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Tribune libre

Opinion

Rénover avec exigence et expérience

lundi 24 août 2009 |  1178 visites 

Le principe d’une gestion consensuelle et inclusive a enfin été avalisé à Maputo devant le peuple Malgache et la communauté internationale par Messieurs Albert Zafy, Didier Ratsiraka, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina. Cet accord était la seule voie de sortie vers un retour à la paix civile [1] et va dans le sens de l’Histoire : le droit de tous les Malgaches sans discrimination à vivre dans la paix et le développement durable, à avoir ses droits et sa Liberté respectés par des dirigeants responsables. Cet accord – politique – est un grand pas en avant. Le respect intégral de cet accord pourrait être le signe que malgré tout, ceux qui ont dirigé ou dirigent le pays sont avant tout des Hommes d’Honneur, conscients de leur responsabilité devant nos échecs collectifs d’aujourd’hui mais appelant à réussir ensemble. Nous devons collectivement les remercier pour avoir osé prendre ce pas.

Il est ainsi profondément regrettable que certains poussent au reniement d’une signature pour des motifs profondément scandaleux et indignes : un remake du fiasco des accords de Dakar 2, où certaines forces (toujours présentes aux côté de Mr Rajoelina au passage) avaient poussé Marc Ravalomanana à ne pas respecter les engagements qu’il avait pris, ne nous conduira qu’au même résultat. A savoir, la perpétuation de la faillite politique, économique et sociale mais surtout éthique et morale. L’Histoire a en effet ceci de contraignant : les faits sont têtus et ne pas en tirer les leçons qui s’imposent dénotent au mieux d’une certaine faillite intellectuelle de nos pseudo élites politiques, au pire d’une irresponsabilité qui n’a pas sa place au sommet de l’Etat.

Aussi, Monsieur Rajoelina, soyez à la hauteur de ce moment d’Histoire, assumez votre signature et ne vous laissez pas distraire par cette horde de revanchards de tous bord.

Disons les choses clairement et sans ambages : les pseudo-forces du changement qui se déclarent dépositaires de la « lutte » pour la démocratie ont démontré depuis bien longtemps que les préoccupations du peuple ne sont en aucun cas leur souci. Ces personnes ne représentent qu’eux-mêmes et en aucun cas ceux qui comprennent et souhaitent au sein de la Transition actuelle une véritable révolution des pratiques politiques. Il faut rappeler ici que l’accession à la magistrature suprême de Marc Ravalomanana n’a été possible que parce que ces mêmes personnes qui se réclament du changement ont été tout sauf des hommes politiques responsables mais des mercenaires au service de leur propre cause. Une grande majorité d’entre eux avaient déjà œuvré à la destitution du Président Zafy pour appeler ensuite au retour de Didier Ratsiraka à la tête du pays, pour ensuite se détourner de lui en aidant Marc Ravalomanana à accéder au pouvoir et ceci toujours dans des conditions légales contestables, toujours habilement maquillées sous un juridisme de façade où la Loi Fondamentale est manipulée au gré de leurs intérêts. Aujourd’hui ils veulent nous resservir le même plat en se proclamant les chantres de la Démocratie dans ce pays alors qu’ils ont été les premiers artisans de l’installation de la démocrature de Mr Ravalomanana.

La conclusion est assez simple : Le problème de ce pays n’est ni Albert Zafy, ni Didier Ratsiraka, ni Marc Ravalomanana, et encore moins Andry Rajoelina mais toute cette classe politique dont la seule réussite, au détriment de leurs électeurs, aura été d’avoir réussi à vivre depuis 30 ans aux frais du contribuable sans n’avoir jamais rien apporté de concret à l’évolution nécessaire de nos structures sociales, économiques et politiques. Leur seul apport – désastreux – est d’avoir institué auprès de nouvelles générations l’idée pernicieuse que l’engagement dans la politique (et non « engagement politique ») est la meilleure source d’enrichissement personnel et que les convictions, la morale, l’éthique personnelle ne sont que des slogans qui n’ont pas leur place dans le débat public et le combat politique. Alors qu’ils en sont les fondements.

