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Fraudes électorales en Afrique : techniques et pistes de solutions

lundi 8 décembre 2014

Au moment où l’Afrique se prépare à organiser en 2015 plusieurs élections présidentielles, il convient de s’interroger sur les techniques de fraudes utilisées et de proposer des moyens de lutte. Nous entendons par fraude électorale toute tentation d’un camp à vouloir détourner en sa faveur tout ou partie du corps électoral. Comment fraude-t-on les élections de nos jours en Afrique et comment peut-on s’en prémunir ?

Tout d’abord, les fraudes se passent au niveau institutionnel et administratif. En premier lieu, le fraudeur dissimule ses intentions dans les opérations de recensement général de la population en procédant au rétrécissement du fief électoral de l’adversaire (charcutage électoral). Par exemple, les Camerounais ont appris à leurs dépens depuis le recensement général de la population en 2005 que les régions du Littoral et de l’Ouest (fief de l’opposition) n’étaient plus les plus peuplées du Cameroun au profit des régions de l’Extrême-Nord et du Centre (fief du pouvoir en place). Le fraudeur dissimule aussi ses intentions dans la loi électorale. Par exemple, on peut durcir les conditions d’éligibilité ou de vote dans le but d’exclure tout ou partie des adversaires ou de l’électorat. C’est le cas de l’ivoirité, de l’exclusion de la diaspora, du refus de la double nationalité, de la manipulation de la limite d’âge (minimale ou maximale), des contraintes de séjour au pays (augmentation du nombre d’années requis), etc. On observe aussi le découpage tendancieux des circonscriptions électorales. Dans les fiefs de l’opposition aux législatives par exemple, on affecte moins de sièges pour réduire le volume de candidats éligibles et moins de bureaux de vote pour réduire le nombre de votes exprimés alors que dans les fiefs du pouvoir, on gonfle à suffisance le nombre de sièges et on démultiplie à suffisance le nombre de bureaux pour faciliter le vote des partisans. Par exemple, en Guinée en 2010, on a enregistré l’existence des bureaux de vote de moins de 10 votants dans les fiefs de l’opposition qui ont permis d’annuler l’incidence des victoires locales.

Dans l’organisation des élections, on relève une composition partisane de la commission électorale et du corps électoral qui demeure en faveur du pouvoir en place. Les citoyens identifiés comme faisant partie des partisans de l’opposition ne sont pas toujours inscrits sur les listes électorales ou encore, ils sont détournés de leurs lieux de résidence habituelle dans le but de les décourager d’aller voter. A cela s’ajoute l’organisation des votes multiples, des charters et des problèmes logistiques comme l’impression et la distribution inégale des cartes et bulletins de vote ou le manque d’éclairage des bureaux de vote. Au Cameroun, le calendrier électoral est tenu secret par le pouvoir en place jusqu’à la dernière minute dans le but de prendre de court les adversaires politiques et de rendre possible les opérations de fraudes qui se passent aussi et surtout au niveau de l’opération de saisie informatique. Cette technique majeure consiste à falsifier les données électroniques pour rendre possible le résultat voulu. Cela passe par l’attribution indue des suffrages, la création de doublons ou des électeurs fictifs (ne remplissant pas les conditions de vote en raison de leur mort ou de leur minorité).

Le plus grand facteur favorisant la fraude avant, pendant et après le scrutin reste la corruption. L’argent permet d’acheter les voix, les observateurs, les leaders politiques, etc. Par exemple, les campagnes électorales sont inégales. Les plus riches se voient leurs campagnes favorisées même en dehors des périodes électorales en jouant sur l’absence d’indicateurs pertinents de contrôle. Cela passe par l’utilisation des moyens de l’Etat au service d’un candidat (logistique, médias publics, agents publics, finances publiques, etc.). Aussi, les leaders politiques corrompus appellent au boycott, à l’abstention ou à la non-inscription de leurs partisans sur les listes électorales. La corruption concerne aussi et surtout les scrutateurs (représentants des candidats) qui acceptent contre récompenses le bourrage des urnes et la falsification des procès-verbaux. Cela n’épargne pas les membres du conseil constitutionnel qui rejettent les recours et les observateurs internationaux dont les rapports sont souvent complaisants sur certains candidats.

