Facebook Twitter Google+ Les dernières actualités
vendredi 29 mars 2024
Antananarivo | 11h40
 

Editorial

Jurassic Park

jeudi 30 août 2012 | Patrick A.

Rapetosaurus krausei, Majungatholus atopus, Majungasaurus crenatissimus, Masiakasaurus, Rahonavis : ces quelques noms issus d’un curieux mélange de Latin et de Malgache et qui ont été attribués à différentes espèces de dinosaures donnent le ton. Ce n’est pas seulement par sa faune vivante ou par ses ressources géologiques que Madagascar est une exception de la Nature ; notre pays est aussi un territoire plein d’intérêt pour la paléontologie, discipline qui se trouve presque à la croisée de ces deux points d’intérêt plus connus du grand public.

Il arrive d’ailleurs parfois qu’en cherchant du pétrole, on trouve plutôt des dinosaures en guise de lot de consolation. En tout cas, l’Ouest de Madagascar constitue un terrain de grand intérêt pour les chercheurs du monde entier ; cette activité ne connaissait pas vraiment la crise, comme en témoigne par exemple l’ouverture en 2010 d’un centre de recherche du côté de Marovoay.

« Ne connaissait pas », a-t-il été écrit, car l’on est en droit de se demander si la politique ne s’est pas glissée dans la polémique ayant éclaté depuis 72 heures autour de 5,3 tonnes d’ossements de dinosaures. Alertées par la population de Behamitsy, une localité proche de Belo sur Tsiribihina, les gendarmes ont intercepté un camion et contrôlé son contenu pour y découvrir ces 5,3 tonnes d’ossements divers, dont ceux d’un Majungatholus atopus, un carnivore qu’on se contentera de qualifier prudemment de « gentil » au vu de ses moeurs cannibales et de ses mensurations pouvant atteindre 9 mètres de longueur et deux tonnes de poids, ainsi que ceux d’un herbivore qui pourrait être l’un des plus grands dinosaures au monde.

Descendue en urgence sur place, la brigade anti-piratage et anti-pillage du patrimoine au sein du ministère de la Culture s’est saisie de l’affaire et a médiatisé la remontée des ossements à Antananarivo. À ses yeux, il y a dans cette tentative d’exportation vers les États-Unis une violation manifeste de la loi sur le patrimoine culturel national. Les huit chercheurs, quatre malgaches et quatre américains, ayant participé à la préparation de cet envoi d’ossements sont interpellés mais ne sont finalement pas arrêtés, à la faveur des documents qu’ils exhibent. Les quatre américains sont même autorisés à rentrer dans leur pays. Car des autorisations, il semble bien qu’il y en ait eu, mais elles avaient été délivrées par un autre ministère, celui des Mines. Et le projet d’exportation n’était pas complètement clandestin car il s’inscrivait dans le cadre d’une convention de recherche entre l’Université d’Antananarivo et l’Université Stony Brook de Denver.

Simple conflit de compétences administratives entre départements ministériels, avec d’une part les Mines dirigées par Daniella Randriafeno et d’autre part la Culture dirigée par Elia Ravelomanantsoa ? Ou symptôme d’un manque de communication flagrant au sein d’un gouvernement dit d’unité nationale ? Le bon sens aurait voulu que les différentes entités concernées se soient concertées un peu plus en amont, vu que le caractère plutôt exceptionnel et emblématique de l’opération ne pouvait échapper à un enfant de six ans.

La polémique a sans doute aussi été attisée par un zeste d’anti-américanisme. Dans les sphères du pouvoir, une pulsion de méfiance envers l’oncle Sam a peut-être joué : puisque les Américains pénalisent les exportations textiles malgaches et sont quasiment les seuls à profiter des retombées du film Madagascar, certaines personnes se sont certainement dit qu’il n’y avait aucune raison de laisser partir comme cela chez eux « nos » précieux dinosaures.

Car le sentiment de complaisance très intéressée de l’ancien Président Ravalomanana avec certains intérêts américains n’est pas forcément loin, et n’a d’égal que le sentiment de complaisance du pouvoir actuel avec des intérêts français. Le fait que le département de paléontologie de l’Université d’Antananarivo ait parmi ses figures de proue un Armand Rasoamiaramana également très présent dans les revendications salariales du syndicat SECES n’a sans doute pas non plus arrangé les choses... Si ce n’est pas toi, c’est sans doute ton père ? Pas facile de faire évoluer sereinement les choses lorsque les personnalités politiques continuent d’être des dinosaures.

Publicité




Newsletter

[ Flux RSS ]

Suivez-nous

Madagascar-Tribune sur FACEBOOK  Madagascar-Tribune sur TWITTER  Madagascar-Tribune sur GOOGLE +  Madagascar-Tribune RSS