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Communiqué

Mahazoarivo interpelle de nouveau la CES

mardi 14 mai 2013

AKON’I MAHAZOARIVO

Edition spéciale – Mai 2013

La Cour Electorale Spéciale :

controverses sur la Décision n°01-CES/D du 3 mai 2013 statuant sur les candidatures à l’élection de Président de la République du 24 juillet 2013.

La Décision n° 01-CES/D du 3 mai 2013 de la Cour Electorale Spéciale (CES) déclarant recevable les candidatures d’une part de Mme RAVALOMANANA née RAKOTONIRAINY Lalao Harivelo, MM. RATSIRAKA Didier Ignace et de VITAL Albert Camille, d’autre part, de M. RAJOELINA Andry Nirina laisse juristes et observateurs avertis de la vie politique malgache perplexes, inquiets, préoccupés et même révoltés.

Pour une meilleure intelligence de la question, il convient de procéder à l’étude juridique de la Décision de la CES (I) avant l’analyse rétrospective de son manque de crédibilité (II).

I- L’étude juridique de la Décision n° 01-CES/D du 3 mai 2013 de Cour électorale Spéciale relative aux candidatures de Mme RAVALOMANANA née RAKOTONIRAINY Lalao Harivelo, MM. RATSIRAKA Didier Ignace, de VITAL Albert Camille et de M. RAJOELINA Andry Nirina

L’étude concerne d’une part la recevabilité des candidatures (A), d’autre part, la date de démission ou de cessation de fonctions des candidats occupant des postes publics (B).

A- La recevabilité des candidatures

Pour la recevabilité des candidatures, les cas de Mme RAVALOMANANA née RAKOTONIRAINY Lalao Harivelo, MM. RATSIRAKA Didier Ignace et de VITAL Albert Camille doiventt être distingués de celui de M. RAJOELINA Andry Nirina.

1. Les cas de Mme RAVALOMANANA née RAKOTONIRAINY Lalao Harivelo, de M. RATSIRAKA Didier Ignace et de VITAL Albert Camille

La recevabilité des candidatures concerne le respect de l’article 46 de la Constitution, et de l’article 5 de la loi organique n° 2012-015 du 1er aout 2012 relative à l’élection du premier Président de la Quatrième république selon lequel : tout candidat à l’élection du Président de la République doit résider sur le territoire de la République de Madagascar depuis au moins six mois avant le jour de la date limite fixée pour le dépôt de candidature.
La situation de Mme RAVALOMANANA née RAKOTONIRAINY Lalao Harivelo et celle de M. RATSIRAKA Didier Ignace sont différente de celle de VITAL Albert Camille

1.1 La recevabilité des candidatures de Mme RAVALOMANANA née RAKOTONIRAINY Lalao Harivelo et de M. RATSIRAKA Didier Ignace

C’est à juste titre que la CES a retenu les arguments développés par les intéressés au soutien de leurs candidatures : « il ressort des pièces et justificatifs que Madame RAVALOMANANA née RAKOTONIRAINY Lalao Harivelo et Monsieur RATSIRAKA Didier Ignace ont versés dans leur dossier respectif, que leur absence sur le territoire malgache résulte de faits et circonstances indépendantes de leur volonté, les empêchant de jouir de leur droit fondamental de rentrer dans leur pays natal, quand bien même, ils ont maintes fois manifesté expressément leur désir et volonté de retourner à Madagascar  ».

En effet, il est constant et non contesté qu’ ils ont été empêchés à maintes reprises de rentrer ou de demeurer à Madagascar par les pouvoirs publics qui ont décerné à leur encontre un Notice to Air Men ( NOTAM), en violation manifeste des dispositions de l’article 12 de la Constitution et du paragraphe 20 de la Feuille de Route sur le droit de quitter le territoire national et d’y rentrer, ainsi que sur le libre retour des exilés politiques au pays. En outre, M. RATSIRAKA Didier Ignace a été privé par les Autorités étatiques du logement auquel il a légalement droit en sa qualité d’ancien Chef d’Etat et que ce tort n’a jamais été réparé en dépit de ses nombreuses réclamations.

