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mercredi 10 décembre 2025
Antananarivo | 10h17
 

Politique

Vives polémiques avant même le début de la Concertation nationale

mercredi 10 décembre | Ikala Paingotra |  185 visites  | 1 commentaire 

Avant même d’avoir commencé, la Concertation nationale, censée être une plate-forme de cohésion et de discussion nationale vers la refondation, a connu de vives polémiques. Le choix des autorités de confier son organisation au Conseil chrétien des Églises (FFKM) a provoqué une levée de boucliers de la part de ceux qui ont pointé du doigt l’existence d’autres confessions qui ne sont pas représentées au sein de la FFKM, à commencer par les adeptes des cultes traditionnels. Ensuite, la déclaration télévisée d’un membre du comité d’organisation affirmant qu’Andry Rajoelina avait été invité a mis le feu aux poudres, obligeant le ministre de la Culture et de la Communication et les Chefs d’Église du FFKM à jouer les pompiers hier en début de soirée pour démentir cette invitation.

Les polémiques sur ces deux points tournent autour de la notion d’inclusivité, mais appliquée dans deux sens différents : ceux qui s’offusquent du choix du FFKM le font en dénonçant un manque d’inclusivité par rapport aux autres confessions, tandis que ceux qui s’offusquent de l’invitation de Rajoelina assument le choix de son exclusion, sous divers prétextes qui ne sont pas nécessairement illégitimes.

Sur le premier point, on peut toutefois comprendre le choix qui s’est porté sur le FFKM, qui est la seule institution de la société civile capable de montrer une couverture du territoire national et de coordonner les actions depuis le niveau fokontany jusqu’au niveau national. Toutefois, le FFKM devra faire attention à deux points essentiels : un, élargir la participation à toutes les sensibilités confessionnelles et ne pas tenter d’utiliser son rôle d’organisateur au bénéfice de ses paroisses ; deux, se garder de toute velléité de mettre fin à la laïcité de l’État, comme certaines rumeurs (heureusement, semble-t-il non fondées) le véhiculent sur les réseaux sociaux depuis plusieurs jours.

Le FFKM a joué un rôle politique majeur depuis sa création en 1980, ce qui a poussé les Présidents Ratsiraka et Rajoelina à favoriser l’émergence des sectes pour tenter de contrebalancer son influence. Toutefois, son activisme pro-Ravalomanana à partir de 2002 lui a définitivement fait perdre l’image de neutralité nécessaire pour agir en médiateur dans les affaires nationales. Facteur aggravant : la position de vice-président de l’Église protestante (FJKM) du Président Ravalomanana. Le FFKM a payé cher cette perception, et l’Église catholique (EKAR) a tenu à montrer ses distances, ce qui a été constaté notamment lors de la crise de 2009 et les années suivantes par l’activisme pro-Rajoelina de Monseigneur Odon Marie Arsène Razanakolona, Archevêque d’Antananarivo. Il semblerait que cela ait même fini par lui barrer la route vers le pourpre cardinalice.

Sur le deuxième point, il y a deux façons de raisonner sur le sujet de cette invitation qui aurait été envoyée à Rajoelina dans le cadre de la Concertation nationale.

Primo, soit l’on considère que ladite conférence doit permettre la réconciliation et l’union nationale, et dans ce cas tous les leaders politiques ayant une assise et des artisans devraient avoir une place à la table des discussions. Quoi que l’on pense de Rajoelina, on ne peut nier que malheureusement, il continue quand même à avoir un certain poids politique dans certaines couches de la population, en particulier les moins instruites.

Secundo, soit l’on considère que le sujet de la réconciliation nationale n’est pas important, et que toute exclusion n’aura pas de conséquence. On se souvient qu’il revient systématiquement après chaque crise, et le Président Zafy en avait même fait son cheval de bataille en mettant en place le Conseil pour la réconciliation nationale (CRN) après la crise de 2002. Malheureusement, tous les chefs d’État qui se sont succédé depuis ont snobé la question sous divers prétextes, avec les conséquences que nous constatons aujourd’hui.

Vérité d’abord, réconciliation après

Il faudrait donc savoir ce que nous voulons et décider de la démarche pour y parvenir, mais ne pas faire le « te hividy ny lohany fa matahoatra ny masony » : avoir envie de réconciliation, mais ne pas oser entamer certaines étapes nécessaires, même désagréables. Il n’y a en effet que deux perspectives possibles : admettre que la refondation vers une cohésion nationale doit rassembler toutes les parties ayant quelque importance sur l’échiquier politique, ou bien prétendre que cette cohésion nationale peut se faire en discriminant certains groupes qui nous déplaisent.

Cela étant dit, que ce soit en Afrique du Sud ou au Rwanda, qui ont mené avec succès des processus de réconciliation pour tourner la page de l’apartheid ou du génocide, il y a eu des actions préalables visant à établir la vérité indispensable au pardon. Or, de nombreux actes et responsabilités de Rajoelina restent encore dans le flou, tant en matière de violation des valeurs démocratiques que des principes de l’État de Droit. On ne peut donc pas décemment lui accorder un pardon et laisser l’impunité s’installer dans ce flou non artistique. Que la lumière soit d’abord faite sur toutes les exactions, puis que le pardon soit demandé en tenant compte des réparations (par exemple, restitution des montants détournés), avant que ce qui est pardonnable soit pardonné. Quant au reste, que la Justice sereine effectue son travail. On pourra donc s’interroger sur la précipitation dans l’organisation de la Conférence nationale, alors que des préalables judiciaires et méthodologiques restent à peaufiner. Heureusement toutefois que le processus va prendre six mois, ce qui permettra de rectifier ce qui est nécessaire en cours de route.

Enfin, on s’étonnera que la société civile et la Gen Z n’aient pas été invitées à la cérémonie d’ouverture de la Concertation nationale, s’il faut en croire leur conférence de presse hier. Cela est non seulement incongru, injuste et injustifiable, et rajoute au caractère brouillon et bâclé dans l’organisation de cet évènement important. Est-ce un style ala-safay [1], ou bien le reflet de la volonté des politiciens d’écarter les potentiels empêcheurs de tourner en rond ?

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Notes

[1D’après Régis Rajemisa-Raoilison (Rakibolana, 1985), « fanaovan-javatra tsizarizary mba hisehoana ho nanao fotsiny ka hahafa-tsiny eo imason’ ny olona »

1 commentaire

Vos commentaires

  • 10 décembre à 10:05 | walesa (#5863)

    Bonjour à tous !
    L’organisation d’une telle concertation nationale doit pouvoir intégrer dans ces rangs toutes les sociétés et les mouvements sans celles aux connotations criminels. Je pense, que dans cet appel FFKM et les autres mouvements devraient insister de toutes leurs forces, pour que toutes les sociétés civiles, mais surtout GenZ soient intégrée dans cette concertation ! C’est une condition Sine qu’à non ! Sinon, FFKM ne doit pas participer dans un simulacre de concertation !
    Par contre GenZ doit enfin se restructurer et donner l’image d’une organisation ayant sa vrai place dans la vie sociale et pas un mouvement chaotique mal organisé !

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