA » ???
    Basile RAMAHEFARISOA-1943
    b.ramahefarisoa@gmail.com

    • 7 mars 2013 à 15:18 | poiuyt (#584) répond à RAMAHEFARISOA Basile

      ce sujet mérite plus que 5 messages

      un insensé d’officier, bombardé ministre de l’éducation par les putschistes, avait cru bon de destituer la langue anglaise, dans l’éducation nationale. Quand on sait que c’est, et de loin, le vecteur des transferts et scientifiques et technologiques, on se dit que le mec n’était pas au bon endroit. Sait-on le mal que ce ventripotent « innocent » a fait à la civilisation ? Chez les putschistes, on affecte les « innocents » sur des postes clés, après quoi qu’ils fassent, ils ne sont pas responsables, encore moins coupables

      ça se voit en joël

      pour Basile aussi, le virtuel ne compte pas, d’où la culture vaut que dale

      bref, les valeurs virtuelles de notre civilisation, les infâmes putschistes les ont annihilés, ils sont en passe de réussir, les « innocents »

  • 7 mars 2013 à 11:41 | Isambilo (#4541)

    De l’art de faire la diversion. On peut être payé pour ça.

    • 7 mars 2013 à 13:45 | Mihaino (#1437) répond à Isambilo

      Je vous suis à 100% Isambilo !
      Quid des problèmes actuels que traverse notre Pays ???
      Diversion, version du Prof vers du non événement Asaramanitra avant les éléctions 2013 ??!! Eléctions ou pas d’éléctions ?That’s the question ?? Puis Asaramanitra pour les heureux élus !
      Wait and see ....

  • 7 mars 2013 à 13:19 | Tojo (#6209)

    Et en vertu de quelle preuve oses-t-on dire (déjà) que c’est le « Nouvel An malgache » ? Nouvel An...Merina, peut-être, Nouvel An Antemoro ou autres ethnies, peut-être, mais Nouvel An Malgache ou Malagasy (comme aime si bien se justifier certains constipés), sûrement PAS.

    Faut-il encore démontrer ce qu’est le « Malgache », « le malagasy » dans cette diversité ethnique (dont certaine s’adjuge sans honte ni scrupules d’être les premiers venus et, donc, d’être, selon eux, bêtement, les seuls malagasy) et, ensuite, se mettre d’accord sur la date à prendre en compte.

    Bref, que chaque ethnie (dans leur logique ethnocentriste, du moins dans leur culturalité) s’amuse avec ce qu’elle prétend comme sa culture, mais de grâce, arrêtez d’usurper la « malagasité » (la malgachéité), ce « construit identitaire » de l’époque contemporaine qu’aucune origine ethnique ne pourrait usurper sans risque de se recevoir des volées de bois de verts.

    Une identité Nationale et Républicaine pour les Malagasy (malgache) et une identité ethnique pour les ethnocentristes, les vaches seront bien gardées.

    • 7 mars 2013 à 17:01 | Isambilo (#4541) répond à Tojo

      Une identité nationale et républicaine est en train de se construire en mettant à jour les valeurs partagées par tous les Malgaches. La langue véhicule ces valeurs communes. Faites le tour de Madagascar et vous découvrirez que le mythe de Ndrenambo / Ibonia est connu partout avec des variantes locales qui ne font qu’enrichir le mythe.
      Par contre, le fameux « fihavanana » qu’on sert à tout bout de champ actuellement, ce n’est pas une valeur malgache mais chrétienne, une conception qui veut faire croire que nous avons tous les mêmes intérêts à défendre.
      Je suis tout à fait d’accord avec vous avec cette histoire de malagasy au lieu de malgache. Ce genre de nationalisme infantile doit être dépassé. Ce n’est pas aux Malgaches d’imposer aux francophones la façon de les appeler. Les Anglais n’ont pas fait de scandale quand les Français ont décidé d’appeler leur capitale Londres et non London. On a d’autres chats à fouetter.
      Quant à l’opportunité des articles de cet auteur ces derniers jours, je la trouve discutable pour ne pas dire intéressée.
      Mais chacun ses préoccupations et son calendrier.

    • 7 mars 2013 à 17:50 | Rakotoasitera Fidy (#2760) répond à Tojo

      Certes il y a d’autres sujets ’brulants’ Tojo mais un point d’histoires ne fait point de mal

      Au contraire , un rafraichissement

      Et croyez moi au milieu de toutes ces nouvelles macabres véhiculées par les médias , une telle bouffée pour s’aérer la ’tète’ (comme on dit) n’est point superflue

      Pour une fois qu’on ne parle pas ’politika’

      Cordialement Tojo

    • 7 mars 2013 à 18:16 | Rakotoasitera Fidy (#2760) répond à Isambilo

      La mise a jour de ces valeurs partagées par tous les malagasy , vous pouvez les énumerées ici Isambilo ??

      Et quand je dis malagasy , Isambilo , je n’impose rien aux francophones

      Libres a eux d’adopter ou non ’ma langue’ , et ce n’est point de l’infantilisme

  • 7 mars 2013 à 13:53 | sorajavona (#1134)

    merci pour ce article qui nous éclaire sur les aspects confus de notre passé. Ce n’est pas les péripéties du présent qui doivent nous détourner d’une analyse durable de l’histoire dont beaucoup de malgaches sont encore marqués.

    • 7 mars 2013 à 19:35 | Isambilo (#4541) répond à sorajavona

      Domenichini a par exemple clairement montré qu’on appelle Vazimba les premiers habitants de Madagascar. Et ils ont la même origine géographique que ceux qui sont venus ensuite.
      Vous voulez une valeur commune à tous les Malgaches ? Le « culte des ancêtres »que même les chrétiens et musulmans malgaches actuels continuent à pratiquer. Une autre valeur ? Le fait que l’individu n’existe que par ses liens avec ses ancêtres. Si vous voulez en trouver d’autres faites un peu de recherche, internet est aussi là pour cela.
      Bon courage.

    • 7 mars 2013 à 23:32 | Mihaino (#1437) répond à Isambilo

      Effectivement, si nous voulons creuser ou connaître notre Histoire , Internet nous livre tout et d’éminents historiens, spécialistes du passé malagasy , économistes, humanistes et que sais-je ????ont laissé leurs empreintes sur des sites. NTIC obligent !
      Si l’auteur peut nous proposer dans ses recherches des solutions à cette crise actuelle, je suis preneur , lecteur tout de suite ....
      Décrire c’est bien, Agir c’est mieux ! ACTA NON VERBA ....
      Wait and see ....

  • 12 mars 2013 à 22:33 | NY OMALY NO MIVERINA (#1059)

    Très intéressant comme sujet mais il faut des pages et des pages pour comprendre.

    En plus, çà ne concerne essentiellement que l’Imerina ... et peut être source de divisions au sein des Malagasy qui a une identité dans sa langue, ses us et coutumes.

    L’Asaramanitra n’est qu’une goutte d’eau dans la civilisation malagasy ou ... « un détail » disait l’autre ...

    Et parler de l’Asaramanitra dans le contexte actuel c’est polluer intellectuellement les Malagasy.

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