1.2 La candidature de VITAL Albert Camille

La justification de sa Décision par la Cour Electorale Spéciale est parfaitement fondée : « l’Ambassade de Madagascar à Genève où il exerce en tant qu’Ambassadeur, n’est que le prolongement du territoire malgache ».

2- La candidature de M. Andry Nirina RAJOELINA

C’est la décision de recevabilité de cette candidature qui a provoqué la plus virulente contestation de l’opinion publique nationale et internationale, au point de conduire à la condamnation presque unanime et sans appel de la Cour Electorale Spéciale (voir les journaux du 4 mai 2013, le lendemain de la Décision de la CES et le communiqué du 6 mai 2013 du Quai d’Orsay).

Les indignations sont d’autant plus amplifiées que l’accent a été mis sur le fait que « la candidature de RAJOELINA rompt l’engagement solennel pris le 15 janvier 2013 par le Président de la Transition de ne pas se porter candidat aux élections présidentielles malgaches, conformément aux recommandations de la communauté de Développement d’Afrique Australe », selon ce communiqué de la France.

L’article 13 de la loi organique n° 2012-015 du 1er août 2012 relative à l’élection du premier Président de la Quatrième République dispose que : « La Cour Electorale Spéciale contrôle les conditions de recevabilité des candidatures et les conditions d’éligibilité des candidats telles qu’elles résultent de la présente loi organique » .

Comme il est expressément mentionné dans le Considérant de la Décision n° 01-CES/D du 3 mai 2013 de la Cour Electorale Spéciale elle-même, selon Décret n° 2013-154 du 12 mars 2013 fixant les conditions d’application des dispositions de la loi organique n° 2012-015 du 1er août 2012 relative à l’élection du premier Président de la Quatrième République, la date limite du dépôt de candidature pour tous les candidats à cette élection du Président de la République du 24 juillet 2013 est fixée au 28 avril 2013 à dix-sept heures :
« Considérant que depuis le 6 jusqu’au 28 avril 2013 à dix-sept heures, date et heure d’expiration de dépôt de candidature prescrites par le Décret n° 2013-154 susvisé, quarante-neuf candidats, dont les noms suivent, ont déposé leurs dossiers par ordre d’arrivée, au greffe de la Cour ».

Lorsque la période de dépôt de candidature est close, 49 candidats sont enregistrés au Greffe de la Cour Electorale Spéciale, sans la candidature de M. Andry Nirina RAJOELINA.

Mais, on ne comprend pas, comment et pourquoi, « par miracle », la liste de ces 49 candidats énumérés par la CES comprenaient, sans qu’il n’y ait aucune explication, un cinquantième nom, celui de M. Andry Nirina RAJOELINA :

« Considérant que depuis le 6 jusqu’au 28 avril 2013 à dix-sept heures, date et heure d’expiration de dépôt de candidature prescrites par le décret n° 2013-154 susvisé, quarante-neuf candidats, dont les noms suivent, ont déposé leurs dossiers par ordre d’arrivée, au greffe de la Cour, à savoir  :
1. Hajo Herivelona ANDRIANAINARIVELO
2. LAHINIRIKO Jean
...
49. RAZAFINDRAVAHY Edgard Marie Noë
50. Andry Nirina RAJOELINA ; ».

La Décision ne contient d’ailleurs aucune précision quant à l’époque du dépôt de candidature de ce dernier, comme pour disculper subrepticement la forclusion résultant inexorablement de ce retard.

Au soutien de sa Décision, la CES invoque « qu’il ressort des pièces et justificatifs qu’il a versés dans son dossier qu’il remplit toutes les conditions d’éligibilité exigées par les lois et règlements en vigueur pour pouvoir se porter candidat à l’élection présidentielle ».

Mais comment la CES ose-t-elle affirmer que M. Andry Nirina RAJOELINA « remplit toutes les conditions d’éligibilité exigées par les lois et règlements en vigueur pour pouvoir se porter candidat à l’élection présidentielle », alors que le délai prévu par le décret n° 2013-154 est un délai préfixe (ou préalablement fixé), c’est-à-dire, non susceptible de suspension ou d’interruption ?

