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Editorial

Obama-Romney vs Ravalomanana-Rajoelina

mercredi 7 novembre 2012 | Patrick A.

Tous les quatre ans, le mardi de la première semaine de novembre, la même fascination envahit la planète. Des personnes n’ayant jamais vu l’Amérique de leurs yeux se piquent au jeu et prennent parti soit pour l’éléphant, soit pour l’âne [1]. Comme il est difficile de rester indifférent à la désignation de celui qui sera pendant quelque temps l’homme le plus puissant de la planète, on serait bien en mal de décompter tous ceux qui, dans les différentes métropoles du monde, plongent dans un monde virtuel et se mettent à voter par procuration. Et avec une pointe d’envie, quasiment tous les commentateurs en Afrique se mettent à louer la démocratie américaine.

Celle-ci est indéniablement louable. Mais un grave malentendu flotte sur bon nombre de commentaires. Car ce qui est le plus admirable dans ces élections US, ce n’est pas la démocratie ; c’est l’état de droit. Celui-ci se manifeste par exemple par le fait que les citoyens des États-Unis ne remettent nullement en cause la légitimité du président élu, même si celui-ci peut avoir été choisi par moins d’électeurs que son adversaire. De la même manière, pas grand monde aux États-Unis ne se permet de trouver à redire sur le fait qu’il suffit à un candidat d’avoir quelques voix d’avance dans un État pour remporter tous les grands électeurs de cet État. Et lorsqu’en 2000, la Cour suprême des États-Unis décida par 5 voix contre 4, qu’il était impossible d’effectuer en Floride un recompte conforme à la fois aux règles et aux délais impartis par la Constitution, George W. Bush fut alors déclaré président des États-Unis et aucun leader démocrate ne se permit de remettre en cause son autorité. Dura lex, sed lex : la loi est dure, mais c’est la loi.

Gouvernement des Juges ?

Cette année, avant même que l’élection n’ait eu lieu, les cabinets d’avocats se sont déplacés en masse vers les États « clés ». Si à l’heure de l’écriture de ces lignes, la victoire du président sortant se dessine, il n’est pas impossible qu’à nouveau, les joutes judiciaires jouent un rôle au moins aussi important que les joutes électorales. Et l’on pourrait alors s’inquiéter du risque de voir à terme un gouvernement des Juges prendre le pas sur la souveraineté du Peuple.

Il n’en est rien : car aux États-Unis, les Juges restent sous la subordination des textes. Et ceux-ci ont la force d’être quasiment immuables, donc d’avoir acquis un caractère impersonnel et intemporel. Force est de constater que la différence est considérable par rapport à d’autres traditions juridiques, dont celle de notre pays, où l’on a facilement tendance à penser qu’on peut ou qu’on doit changer de texte comme l’on change de chaussettes.

Le contraste est énorme entre les États-Unis et Madagascar, où les juges font facilement fi des textes sans que l’on s’en émeuve, et où l’on se prépare à aller vers des élections sans trop savoir à quelle Constitution l’on se réfèrera : celle de 2007 ou celle de 2010 ? L’on se demande bien quel ciel est tombé sur nos têtes pour accepter une telle ambiguïté. Quel que soit en tout cas le dispositif constitutionnel qui sera considéré comme faisant foi, il s’agira d’un texte élaboré trop vite, sous la pression des événements et/ou des personnalités au pouvoir ; et de toute évidence, les auteurs en avaient été réduits à penser que, pour compenser un tant soit peu le contexte défavorable, la quantité (en nombre d’articles) pouvait suppléer la qualité (du débat contradictoire préalable).

Copier-coller

Il n’y a pas que nos Constitutions qui soient mal élaborées. Si l’on observe de près le processus législatif à Madagascar, bon nombre des projets de lois des dix dernières années ont été écrits pour rattraper un supposé retard par rapport aux pratiques internationales. Les contraintes de calendrier viennent alors d’organismes extérieurs à Madagascar, les personnes choisies pour rédiger et discuter les avant-projets sont choisies un peu au petit bonheur la chance, et la tentation d’utiliser les touches Ctrl-C et Ctrl-V du traitement de texte devient alors trop grande. Plus grave encore, le contrôle de cohérence par rapport aux textes antérieurs est fréquemment bâclé, alors que les explications sur les motifs de l’adoption des nouvelles dispositions sont la plupart du temps indigentes.

Même avec la meilleure volonté du monde, il devient difficile au juge honnête de ne pas être tenté d’interpréter les textes à sa façon. Quant au juge malhonnête, n’en parlons même pas...

Qu’ils soient de la HCC, de la CES, de la Cour criminelle ordinaire ou du Tribunal de première instance, les juges ne doivent pas s’instituer en faiseurs ou en défaiseurs de rois. Ils n’ont qu’un rôle : appliquer les textes. Mais cela n’a de sens que si ces textes sont correctement élaborés et vraiment débattus avant d’être adoptés.

Il serait alors bon de retenir ceci : il est préférable d’écrire de manière concise, mais très claire. Cette règle peut s’appliquer en journalisme comme en Droit. Il s’avère que pour y arriver, il faut du temps, qui est une ressource plutôt rare en période de crise.

Notes

[1symboles respectifs des partis républicains et démocrates

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