La situation dans laquelle nous sommes plongés nous invite dès lors à modifier nos comportements en tant que citoyens mais aussi électeurs et à inviter toute cette classe politique au repentir, et mieux encore à sortir – avec le peu de dignité qui leur reste – de la scène publique. Et surtout d’arrêter de manipuler les foules avec des concepts dont ils ignorent totalement la signification : Démocratie, République, Fihavanana, Morale et Ethique. Nous pourrions attendre de ces personnes là un minimum de mea culpa, une capacité à se remettre en cause et surtout à arpenter le chemin de la rédemption en s’engageant de toutes leurs forces vers un retour de la paix civile en acceptant les sacrifices nécessaires à l’instauration d’une vraie démocratie et le respect, sans discrimination et complaisance, des principes républicains essentiels. Mais les pratiques que les réalités du terrain nous renvoient est que ces messieurs ne promeuvent pas le changement mais veulent graver dans le marbre le statu quo le plus destructeur qui consiste à se servir et non servir le peuple – en dehors de tout contrôle.

Après l’ère catastrophique (et qui laisse des séquelles profondes dans le tissu social, économique et politique du pays) de la gouvernance Ravalomanana, il est temps de retrouver le chemin de l’humilité, de la raison et de l’engagement citoyen. Il faut surtout prendre conscience que si nous continuons à accepter les pratiques d’un autre âge ainsi que le mode de reproduction actuelle des élites malgaches, alors il ne faudra pas s’étonner que nous échouions à rénover profondément le pacte social au cœur de notre République, centré autour du Fihavanana. Le sentiment partagé par un grand nombre des citoyens « d’en bas » pour qui ces calculs mesquins sont incompréhensibles est que ceux-ci sont en parfaite contradiction avec la Démocratie et la République que nous appelons de nos vœux.

On ne peut en effet se déclarer démocrate et républicain quand on en vient à justifier – quelque en soit la raison – l’existence de prisonniers politiques, quand la manipulation des populations, des tribunaux et de la Loi par un juridisme de circonstance ne servant que les intérêts d’un seul clan fait office de gouvernance politique, quand on bloque toute avancée vers des élections faites dans des conditions acceptées par tous et garantissant l’égalité de tous devant les électeurs, quand on se complait dans l’instabilité institutionnelle, et quand – sous son absence de contrôle – des abus en tous genre (obstacles à la liberté d’expression, vols à grande échelle, armée politisée, chantages en tous genre, abus de fonction et de pouvoir, népotisme, considérations claniques pour ne citer que ceux là) sont commis sans que vous ne rappeliez au respect de principes que vous défendiez alors dans l’opposition. Sans complaisance et parce que c’est le sens de l’Histoire, il ne serait alors que justice que seuls ceux qui soient prêts à mettre de côté toute rancœur et égoïsme, quelque soit leur appartenance politique, et qui font preuve d’une intelligence de la modération et d’un sens éthique et morale indiscutable au service de l’Etat soient maintenus dans leurs fonctions (heureusement il en existe quelque uns). Ceux-ci devront s’engager à agir à la hauteur des défis devant nous, pour lutter à instaurer une démocratie non dévoyée au profit d’un cercle restreint et prendre ainsi le risque de l’ouverture et d’une saine compétition électorale. Pour les mercenaires et autres grippe sous et girouettes de la politique qui errent sous les palais de la République (malheureusement ils sont très majoritaires) à la recherche de quelconque pitance aux frais des contribuables, leur place est certainement ailleurs et surtout pas à quelconque position d’autorité dans la gestion de la cité.

Un signe fort de cette volonté de changement, et ce quelque soit la mouvance, serait que la conduite de la Transition soit ainsi débarrassée des petits calculs d’épicier et que toute la classe politique réunie s’engage à trouver les moyens consensuels de mettre fin aux cycles des crises qui minent notre société depuis l’indépendance.