C’est donc vainement que la CES invoque des considérations tirées des dispositions de la Feuille de Route du 17 septembre 2011 relative « au principe de la liberté de tout citoyen de se porter candidat à toutes les élections, afin de permettre à tout un chacun de choisir librement celui ou celle qui dirigera leur destinée, pour instaurer un climat d’apaisement permettant de tenir des élections justes, crédibles et acceptées par tous » ou celles de la Convention Internationale des Droits de l’Homme, et des Pactes Internationaux relatifs aux droits sociaux, politiques et culturels que la Constitution de Madagascar a fait siennes, sous prétexte que M. Andry Nirina RAJOELINA et d’autres candidats « justifient de leur droit en tant que citoyens malgaches libres, d’être éligibles, tout comme leur droit d’être électeurs résultant de leur inscription sur la liste électorale ».

Les motifs de la Décision de la CES ne résistent pas aux explications suivantes :

  • d’abord, la Loi organique n° 2012-015 du 1er août 2012 relative à l’élection du premier Président de la Quatrième République exigeant un décret fixant le délai de dépôt de candidature abroge tacitement toutes dispositions contraires de la Loi n° 2011-014 du 28 décembre 2011 portant insertion dans l’ordonnancement juridique interne de la Feuille de route du 17 septembre 2011 qui lui est antérieure.
  • ensuite, dans la logique de son raisonnement débouchant sur la justification du droit de tous les « citoyens malgaches libres d’être éligibles... », par application des dispositions des Conventions internationales dont la Constitution fait siennes, la CES n’auraient pas dû déclarer irrecevables les neuf (9) autres candidatures pour défaut de pièces énumérées dans l’Article 5 de la loi organique n° 2012-015 du 1er aout 2012.

En tout état de cause, ces motifs sur lesquels la CES fonde sa Décision ne justifie nullement la violation du délai préfix imposé par le Décret n° 2013-154.

B- La date fixée pour la démission des candidats occupant des postes publics

La Décision n° 01-CES/D du 3 mai 2013 de la Cour Electorale Spéciale distingue deux catégories de candidats occupant des postes publics : le candidat Andry Nirina RAJOELINA et les autres candidats

1- Le candidat Andry Nirina RAJOELINA

« Monsieur Andry Nirina RAJOELINA, Président de la Transition en exercice, candidat, doit démissionner de son poste soixante jours avant la date du 24 juillet 2013 ».
Au motif de sa Décision, la CES invoque l’Article 46, alinéa 2, de la Constitution selon lequel « Le Président de la République en exercice qui se porte candidat aux élections présidentielles démissionne de son poste soixante jours avant la date du scrutin présidentiel… ».

Cette interprétation n’est pas fondée. Certes, l’Article 166 alinéa 3 de la Constitution dispose que « Jusqu’à l’investiture du nouveau Président de la République, l’actuel Président de la Haute Autorité de la Transition continue d’exercer les fonctions de Chef d’Etat ». Le Paragraphe 3 de la Feuille de Route stipule également : « Moinsieur Andry Rajoelina est le Président de la Transition, En cette qualité, il exerce les fonctions de Chef d’Etat ».

Mais, d’abord, M. Andry Nirina RAJOELINA est selon la Feuille de Route, Président de la Transition et non pas Président de la Haute Autorité de la Transition ; ensuite surtout, même exerçant les fonctions de Chef d’Etat, il n’est nullement Président de la République, personnalité élue. L’Article 46, alinéa 2, de la Constitution ne lui est donc pas applicable.

D’aucuns estiment plutôt que le Président de la Transition est une « Autorité politique » au sens de l’Article 7, alinéa 4 de la Loi Organique n° 2012-005 du 27 mars 2012 portant code électoral, auquel cas, il « doit démissionner de ses fonctions à compter de la date de publication de la liste officielle des candidats ».

