Facebook Twitter Google+ Les dernières actualités
vendredi 19 avril 2024
Antananarivo | 11h10
 

Editorial

À force de servir de tête de turc...

mercredi 5 septembre 2012 | Patrick A.

L’actualité malgache se concentre sur ce que l’on ne peut plus qualifier de rubrique « Faits divers ». Les évènements qui s’accélèrent et se multiplient dans le Sud et dans l’Ouest du pays font penser à ce fait, lui encore qualifié de divers, paru dans la presse internationale :

En Turquie, une femme enceinte de 26 ans a tué puis décapité l’homme qui avait abusé d’elle pendant plusieurs mois avant de jeter sa tête dans le square du village, rapporte la presse. Quand la police l’a interpellée, cette jeune mère de deux enfants a lancé : « Voici la tête de celui qui a joué avec mon honneur. Tout le monde aurait insulté mes enfants. Désormais, personne ne pourra le faire. J’ai lavé mon honneur. Les gens parleront de mes enfants comme étant ceux de la femme qui a lavé son honneur. »

Celle qui est devenue une héroïne pour des groupes féministes turcs avait été violée pendant des mois par son agresseur, qui avait pris des photos d’elle nue et menaçait de les envoyer à ses parents si elle refusait de coucher avec lui. Elle s’est finalement procuré un revolver, lui a tiré dessus à dix reprises, dont plusieurs fois dans les parties génitales, avant de lui couper la tête et de la jeter dans un square. L’autopsie a révélé que l’homme avait également été poignardé au ventre avant de mourir.

Chacun d’entre nous est invité à s’interroger sur ce qu’éveille dans son moi intime la narration de tels faits. Horreur, condamnation, compassion, approbation ? Beaucoup sans doute seront intimement partagés : la réaction de cette femme semble fort excessive, mais il faudrait sans doute avoir vécu ce qu’elle a vécu pour savoir si l’on serait soi-même capable de réagir autrement.

Dans ce qui commence à ressembler à une véritable guerre du zébu, plus d’une centaine de dahalo ont été tués par les populations ; comme dans le cas turc, il y eut des mutilations de corps qui peuvent sembler gratuites et qui dépassent l’entendement. Il serait hypocrite de dire que tout cela a eu lieu dans le seul cadre de la légitime défense. Même dans une guerre, il y a des faits qu’on peut, qu’on doit, qualifier de crime de guerre.

L’hypocrisie semble pourtant l’emporter : censés être les gardiens de la légalité, les chefs de Régions choisissent de ne pas s’attarder sur les « détails » et félicitent indistinctement les villageois. Cela est encouragé par une loi de 2001 sur les Dina, qui est restée complètement dans l’ambiguïté sur les dispositions licites ou illicites. Si dans le lot des récents tués, il y a eu quelques victimes de règlements de comptes personnels ou de « tondro-molotra » hâtif, on ne le saura peut-être que dans quelques années, si leurs familles ont le courage de prendre le long chemin des Tribunaux. Et si l’on a exécuté sommairement des individus qui s’étaient rendus, l’on ne le saura sans doute jamais.

Peut-on pourtant en vouloir à des populations qui ont toujours servi de variable d’ajustement des populations urbaines et de la classe politique ? Contrairement aux militaires, aux magistrats, aux enseignants, aux fonctionnaires, ils n’ont aucun moyen de chantage pour se faire entendre... L’équilibre des terreurs peut alors apparaître comme le seul recours.

Vient alors l’inévitable question qui ne pourra que paraître naïve : pourquoi faut-il toujours que la population soit en feu pour qu’on daigne s’en occuper ?

Publicité




Newsletter

[ Flux RSS ]

Suivez-nous

Madagascar-Tribune sur FACEBOOK  Madagascar-Tribune sur TWITTER  Madagascar-Tribune sur GOOGLE +  Madagascar-Tribune RSS