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Tribune libre

Opinion

Une fête nationale bizarre

lundi 29 juin 2009 | Andriantsolo G.

La rédaction de Tribune.com vous propose cette contribution du lecteur Andriantsolo, qui fait une lecture croisée fort intéressante entre la crise politique actuelle d’une part, et le divorce dans la culture malgache d’autre part.

Nous venons de vivre une fête nationale bizarre. Le « gouvernement » a organisé un défilé militaire à Mahamasina. Zafy et son équipe ont fait la fête à la villa Elisabeth. Et les légalistes se sont réunis à Magro. Bizarre, car selon la coutume malgache de la fête nationale – on l’appelait alors le Fandroana et les Français traduisaient le Bain de la Reine –, ce jour était celui d’une réconciliation au moins momentanée.

Je rappelle que c’était l’époque où le divorce n’était pas une pratique judiciaire reconnue par la loi du Royaume. Pendant des siècles, l’Etat, même royal, ne s’ingérait pas dans la question du mariage qui restait du domaine de la compétence des familles.

A la fin du 19e siècle, si les missionnaires avaient établi qu’il ne pouvait y avoir qu’un mariage et que les engagements pris à ce moment étaient viagers, et si Ranavalona II avait cru pouvoir leur donner raison dans la loi du Royaume, l’Etat malgache et ses amis étrangers n’avaient pu mettre fin à une loi ou, si vous préférez une coutume puisqu’elle n’était pas écrite, existant depuis des siècles et peut-être des millénaires, une loi donc qui autorisait la femme mariée, c’est-à-dire vita fanateram-bodiondry, à quitter son mari et à rentrer chez ses parents, lorsqu’elle était mécontente. C’est ce que l’on appelait le misintaka. Mais les deux conjoints, dès lors séparés de corps et de biens, ne pouvaient se remarier. Pour que le misintaka devienne divorce ou, disons, séparation totale et définitive à la suite de quoi l’homme et la femme pouvaient à nouveau convoler, les deux familles devaient négocier les conditions de la séparation. Le vodiondry reçu par la famille de l’homme devait-il être rendu à la famille de la dame ? Des biens acquis pendant l’union, quels sont ceux qui revenaient à la dame ? Qui était finalement responsable de l’échec du mariage ? Etc., etc. Mais le jour du Fandroana, l’épouse était tenue de venir passer la nuit avec l’homme qui demeurait son mari. C’était un moment où chacun devait faire taire ses griefs à l’égard de l’autre et faire l’oubli des décisions de séparation. On dit même que cette nuit entraînait parfois des réconciliations durables.

On comprend peut-être mieux pourquoi notre 26 juin a pu sembler bizarre à beaucoup. Je ne saurais vraiment identifier, dans les circonstances présentes, ce que sont les sexes. Aujourd’hui, on dit plutôt les genres. Mais ce que l’on peut dire c’est que le pouvoir aujourd’hui est polygame et qu’il a au moins trois femmes visibles et que chacune a fêté le Fandroana chez elle, ici à Antananarivo mais aussi à Neuilly. Aucune n’a voulu passer ensemble la journée et encore moins la nuit…

Et les amis de la famille n’ont pas voulu faire la visite de courtoisie qu’ils font chaque année pour recevoir le nofon-kena mitam-pihavanana à Iavoloha, après avoir assisté au défilé à Mahamasina. Tous se sont réunis le mardi précédent chez celui d’entre eux qui n’a pas de femme et ont décidé de s’abstenir – Ra-Nonce no anarany – , chacun se disant toutefois que si le chef de leur famille leur en donnait l’ordre, il serait bien obligé de faire cette petite visite. Aucun contrordre n’est venu de ces chefs lointains, malgré la rapidité des télécommunications actuelles. Donc, les chaises qui leur étaient destinées pour la réception devaient rester vides. Du côté d’ Andry Rajoelina – en la circonstance est-il homme ou femme ? dans un pays où il y a eu des rois et des reines, l’on ne peut pas savoir et les médecins politologues n’ont pas encore fait savoir le résultat de leur examen et de leur diagnostic –, La Vérité-sic refusait d’admettre la veille du Fandroana que « les chaises réservées aux diplomates » restent vides. Aujourd’hui l’on sait que les amis de la famille, toujours fâchés par ces affaires matrimoniales, sont restés chez eux. Tout comme l’ont fait les trois autres mouvances – tiens, c’est un mot féminin. Madame Zafy a fait sa petite fête à la Villa Elisabeth qui, si je ne me trompe, fut autrefois terre britannique. Le principal représentant de la famille de Neuilly, sans doute toujours très attaché à sa maman chérie – ne pas confondre cette maman avec notre regrettée Madame Réallon – était lui aussi absent, tout comme les représentants de Madame Légaliste.

On susurre, dans les couloirs, que les familles de certains amis, si elles n’étaient pas là officiellement, avaient quand même infiltré certains des leurs pour tester la possibilité d’une réconciliation envisageable. Pour que le misintaka prenne fin, il faudrait toutefois que chacun fasse des concessions et reconnaisse ses torts. On n’en est pas encore là. Et, dans la famille qui occupe Ambohitsorohitra en ce moment, beaucoup ne voudraient pas perdre ce qu’ils considèrent comme un bien devenu patrimonial et qu’ils espèrent à l’avenir léguer à leurs enfants.

On susurre aussi que, dans cette famille, quelques-uns commencent à être persuadés qu’il faudrait aboutir à régulariser les rapports familiaux avant la fin de l’année. Le Fandroana de l’an prochain sera-t-il celui de l’entente familiale retrouvée à la grande satisfaction – peut-être – de tous les amis de la famille ? Pour accélérer le processus ne conviendrait-il pas de déplacer le Fandroana du 26 juin au 22 novembre, date qu’avait choisie Ranavalona III pendant son règne. Ce ne serait plus le début de l’année où l’on sanctifie la souveraine (« ny taom-baovao izay fihasinan’ny mpanjaka »), comme on le disait alors, mais ny taom-baovao izay fihasinan’ny Firenena sy ny firaisankinany, la consécration de la Matrie et de l’unité retrouvée. Et ce serait un vrai Asaramanitra où l’on se réjouirait, car, comme on le disait toujours au temps du Royaume de Madagascar, c’est dans la joie que l’on fête l’Asaramanitra (« Asaramanitra firavoravoana »). On peut toujours rêver.

1 commentaire

Vos commentaires

  • 29 juin 2009 à 08:40 | Noue (#2427)

    Une fête nationale bien reservée si on peux le dire.
    Elle est où la fête nationale préparées bien en avance , bien choisir son « arendrina » , la grande fête sur l’avenue de l’independance où il y avait du podium ect....I have a dream...

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