M. Andry Nirina RAJOELINA peut-il être considéré comme exerçant un mandat public, auquel cas, aux termes de l’Article 5 de la Loi Organique n° 2012-015 du 1er aout 2012, il « est appelé à démissionner de sa fonction soixante jours avant la date du scrutin suivant les dispositions de l’Article 49 de la Constitution  » ?

L’opinion est divisée sur ce point. Pour les uns, exerçant les fonctions de Chef d’Etat, le Président de la Transition exerce un mandat public. Il ne devra donc démissionner que dans un délai de soixante jours avant la date des élections. Pour les autres, la référence à l’Article 49 de la Constitution suppose que le candidat à la fonction de Président de la République est le Président de la République en exercice, candidat à sa propre succession. Ce qui n’est pas le cas de M. Andry Nirina RAJOELINA.

Pour trancher définitivement la question, il importe de rappeler que selon le « Lexique Termes juridiques ». 10e édition. DALLOZ : « Mandat politique.- DR const. Mission que les citoyens (mandants) confient à certains d’entre eux (mandataires d’exercer le pouvoir en leur nom et pour leur compte. En régime démocratique, le mandat politique procède de l’élection ». Or, M. Andry Nirina RAJOELINA a été désigné Président de la Transition et non pas élu. Il n’exerce donc pas un mandat, d’autant plus qu’aucune durée n’est fixée, au terme de laquelle, il devra cesser sa fonction.

Mais en tout état de cause, la Décision de la Cour Electorale Spéciale étant insusceptible de recours, la discussion est close sur cette controverse. Il faut donc admettre que Monsieur Andry Nirina RAJOELINA, Président de la Transition en exercice, candidat, doit démissionner de son poste soixante jours avant la date du 24 juillet 2013.

2- Les autres candidats occupant des postes publics

2.1- Tout fonctionnaire d’autorité, civile ou militaire, toute autorité politique, tout candidat exerçant un mandat public, candidats à l’élection présidentielle du 24 juillet 2013

2.2.1- Le cas de tout fonctionnaire d’autorité, civile ou militaire

L’Article 7, alinéa 1er, de la Loi Organique n° 2012-005 du 27 mars 2012 portant code électoral dispose que « Tout fonctionnaire d’autorité, civile ou militaire, candidat à des élections, est relevé de ses fonctions à compter de la date de publication de la liste officielle des candidats ».

C’est le cas des Chefs de Région, Chefs de District, Directeur Général de la Police Nationale, Chef d’Etat Major Général de l’Armée, Commandant de la Gendarmerie Nationale, Commandant de Région militaire...candidats.

2.2.2- Le cas de toute autorité politique

Selon l’Article 7, alinéa 4, de la Loi Organique n° 2012-005 du 27 mars 2012 portant code électoral :

« Toute autorité politique doit démissionner de ses fonctions à compter de la date de publication de la liste officielle des candidats ».

Mais le Paragraphe 14 de la Feuille de Route stipule :

« Le Président de la Transition, Le Premier Ministre de consensus et les Membres du Gouvernement sont tenus de démissionner de leurs fonctions 60 jours avant la date de scrutin, s’ils décident de se porter candidat aux élections législatives et présidentielles... ».

Lequel des deux textes régit alors le cas d’une « autorité politique » candidat ?

Certes, la Loi Organique n° 2012-005 du 27 mars 2012 portant code électoral est la norme juridique postérieure, mais, la Loi n° 2011-014 du 28 décembre 2011 portant insertion de la Feuille de Route dans l’ordonnancement juridique interne, ayant pour mission de régir spécialement les élections pour la sortie de crise, le Code Electoral, texte général est censé ne pas déroger à cette dernière, texte particulier.

Ainsi, toute autorité politique candidate aux élections législatives et présidentielles, doit démissionner de ses fonctions 60 jours avant la date de scrutin. Il s’agit en particulier dans le cas qui nous préoccupe, du Président de la Transition et des Membres du Gouvernement.