L’équation à résoudre tout au long des opérations de vote consiste à s’assurer du respect des principes de base d’une élection démocratique qui sont la transparence, la neutralité, la libre compétition, la libre représentation et la libre participation. De nos jours, la multi-polarisation des opérations de vote complique ce processus. En l’état, l’organisation du vote est confiée à une commission électorale (indépendante), tandis que la sécurisation et la programmation du vote reste entre les mains de l’administration publique politisée, et la proclamation des résultats définitifs entre les mains de la cours suprême ou de la cours constitutionnelle inféodée à l’Exécutif. En clair, le gouvernement tire toujours les ficèles. Il convient de confier toutes les opérations de vote (y-compris la programmation, la sécurisation et la proclamation) à la commission électorale (indépendante).

Pour mobiliser un corps électoral juste, il convient de progresser vers le vote non plus sur présentation d’une carte électorale mais, sur présentation de sa pièce d’identité délivrée par la municipalité (contrôle des habitants). Il faudrait investir non plus pour s’inscrire sur une liste électorale mais, pour mettre à jour régulièrement un fichier des habitants par circonscription afin que chaque habitant puisse voter et contrôler son vote dans son quartier comme en Suisse. Des applications électroniques permettent aujourd’hui de rendre possible cette mesure et de mettre sur pied des systèmes parallèles de centralisation des votes. Aussi, il convient d’exiger l’annulation pure et simple des élections en cas d’ambiance de guerre qui permet d’entretenir la violence dans un fief électoral en vue de contraindre les partisans de l’adversaire à renoncer d’aller voter comme ce fût le cas en Côte d’Ivoire en 2010 avec les dégâts que nous connaissons. Les candidats, les électeurs et la société civile devraient s’activer à engager des contentieux préélectoraux qui permettent d’exiger le respect de la loi électorale. Enfin, la presse d’investigation devrait s’organiser pour contribuer à la transparence électorale.

Par Louis-Marie KAKDEU, PhD & MPA
Article publié en collaboration avec Libre Afrique

4 commentaires

Vos commentaires

  • 8 décembre 2014 à 12:28 | RAMAHEFARISOA Basile (#6111)

    La plus grosse erreur de l’Afrique Francophone et Madagascar,c’est d’enlever l’autorité d’un Ministère régalien ,le Ministère de l’Intérieur,sur les consultations au suffrage universel direct.
    C’est absurde !

    Basile RAMAHEFARISOA-1943
    b.ramahefarisoa@gmail.com

  • 8 décembre 2014 à 20:29 | efa ela (#4563)

    L’ex-président Carter déclara en 1992 :

    « Des 92 élections que nous avons observées, je dirais que le processus électoral au Venezuela est le meilleur du monde ».

    (« De hecho, de las 92 elecciones que hemos monitoreado, yo diría que el proceso electoral en Venezuela es el mejor del mundo », señaló Carter.)

    S’en inspirer ?

    Texto completo en : http://actualidad.rt.com/actualidad/view/54145-jimmy-carter-sistema-electoral-venezolano-mejor-mundo

  • 9 décembre 2014 à 11:02 | iarivo (#5822)

    Les règles électorales (droit au vote, mode de scrutin, conditions et obligations, ...), y compris le découpage des circonscriptions électorales, devraient revenir exclusivement à l’Assemblée nationale et au Sénat conjointement.

    Et aucune modification ne devrait être opéré dans les 12 mois précédent l’élection concernée.

    L’Etat, et donc le Gouvernement via le Ministère de l’Intérieur, devrait se contenter d’exécuter au mieux les décisions du Parlement, sous la surveillance de ce même Parlement ou d’un organisme tiers, comme la CENIT par exemple, dont les membres seraient désigné, au moins approuvé par ce même Parlement.

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