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Editorial

Shalom… très shalom

lundi 7 janvier 2013 | Ndimby A.

Quelle lecture peut-on donner au voyage en Israël que le président de la transition (PT) s’est offert comme cadeau de fin d’année ? Personnellement, j’avancerais quatre hypothèses.

La première, en mode « spiritualiste sincère » : il s’est rendu compte du caractère abominable de ses actes depuis 2009, et est allé prier pour demander sincèrement pardon à Dieu de tout ce qu’il a fait contre le peuple malgache. Afin de raccourcir les délais, il est allé au Mur des lamentations à Jérusalem, parloir officiel pour Lui parler, au lieu de le faire à distance à partir d’Ambohitsorohitra ou d’Ambatobe. Vu la mauvaise qualité de service et les coûts exorbitants des opérateurs mobiles et internet locaux, la distance entre Madagascar et Israël ne pouvait que rendre les résultats aléatoires. D’ailleurs, quand on voit les difficultés qu’il a à se faire comprendre des pays de la SADC, qui ne se trouvent pourtant qu’à 400 kilomètres derrière le Canal de Mozambique, on ne peut vraiment lui donner tort de se méfier des distances géographiques.

Deuxième hypothèse, en mode « spiritualiste intéressé » : il a décidé de se présenter aux élections, et est allé demander de l’aide aux puissances célestes pour inverser la tendance croissante de son impopularité. Il élargit donc ses réseaux en tentant de se mettre dans les petits papiers du Grand Architecte de l’Univers.

Troisième hypothèse, en mode « matérialiste », qui est une variante humaniste de la deuxième. Il a décidé de se présenter, mais constatant que le soutien de Dieu peut être hypothétique, il préfère assurer ses liens avec les hommes. Ses amis français ne sont plus aussi amicaux que du temps de Sarkozy et Guéant, et seule la puissance terrestre des généraux mora le maintient encore au pouvoir. Mais jusqu’à quand ? Rajoelina est donc allé chercher de l’aide auprès des puissances terrestres présentes en Israël. Le pays est connu pour l’efficacité de Tsahal (son armée) et du Mossad (services de renseignement), sans oublier les services de sécurité privée, aguerris par des décennies d’Intifada et de lutte contre le terrorisme palestinien. Ce genre d’amitié est toujours utile pour ceux qui décident envers et contre tout de persister dans leurs turpitudes. Que signifie alors ce voyage ? Les hâtifs se préparent-ils à réprimer en cas de mouvements de contestation des résultats d’élection ? Prospectent-ils pour acquérir des armes ou du matériel de surveillance des communications téléphoniques et internet ? Envisagent-ils de faire venir des instructeurs israéliens, voire des mercenaires ? L’avenir nous le dira. On se souvient juste que du temps du Président Tsiranana, le ministre André Resampa avait confié l’équipement et l’entraînement des FRS [1] à l’Etat d’Israël. Comme les trains, un Resampa peut en cacher un autre.

Quatrième hypothèse, en mode « opportuniste ». Il a décidé de ne pas se présenter devant les urnes, et de s’offrir un dernier petit voyage exceptionnel et en famille aux frais de la princesse en guenilles que sont actuellement les finances publiques malgaches. Pour maquiller son caprice en intérêt supérieur de la Nation, le DJ s’invente une visite auprès de Shimon Peres. Ce dernier devrait d’ailleurs se méfier des gens à qui il serre la main : Nicolas Sarkozy, Abdoulaye Wade ou Mouammar Kadhafi en savent quelque chose.

Comme mon ami Patrick a eu l’amabilité de vous le révéler, je ne prends ni alcool ni produit hallucinogène. Par conséquent, j’écarte tout de suite les deux premières hypothèses, et pencherais plutôt pour la troisième (ou éventuellement la quatrième). En effet, j’espère sincèrement que le PT va se présenter aux présidentielles, juste pour pouvoir sortir le petit édito que je tiens au frais depuis des mois au sujet de la fiabilité de sa parole [2], en confirmation d’un édito qui date du 20 septembre 2010. On verra donc si le futur validera mon pari, « et peu m’importe si je le perds : le pays sera gagnant ».

Vous noterez également que je ne vous ai pas fait l’affront de vous souhaiter hypocritement une bonne année 2013, pour une seule et bonne raison : tant que Rajoelina et sa clique traîneront dans les coulisses du pouvoir, il n’y aura jamais de bonne année possible pour les Malgaches. Sauf peut-être pour les membres de la « winning coalition », leurs amis exportateurs de bois de rose, et les griots de forum qui chantent les louanges du PT à 10.000 kilomètres du théâtre des opérations. Mais pour la grande majorité du peuple malgache, 2013 ne pourra être qu’une nouvelle année d’inflation, d’insécurité, d’incertitudes, et d’État de non-droit, comme toutes les autres depuis 2009. Mes éditos de début d’année permettront sans doute de mesurer que finalement, nihil novi sub sole, rien de nouveau sous le soleil : de DJ-cratie, an II : bonané ??!! (4 janvier 2010) à La liberté de fermer sa gueule ?(2 janvier 2012), en passant par Revin-gadra de bonne année (3 janvier 2011).