Ce premier accord doit être ainsi respecté par tous et enclencher un processus de réconciliation et d’unité nationale qui doit se faire autour de la refondation de la République – au cœur de l’élaboration d’une nouvelle Constitution – et qui devra porter plusieurs thèmes au centre des prochaines échéances électorales, dont la présidentielle :

Comment (re) penser l’Unité Nationale, la consolider et la faire vivre afin qu’elle cesse d’être un simple slogan, un concept dénué de réalités concrètes et un outil au maintien d’un pouvoir clanique, quelque soit sa forme ?
Comment garantir la mise en place d’une Constitution qui ne serve pas les intérêts de quelques uns mais cherche à élever le pays et nos concitoyens vers des idéaux de progrès et de liberté, intangibles et propres à notre culture et centrés autour du Fihavanana ?
Quelle gouvernance politique pour quelle République ? Comment gérer la complexité de la gestion de l’espace publique et permettre l’éclosion de vrais partis, dotés de vrais hommes politiques ayant le sens de l’Etat, qui éduquent leurs membres, éduquent les citoyens en leur proposant des projets de société, et cherchent l’alternance démocratique ?
Comment changer le mode de reproduction des élites politiques malgaches ? Comment permettre l’éclosion d’une nouvelle génération d’hommes politiques pour qu’ils soient au service de l’Etat et de leurs concitoyens ?
Comment rendre nos dirigeants redevables de leurs actes et de leur politique devant leurs électeurs ?
Comment ériger de vrais contre pouvoir – et lesquels ? – et les faire fonctionner pour mettre fin aux dérives autoritaires ?
Comment garantir une vraie séparation des pouvoir exécutif, législatif et judiciaire ?
Comment repenser tout le système économique et social et permettre que l’exploitation de nos richesses serve à l’épanouissement de tous ?

Répondre à ces quelques questions impliquera de mettre fin à l’amateurisme et à l’improvisation de nos hommes politiques et permettra enfin d’inscrire le futur de notre pays dans un meilleur avenir en tirant les leçons des erreurs du passé. Ce moment ne peut être que celui où l’expérience de l’Etat et de la Nation doit rejoindre la force de nouvelles idées et de nouvelles approches.

Expérience car il faudra connaître les rouages de l’Etat et en comprendre les défaillances pour mieux y remédier. Expérience car il faudra avoir une connaissance exhaustive de l’Histoire de nos peuples et une vision claire de ce que doit être la Nation Malgache, dans un monde en perpétuel mouvement. Expérience enfin car il faudra avoir l’autorité politique, la hauteur de vue et la sagesse nécessaire pour répondre aux attentes de toutes les catégories sociales et faire accepter dans un dialogue, ouvert à tous, une vision pour l’avenir. Et cette expérience devra servir de levier pour tracer notre chemin vers le futur. Et auprès d’une nouvelle génération d’hommes et de femmes qui auront à cœur de faire vivre la République pour Tous avec « la même haute exigence de force morale et sens du sacrifice [2] » qu’ils exigeront de leurs citoyens, cette expérience devra projeter cette nouvelle vision, avec des pratiques rénovées qui permettront enfin à tous d’avoir de nouveau confiance en l’Etat.

Attendons donc de pied ferme, les hommes et femmes qui sauront nous apporter une vision claire pour le futur et à articuler toutes ces problématiques autour d’un vrai projet de société, cohérent et fiable pour lequel nous pourrons enfin voter en connaissance de cause et en parfaite adhésion et non pas, comme ce fut le cas dans le passé, en aversion totale pour les dirigeants en place.

Hyacinthe Befeno Todimanana, le 21 août 2009

Notes

[1Contre les égoïsmes, promouvoir le Verbe et le Geste de la paix – Hyacinthe Befeno Todimanana, 31 mars 2009

[2Discours d’intronisation, John F Kennedy, janvier 1961

5 commentaires

Vos commentaires

  • 24 août 2009 à 12:11 | da fily (#2745)

    MR Todimanana, merci pour ce juste constat.