2.2.3- Le cas de tout candidat exerçant un mandat public

Il s’agit, tel qu’il résulte de l’exposé ci-dessus, d’un citoyen élu pour exercer un mandat politique, tel un député, un sénateur ou un maire. Le membre du Conseil Supérieur de la Transition ou du Conseil de la Transition exerçant les fonctions de membre élu du Parlement, est considéré comme « exerçant un mandat public », et à ce titre, il est appelé à démissionner de ses fonctions 60 jours avant la date de scrutin, en application de l’Article 5 de la Loi Organique n° 2012-015 du 1er aout 2012.

II- Analyse rétrospective du manque de crédibilité de la Cour Electorale Spéciale

Pour la bonne compréhension de l’héritage des débits de la HCC légués à la CES, il importe de rappeler l’évolution de la conception de l’Institution juridictionnelle chargée des élections durant la Transition (A) et La monopolisation de la composition de la CES par des magistrats (B).

A- L’évolution de la conception de l’Institution juridictionnelle chargée des élections durant la Transition

1- La Haute Cour de la Transition de la Charte de la Transition de Maputo du 09 août 2009

La Charte de la Transition de Maputo du 09 août 2009 (article 3.6 et 23) avait déjà prévu de remplacer la HCC existante par la Haute Cour de la Transition composée de 11 membres, suivant la clé de répartition ci-après, respectant le principe de séparation et d’équilibre des pouvoirs : un membre désigné par le Président de la Transition, un membre désigné par le Conseil Supérieur de la Transition, un membre désigné par le Congrès de la Transition, un membre désigné par le Conseil National de Réconciliation, trois membres désignés par le Conseil Supérieur de la Magistrature, et quatre membres désignés par les mouvances politiques (un par mouvance).

2- La Haute Cour Constitutionnelle maintenue dans sa composition depuis 2002

Maintenue en activité par l’Ordonnance n° 2009-007 du 17 août 2009 relative au maintien de la formation actuelle de la HCC du Président de la Haute Autorité de la Transition M. Andry Nirina RAJOELINA, la Charte de la Transition de Maputo ayant été dénoncée unilatéralement par ce dernier (le Président de la Transition) par l’Ordonnance du 18 décembre 2009 et par cette même Ordonnance, la HCC dans sa composition de 2002 dont le mandat des membres avait expiré depuis 2009, ainsi que par l’Article 166 (dispositions transitoires) de la Constitution du 11 décembre 2010, continuait à exercer ses fonctions jusqu’actuellement (2013).

3- La naissance des tares congénitales de la CES, héritées de la HCC

Tous les membres de la HCC, des magistrats professionnels (10 sur 11 de 2002 à 2009), y compris son Président, devenu Président de droit de la CES, sont donc considérés comme choisis par la seule volonté du Président de la Transition, qui les a maintenus en fonction unilatéralement. Ce qui pose un problème crucial de neutralité de la HCC évidemment, mais aussi, par ricochet de la CES elle-même

Les reproches formulées à l’endroit de la HCC par des observateurs avertis des réalités politiques malgaches sont entre autres essentiellement au nombre de cinq. Elle :