Nous laisserons aux optimistes forcenés, aux rêveurs illuminés, ou aux idiots patentés [3] le soin de dire qu’il y a un fait nouveau majeur : le calendrier électoral , dont le premier scrutin est prévu pour le 8 mai 2013. Déjà, je doute fort que les divers problèmes de financement permettent de tenir ce calendrier. Et de toutes façons, même si ces élections avaient lieu comme prévu, l’absence évidente de bonne volonté des autorités de transition en vue d’apaiser le contexte politique ne pourra qu’en faire une vaste fumisterie. Et ceci, que Rajoelina se présente, ou qu’il finisse par se rendre à la raison du « ni-ni » en sortant un poulain ou un baudet de son écurie, histoire de lui chauffer la place jusqu’en 2018 (ou jusqu’à la prochaine crise). On notera aussi que ce n’est pas le premier calendrier électoral que l’on entend depuis 2009, qui a quand même vu pas mal d’élections annoncées puis reportées. Quant à celle qui s’est tenue cahin-caha en novembre 2010, on sait ce que le très honorable Comité national d’observation des élections (CNOE) en a dit : ce fut « la pire élection qu’il ait eu à observer ». Voilà donc la qualité de scrutin que le PT et son équipe sont capables de concocter.

La lecture du discours creux et insipide de Rajoelina à la fin de l’année 2012 aura recelé un certain nombre de curiosités. Après la litanie de ses pseudos-réalisations, qui confirme sa superficialité telle qu’évoquée dans Le cirque du coliseum, il aura une phrase qui mérite d’entrer dans le Guiness des records, catégorie tragicomique même pas comique : « Il y a des défaillances que nous devrons corriger ensemble, parmi lesquelles (…) le fait qu’il n’était pas possible de se concentrer sur la création d’emplois à cause du caractère transitoire que nous vivons ». Autrement dit, la transition a la capacité, la volonté et le pouvoir de dépenser des sommes faramineuses dans des choses aussi inutiles dans le contexte actuel que stade de rugby, salles de concerts ou hôpitaux tape-à-l’oeil. Mais elle n’a ni la capacité, ni la volonté, ni le pouvoir de s’occuper des entreprises mises en faillite, des emplois perdus et de la paupérisation galopante à cause de sa mégalomanie impatiente, sous prétexte de période transitoire. Il vaut mieux entendre cela que d’être sourd ! On se demande où est le sens de priorité de ce jeune homme, qui serait un jour capable de nous construire un parc Disneyland sur le marais Masay, juste pour pouvoir nous dire qu’il est le premier en Afrique à avoir fait cela.

Quand à la liste de questions qu’il a posées pendant ce discours de fin d’année, lui et ses sbires feraient mieux de faire un peu d’introspection par rapport à ce qu’ils ont fait au premier semestre 2009 : « Hisara-bazana isika sa Hiray hina ? » (division ou solidarité). « Hifankahala sa Hifankatia ? » (haine ou amour). « Hamotika sy Handrava, sa Hanorina sy Hanamboatra ? » (détruire ou construire).
« Hihemotra sa Handroso ? » (reculer ou avancer). Et tant que nous sommes dans le domaine des introspections, je constate que les deux journalistes de Free FM, Lalatiana Rakotondrazafy et Fidèle Razara-Piera ont écopé de trois ans fermes pour les chefs d’inculpation suivants : « Incitation à la haine contre les pouvoirs publics ; Destruction de biens publics ; Action concertée menée à force ouverte ; Réunion publique sans autorisation ». Tout ceci m’amène à poser la question suivante aux hâtifs et à leurs griots : quel sort doit-t-il être réservé aux radios et aux personnes qui ont commis des actes passibles des mêmes qualifications pendant le premier trimestre 2009 ? A moins qu’on vienne nous expliquer que la Loi et la Justice malgaches sont devenues à géométrie variable, et qu’en fonction du faciès, ce qui est crime pour certains va être un acte méritant pour d’autres. Et ça se prétend démocrate et chantre de l’Etat de droit ?

De mon humble point de vue, Monsieur Rajoelina et ceux qui l’ont soutenu depuis 2009 n’ont aucune crédibilité pour venir donner des leçons de philosophie ou de savoir-vivre au peuple malgache. Espérons seulement que les simagrées à vocation photographique du PT devant le Mur des lamentations en Israël puissent un jour avoir un effet positif sur sa mentalité. Car il ne suffit pas de poser une kippa sur son crâne et savoir dire bonjour en hébreu pour se considérer rabbin. Shalom  ? Shertainement.

P.-S.

Deux cent cinquantième article bénévole pour Madagascar-tribune.com. Merci aux fidèles lecteurs, aux fidèles détracteurs, et surtout aux patrons de la rédaction pour cet espace de liberté :-)

Notes

[1Forces républicaines de sécurité de sinistre mémoire, coupables du massacre du 13 mai 1972

[2Vous noterez que je n’ai pas écrit « parole d’honneur », afin de ne pas transformer un éditorial qui se veut sérieux en sketch.

[3Rayer la mention inutile en ce qui vous concerne…

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