Sortir du bois (de rose)

Il a été démontré hier que l’on ne pouvait que présumer l’origine illégale non seulement de l’ensemble du bois de rose déjà saisi par l’État, mais aussi de celui actuellement stocké par des opérateurs économiques. La zone grise (gris très foncé pourrait-on même dire) ne pourrait être constituée que par des stocks qui auraient été constitués antérieurement à 2006, et qui seraient par exemple issus de permis de collecte des troncs arrachés par le passage du cyclone Gafilo en 2004. Si ce scénario peu crédible était allégué, l’on serait en droit d’exiger des opérateurs concernés et de l’Administration l’exhibition des marquages réglementaires sur les troncs ainsi que l’accès à un examen approfondi des documents d’entrée mais aussi de sortie et d’inventaire et des autorisations de transport durant toute cette période. Si d’aventure les documents présentés étaient convaincants, personne ne pourrait néanmoins être dupe : les arbres de la famille des Dalbergia ne sont pas des fétus de paille ; ils sont tout à fait capables de résister à la plupart des intempéries, fussent-elles cycloniques, et les quantités qui pourraient être concernées ne sauraient dépasser quelques troncs. Rien à voir donc avec les tonnages qui sont aujourd’hui visibles en pleine ville d’Antalaha.

Une fois le constat d’illégalité, que faire ? Pour assécher un trafic, il n’est rien de plus efficace que d’assécher les possibilités de profit. La confiscation sans contrepartie financière des stocks et l’engagement de poursuites judiciaires sont prévus par la législation en cours. L’on ne peut cependant que regretter que le taux des amendes ne soit pas en rapport avec les colossaux profits engrangés auparavant.

Plaisamment, certains commentateurs ont fait ici une analogie entre trafic de bois de rose et trafic de drogue. Faudrait-il que l’État vende désormais les stocks de chanvre indien ou de cocaïne qu’il arrive à saisir ? Il reste que la vente des stocks saisis fait parti des mesures recommandées par les organisations environnementales Global Witness et Environmental Investigation Agency dans leur rapport d’Août 2009. Selon ces organismes, cette vente devrait se faire dans le cadre d’un processus devant être surveillé par un auditeur indépendant international [1], des représentants de la communauté internationale et la société civile. Tous les acteurs nationaux et internationaux ayant profité antérieurement du trafic illégal devraient être exclus de cette vente de bois saisi. L’on se demande alors s’il resterait grand monde...

Faut-il alors passer d’ores et déjà à l’étape suivante préconisée par ces mêmes organismes : détruire tous les stocks qui ne figurent pas dans les inventaires, et maintenir la politique de destruction de tout le bois saisi, pour qu’il soit à l’avenir impossible de profiter du trafic illicite ? Aucun gouvernement n’a eu un tel courage politique au cours des dix dernières années. L’on peut douter que l’actuel y arrive, ni même ait la moindre velléité de le faire. Qui pourra l’y contraindre ?