  • est réputée traditionnellement comme manquant d’indépendance [1] , obéissant au doigt et à l’œil de l’Exécutif, d’autant plus que plusieurs de ses membres actuels dont son Président ont participé à l’investiture illégale et insurrectionnelle du 22 février 2002 de M. Marc Ravalomanana, par usurpation de la qualité de membres de la HCC et semble-t-il aussi, de complicité de coup d’État, fautes particulièrement graves qu’aucun membre de la Haute juridiction n’est excusable de commettre et justifiant de toute évidence leur déchéance ;
  • a déclaré Marc Ravalomanana élu au premier tour le 29 avril 2002, sans qu’il y ait eu soutient-t-on, « un nouveau décompte contradictoire des voix » comme le prescrit l’Accord de Dakar I du 18 avril 2002, alors que la HCC, argumentent certains analystes politico-juridiques, était présidée illégalement par un simple membre au lieu du Doyen d’âge, en l’absence d’un Président, avec une formation incomplète (quorum non atteint) ;
  • a posé comme jurisprudence dans l’Affaire de l’ancien Premier Ministre Tantely Andrianarivo, par Décision n° 02-HCC/D2 du 04 juillet 2003, qu’en dépit des dispositions claires et expresses de la Constitution, à défaut de la mise en place de la Haute Cour de Justice, la compétence pour le jugement des hautes personnalités qui lui sont justiciables pour la commission des crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions, relève des juridictions pénales de droit commun : « Considérant que la non-organisation de la Haute Cour de Justice a pour conséquence de rendre inopérant le privilège de juridiction ». Il aurait été cependant plus respectueux des termes et de l’esprit de la Constitution et aussi plus judicieux pour combattre l’impunité, de juger que, jusqu’à la mise en place de la Haute Cour de Justice, le délai de prescription de l’action publique envers ses justiciables soit suspendu.
  • a validé l’accession inconstitutionnelle de M. Andry Nirina Rajoelina par une simple Lettre N° 79 : HCC/G du 18 mars 2009, catégorie juridique inconnue comme acte relevant de la compétence de la HCC [2] . Il semblerait qu’à l’époque, partagés entre l’envie de soutien à Andry Rajoelina, étoile montante détenant la réalité du pouvoir et la crainte ou l’incertitude sur le retour éventuel de Marc Ravalomanana, le Président déchu, les respectables membres de la HCC auraient préféré la prudence en « légalisant » le pouvoir du premier par une ‘’Lettre’’, sans aucune valeur juridique ;
  • n’a pas déclaré inconstitutionnelle la Loi n° 2011-014 du 28 décembre 2011 portant insertion de la Feuille de Route dans l’ordonnancement juridique interne, méconnaissant le principe de séparation des pouvoirs prévu par la Constitution du 11 décembre 2010 d’une part, en contradiction avec les dispositions transitoires de la même Loi Fondamentale d’autre part, et la Loi n° 2012-014 du 30 juillet 2012 portant création de la CES, par fidélité au pouvoir de la Transition semble-t-il, tout en manœuvrant avec une singulière habilité pour garder la CES dans son giron, contrairement à la lettre et à l’esprit de la Feuille de Route du 17 septembre 2011 qui ignorait superbement la Constitution du 11 décembre 2010.

Dans la Chronique de VANF du 03 05 2013 (EXPRESS de Madagascar), on lit : « Les derniers développements, suite à la Décision n°01-CES/D du 3 mai 2013, justifient plus que jamais les inquiétudes quant à ce qui adviendra en aval, c’est-à-dire après d’éventuelles élections, quand on réalise ce qui se commet déjà en amont, c’est-à-dire maintenant ...

Envers la HCC (Haute Cour Constitutionnelle), il y a longtemps que les sentiments sont au mieux au scepticisme, au pire à la défiance. Pour restaurer un minimum de confiance en un juge prompt à voler au secours de la victoire, en 2002 comme en 2009, la CES a été créée, à titre exceptionnel et provisoire, comme « chambre spéciale au sein de la HCC », et dont la première décision s’affiche sur le site www.hcc.gov.mg. Le premier couac de cette Décision incompréhensible dans le processus électoral fissure déjà le socle de confiance et jette des doutes et suspicions quant à la réalité d’élections « libres, crédibles et transparentes ».

B- La monopolisation de la composition de la CES par des magistrats

Il est très instructif de rafraîchir la mémoire pour la compréhension par les analystes politiques de l’évolution de la position de l’Exécutif de la Transition sur la CES, que suivant le Projet de Loi Organique n° 007-2011 du 05 mai 2011 relative à la Cour Electorale Spéciale annexé au décret du Premier Ministre Chef du Gouvernement n° 2011-200 du 05 mai 2011 portant présentation au Parlement dudit projet de loi organique, la CES devrait être composée de :

  • Sept magistrats en activité élus par leurs pairs dont trois de l’ordre judiciaire, deux de l’ordre administratif et deux de l’ordre financier ;
  • Trois administrateurs civils en activité élus par leurs pairs ;
  • Un enseignant de droit des universités publiques élus par leurs pairs.

