Éviter l’équation 2009 + 16 = 2009

Une des pages Facebook les plus suivies à Madagascar s’est longtemps appelée « Tout sauf Andry Rajoelina (TSAR) » avant de changer de nom. Cette posture, qui a été celle de nombreux citoyens jusqu’à la chute de Rajoelina, était légitime en raison des abus du clan politico-mafieux au pouvoir. La question qui se pose est maintenant de réfléchir sur ce « tout » : cela veut-il dire n’importe qui en termes de personnalités, et n’importe quoi en termes de processus ?

Les premiers jours du Conseil de défense nationale de Transition (CDNT), qui semble par ailleurs avoir été depuis rebaptisé en Conseil présidentiel de la refondation de la République, ont été marqués par des actes qui reflètent un processus brouillon, comme la suppression puis la résurrection de la Haute cour constitutionnelle, la publication de communiqués peu clairs, la libération de prisonniers de droit commun en-dehors de toute procédure légale, et ce sous prétexte qu’il s’agirait de prisonniers politiques. Des actes autorisent la suspicion sur la capacité et la volonté de changement et de refondation, comme le vol de motos au Palais présidentiel d’Iavoloha.

Le deuxième point à porter à l’attention des nouveaux dirigeants réside dans la question suivante : « le plus important est-il de se débarrasser de Rajoelina, ou de refonder la Nation malgache ? ». Cette question ne se serait pas posée sans la vague de retours en zone du pouvoir d’individus au passé peu reluisant. On ne fait pas de nouveaux meubles avec de vieilles planches. Le Colonel Randrianirina doit se rendre compte que s’afficher avec des personnes ayant autrefois démontré un comportement peu scrupuleux en matière de démocratie, droits humains et bonne gouvernance, va nuire à sa propre crédibilité. Et ce, tout comme les têtes brûlées de son entourage ont nui à Andry Rajoelina.

Selon l’adage malgache, « Ny tody tsy misy fa ny atao no miverina ». Si Rajoelina avait la capacité de méditer dessus, il s’apercevrait que ce qu’il a subi en 2025 est pratiquement le copier-coller de ce qu’il a fait subir au Président Ravalomanana, à quelques exceptions près. Il est donc risible de voir l’ancien putschiste de 2009 s’agiter en télé-travail pour se plaindre d’être une victime de coup d’État et appeler les condamnations internationales, dont celles de la SADC. Toutefois, le colonel Randrianirina doit également maîtriser son équipe pour interdire le copier-coller des erreurs et exactions de 2009. Autrement, ce serait juste une soupe dont on aurait cuisiné les nouveaux ingrédients tout en gardant la casserole pourrie. Or, on sait que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Gen Z : essai encore à transformer

Même si cela s’explique largement par la clandestinité dans laquelle le mouvement s’était maintenu pour pouvoir simplement exister, il est vraiment dommage que ce ne soit que tardivement que la Gen Z Madagascar ait été en mesure de rendre publique sa feuille de route et quelques porte-paroles officiels. Cela lui permet de donner une meilleure visibilité sur ses objectifs et sa vision. Jusqu’ici, les maladresses et limites de sa démarche ont abouti à un essai non transformé après l’exploit d’avoir fait tomber le gouvernement Ntsay en cinq jours. Et ce, n’en déplaise à certains qui refusent avec arrogance de l’admettre, après avoir refusé avec la même arrogance d’écouter les conseils avisés. Résultat : un flottement de quatre jours qui a été saisi par les militaires du Capsat comme prétexte pour « prendre leurs responsabilités ».

Il n’est cependant pas trop tard. D’une part, la Gen Z, forte de ses dernières orientations, doit arriver à parler d’une voix forte et cohérente sur les exigences de sa feuille de route et agir en garde-fous, car ce n’est pas ce qui manque dans le contexte actuel. La Gen Z doit donc agir comme une balise permanente et un lanceur d’alerte s’il n’y a pas de véritable amélioration des pratiques politiques ou en cas de dérives et dérapages. D’autre, les militaires à la tête de l’État doivent, d’un côté, aboutir le plus rapidement possible à une Charte de la Transition rédigée par des juristes d’expérience, et de l’autre, nommer un Premier ministre et des ministres crédibles et efficaces.

Il y a en effet deux sujets qui vont très rapidement tester les nouveaux dirigeants. Le premier est celui des délestages, qui a fait sortir la Gen Z dans la rue. Si le futur gouvernement n’est pas capable d’apporter très rapidement un véritable saut qualitatif dans ce domaine, il va se retrouver face aux critiques de ceux qui ont soutenu le mouvement qui a abouti à l’alternance, mais surtout, il va subir les quolibets du clan Rajoelina. Le second est celui de la liberté d’expression, qui a exacerbé la fureur contre l’ancien pouvoir, coupable d’emprisonnements abusifs et de répression contre les manifestations. Ce régime militaire sera-t-il capable de présenter un visage démocratique ? Quand on se souvient de la brutalité avec laquelle le tristement célèbre lieutenant-colonel Charles Andrianasoavina avait fait tirer ses hommes sur les manifestants à Ambatonankanga en 2009, on peut se demander si son sens démocratique et sa capacité à respecter les droits humains ont évolué depuis. Autrement, il faudra que la Gen Z se prépare à un naturel qui risque de revenir au galop.