    C’est un plaidoyer pour ce que devra être notre nation et ses dirigeants.

    Mais, car il y a un mais, je vois bien à la lueur de ce que nous avons traversé et ce qui nous arrive, que cette « révolution orange » n’a que très peu servi à quelque chose, dans le sens de la rupture souhaitée.

    Vous énumérez sans les nommer les « faiseurs de roi » et autres « défaiseurs de prince », mais nous savons tous qu’ils ont été en 1ère classe dans le train TGV. Nous savons tous qu’ils ont été les véritables chauffeurs du train. Donc reprenons votre raisonnement, nous n’avons pas avancé d’un iota durant cette pseudo-révolution, elle n’aura servi qu’à reconduire les filous professionels dans leur fonction de faucons de la république. Voir, elle nous a rapproché un peu plus encore de l’abyme des pays du quart-monde.

    Mais en tout état de chose, merci pour votre participation monsieur.

    Da fily

  • 24 août 2009 à 16:35 | rota rakotomalala (#2628)

    Un citoyen responsable, Un !

    Merci à vous Monsieur...

    Cordialement.

    • 24 août 2009 à 17:18 | Rakotoasitera Fidy (#2760) répond à rota rakotomalala

      Rota , monsieur roule pour ’mon ami Pierrot’

      J’aime bien le : ’nouvelles idées’ , nouvelle génération d’hommes et de femmes

      Et surtout : ’inviter cette classe politique au repentir et meme encore à sortir de la scene politique’

      Monsieur fait partie de ces ’magiciens’ qui tapent tres tres fort dans leur main
      et arrivent à transformer des papiers à chiottes en une masse ENORME DE FRIC

    • 24 août 2009 à 19:29 | Edos (#823) répond à Rakotoasitera Fidy

      Un grand merci pour cette analyse. C’est ce qu’il faut pour rehausser un peu le débat politique à Madagascar. Bien évidemment cela suscite de la jalousie et surtout de la peur chez ceux qui croient naïvement que leur « race » incarne, seule, les « nouvelles idées » pour que lorsque d’autres l’évoquent, ils sautent les deux pieds joints dans la marre pour, non y débattre ni y faire valoir « leurs idées » (si tant est que celles-ci existent réellement), mais pour dénigrer gratuitement, sinon aboyer, du moins se livrer à des basses besognes dont ils sont, certainement les seuls à avoir le secret. La réaction de ce monsieur Rakotositera Fidy en est une et non des moindres. On attend de lui des argument défendables, des contre propositions. Au contraire, il se sent viser et crache comme si ses salves pua.ntes ont vraiment la puissance de changer quelques choses.
      D’autant plus que le point focal de ses valeurs brille dans ces propos : l’argent ! il n’y a que çà qui prime pour ce genre d’énergumènes. C’est en tout cas normal si on se réfère à celui que cet homme soutienne c-ad « l’homme » qui, après aoir ruiné le pays, s’est enfui en Afrique du Sud et se vante encore qu’il est capable de monter une armée de mercenaires étrangers pour assassiner des malgaches.

      Encore une fois, Merci à l’auteur de ce texte. Le débat sera rehaussé.

  • 25 août 2009 à 09:55 | hafatra (#1895)

    Voalaza mazava amin’ity lahatsoratra ity ny antony mahatonga ny malagasy
    hangetaheta ambonin’ny lakana.Tany midadasika sy manan-karena kanefa dia mitsipozipozy ny mponina, satria tsy mandeha amin’ny laoniny ny fitsinjaran-karena, fahefana , fitondrana, fahaizana amam-pahalalana.....misy vato misakana sy fefy goavana be tsy mamela azy hivoatra : antokon’olombitsy izay mitazona mafy ny tombon-tsoany ary tsy mitsinjo afa-tsy ny tenany ,mibahana sy mivalapatra amin’ny harenan’ny tany.Na iza na iza nitondra teo , na inona na inona firehana politka ry zareo dia teo foana, mateza, maharitra, tsy mety miala.....

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