Logiquement, une telle composition diversifiée quant à l’origine professionnelle des membres, serait de nature à rendre plus difficile la manipulation de la CES, laquelle s’éloignerait incontestablement de la pensée unique.

Mais à l’approche des élections, la lutte pour le contrôle de la CES a conduit à la révision de sa composition en vue semble-t-il, de l’inféodation de ses membres vis-à-vis du pouvoir, et plus particulièrement de son Président. Ce qui expliquerait sa composition exclusivement formée de magistrats en activité, susceptibles juge-t-on, de faire l’objet de pression ou d’influence, car naturellement plus avides de la recherche de promotion professionnelle. Des analystes politiques estiment, que la désignation de droit du Président de la HCC pour présider la CES procède d’une stratégie répondant à cet objectif. L’expérience de la sortie de crise de 1996 à la suite de l’empêchement du Président de la République, celle de 2002 et l’instauration de la transition de 2009 enseignent en effet que la HCC était incontestablement la clé de voûte de l’accession ou du maintien au pouvoir, dans le cadre d’un régime constitutionnel ou extra-constitutionnel. A l’instar de la HCC, la CES pourrait également à l’évidence jouer ce rôle de « faiseur de roi » pour l’entrée dans la IVème République.

Conclusion

Ce tollé général sur la question de manque de crédibilité de la Cour Electorale Spéciale à l’occasion de la Décision n° 01-CES/D du 3 mai 2013 statuant sur les candidatures à l’élection de Président de la République du 24 juillet 2013 était prévisible, du fait qu’elle est intégrée comme une « chambre spéciale de la Haute Cour Constitutionnelle » et que le Président la HCC en est membre de droit et son Président. La CES emprunte donc automatiquement tous les discrédits relatifs au manque d’indépendance et d’impartialité de la HCC, tant décrié.

Notes

[1Gouvernance Madagascar. Document de la Banque Mondiale. Rapport N° 54277. Déc. 2010, p 4 : « Le Président a une forte emprise sur le pouvoir judiciaire en général et sur la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) en particulier, car il nomme trois des neufs membres du HCC. Celle-ci fait preuve de souplesse et tient compte des intérêts du Président en exercice ».

[2Anaclet IMBIKI, ‘’Réflexion sur la loi fondamentale en vigueur pendant la Transition’’. Revue Juridique et Fiscale de MCI, n° 48, 4ème trimestre 2009, p 13

7 commentaires

Vos commentaires

  • 14 mai 2013 à 10:12 | plus qu’hier et moins que demain (#6149)

    Bonjour et Bonne journée à tous.

    Vouloir polémiquer sur une décision en dernier recours de la CES n’est pas de bonne guerre pour un gouvernement incapable de remplacer un ministre limogé, de lutter contre l’invasion acridienne (fléau national) dont l’urgence et la gravité en font une question de vie ou de mort : balayer d’abord devant votre porte avant de critiquer les autres.
    Mr HONORE RAKOTOMANANA lors de son passage à une station de TV a affirmé la différence entre PUBLICATION (JORM) et AFFICHAGE (Tableau/site informatique) fait par la CES concernant sa décision sur les candidats éligibles.
    Laissons la CENIT, le FFM et les candidats à l’élection présidentielle régler les problèmes relatifs à la CES.
    Chacun son métier et les vaches seront bien gardées.

    • 14 mai 2013 à 14:04 | koukoulampy (#6913) répond à plus qu'hier et moins que demain

      Bonjour,

      dois-je vous rappeler que SEUL le premier Ministre est maître de l’administratif dans une république ?

      il est de son plein droit de faire une note pareil si on veut de la « transparence ». Et il a raison de montrer en éditant cette note (ou écrit ou tout ce qu’on veut mais c’est écrit)

      comment voulez-vous qu’il limoge un ministre sous la houlette de la HAT ? c’est limite qu’on ne lui mette pas des kalachs devant lui !

      Soyez objectif et approuver le CES actuel est une grossière erreur... mais peut être manara-penitra ?? lol

    • 14 mai 2013 à 14:22 | plus qu’hier et moins que demain (#6149) répond à koukoulampy

      Bonjour,

      C’est le remplacement d’un ministre limogé (ministre de l’environnement).
      Il voit la paille devant les yeux de la CES mais pas la poutre devant les leurs.

  • 14 mai 2013 à 10:26 | Isambilo (#4541)

    Belle illustration du formalisme de certains juristes.
    Pourquoi perdre du temps à commenter quelque chose alors qu’on sait dès le début que la CES est « une chose politique » qui n’a rien à voir avec le droit ?
    Il suffit de connaître qui est son président, quels sont ses antécédents pour comprendre la valeur de ses travaux. Et on passe aux choses sérieuses.

  • 14 mai 2013 à 11:54 | RAMAHEFARISOA Basile (#6111)

    - "La Cour Electorale Spéciale a déjà trouvé que ça vaut mieux que les dossiers des trois candidats :
    - Andry Nirina RAJOELINA,
    - Lalao RAVALOMANANA RAKOTONIRAINY,
    - et Didier RATSIRAKA
    soient valides.
    Alors rangez ,au placard, vos commentaires/arguments juridiques.
    Club fictif :
    - « RAVALOMANANAKOTONIRAINIJOELINA »
    - « Réconciliation Nationale=GRAND PARDON=Amnistie Générale »
    Basile RAMAHEFARISOA-1943
    b.ramahefaerisoa@gmail.com

  • 14 mai 2013 à 12:27 | jack-no (#1477)

    Il y a la Loi et l’esprit de la Loi.

    En ce qui concerne Ratsiraka, il n’y avait pas de NOTAM à son encontre. Il a foulé le sol malgache en poussant sa chansonnette et fait des pompes. Il a circulé librement. Rien ne l’empêchait d’être hébergé par la famille ou le régime. Pour des raisons médicale, il était revenu en France.

    Pour Neny Lalao, il y avait un NOTAM politique et non judiciaire à son encontre. Elle a foulé le sol malgache avant d’être expulsée manu militari vers une destination asiatique, contraire à toutes les conventions internationales.

    Pour rajoelina, sa candidature a été officialisée en cours d’élaboration de l’arrêté. C’est la raison pour laquelle, ce document mentionne 49 candidats et 50 noms.

    Dans le fond c’est une excellente chose qu’ils soient candidats. Ce sera au peuple de faire le bon choix pour son timonier.

    Pour solutionner les litiges éventuels post électoraux, il faut renforcer le CES en y incorporant des observateurs et des contrôleurs nationaux et internationaux.

    Quand à la SADC, qui joue les vierges effarouchées, j’aurai préféré qu’elle les joue au vu des institutions composées à 75% pro HAT. A moins qu’un candidat était leur champion, ou plutôt leur pion.

    jacques

  • 14 mai 2013 à 18:03 | Tanindrazana (#3224)

    Toutes ces explications juridiques ou legales signifient -elles qu’on doit reajuster la composition de la CES ? QU’est-ce qu’on attend ? Remplacez le president de la CES par une personalite beaucoup plus credible moralement et socialement et ayant des experiences et une capacite de discernement neutre. Puis, remplacez les autres membres par une cohorte de magistrats ou d’autres personalites credibles et neutres afin d’eviter l’incontournable polemique et violence post election dans notre pays. Dommage que ces hommes de loi soient toujours a controverses a Madagascar. D’ailleurs, c’est ce qui a entrave la mise en place d’une reelle JUSTICE INDEPENDANTE depuis belle lurette. ILs sont tous pourris dans leur corps par le pouvoir et n’arrivent plus a faire la part des choses dans l’exercice de leurs fonctions. Allons y avant qu’il ne soit trop tard..... Reajustons Bon sang !.... sinon, on le regrettera pour toujours car plus d’un ne cherche que ce chaos afin d’assoir leurs ambitions d’etre le maitre de ce pays qui n’est pas le leur.

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