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Médias

Photographie / Visa pour l’Image 2010

Photojournalisme : Pas de visa pour l’image déformée

mercredi 8 septembre 2010

(MFI / 07.09.10) Perpignan se transforme du 28 août et le 12 septembre en capitale mondiale du photojournalisme engagé. La 22e édition du festival Visa pour l’Image met en scène les meilleures images, brandit l’excès de retouche des photos, discute de la propriété des photos et de la crédibilité des sources. La capitale des Pyrénées-Orientales attend 3 000 professionnels et 200 000 visiteurs pour les 27 expositions et tables rondes autour de l’univers et de l’avenir d’une profession sinistrée.

2010, c’est encore l’édition de la bonne volonté. Dès l’année prochaine, les photographes devront montrer patte blanche au festival Visa pour l’Image. Le plus prestigieux festival international du photojournalisme exige désormais, en plus des images, les fichiers originaux en format RAW - en numérique -, ce qui correspond au négatif en argentique. Sans ses « papiers » RAW, plus aucune image n’entrera, promet le directeur Jean-François Leroy :

« On a vu Port-au-Prince après le séisme du 12 janvier… Une réalité travestie, transformée, arrangée pour satisfaire on ne sait quel esthétisme ». Il se défend de devenir le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel, ndlr) de la photographie, mais pour lui, des photos déformées représentent un scandale aussi grave et dangereux pour l’information que le vin contaminé au formaldéhyde pour la santé.

« Qu’est-ce qui fait qu’on est vivant ou mort ? »

À Perpignan, les photojournalistes sont priés d’utiliser d’autres moyens pour trouver des histoires. Qui posera les limites de l’interprétation de la réalité ? Avec quel scoop convaincre les journaux ou les éditeurs ?

Grégoire Korganow joue la carte de la simplicité et de la proximité. Pour lui, la pertinence et l’urgence ne sont pas au Kosovo, en Irak ou en Afghanistan, mais en bas de l’escalier. Après un accident de moto il y a trois ans, il a été pris en charge par une équipe de Samu. « J’ai eu envie après – comme une forme de résilience – d’aller photographier ces gens… J’avais envie de montrer la fragilité de cette vie. Qu’est-ce qui fait qu’on est vivant ou mort. Qu’est-ce qui fait qu’à un moment tout peut basculer. »

Avec son Carnet d’urgences, photographié en noir et blanc dans le Val d’Oise (95), il montre le travail d’une garde de vingt-quatre heures : « le dévouement des médecins, infirmiers et pompiers qui parfois durant plusieurs heures dans l’intimité d’une chambre à coucher ou au bord d’une route vont tout faire pour ramener à la vie quelqu’un qui – sans eux – pourrait la perdre. Comme c’est arrivé à moi. »

« La crise de la presse a fait que j’ai fait ce travail tout seul »

Son travail, il l’a réalisé avec un petit appareil photo et sans moyen : « Je n’ai demandé à aucun journal de me le financer. Je prenais une fois par semaine ma garde à côté de chez moi. La crise de la presse a fait que j’ai fait ce travail tout seul sans me poser la question de savoir si je pouvais le publier. Je l’ai fait aussi parce que pour moi, c’était quelque chose d’important. Ce qui a basculé, c’est le fait de ne plus avoir forcément des journaux pour publier mon travail. Cela m’a permis de revenir à une forme plus essentielle et de me poser plus la question des histoires que je veux raconter. »

« Vous avez déjà vu un banquier réfléchir ? Moi, pas »

Pour Jean-François Leroy, le fondateur du festival Visa pour l’Image, « le photojournalisme, c’est la rencontre entre un événement, une histoire, un homme et une passion ». Avec la crise, le photojournalisme touche le fond. Mais retrouve ses fondamentaux. Un photographe qui s’engage dans une histoire sans avoir le feu vert d’une agence ou d’un journal, cela incarne aussi l’avenir.

Un engagement qui manque, côté patrons de presse. Leroy déplore le peu de reportages sérieux sur la Tchétchénie ou le Darfour, et même en Irak, pendant que toute la profession défile à la Coupe du monde de football.

Il fustige l’entêtement des patrons de presse : « Vous avez déjà vu un banquier réfléchir ? Moi, pas. Les banquiers tiennent les journaux et les banquiers ne réfléchissent pas. Ils veulent gagner de l’argent. C’est tout. Les photographes ont toujours la même passion, le même talent, le même regard. Ce ne sont pas eux qui changent ; c’est la manière dont leurs histoires sont produites. Il y a vingt ans, un photographe faisait une histoire pour un journal et donnait quelques images aux ONG. Aujourd’hui, 80 % des photos de situations de crises sont produites par les ONG et reprises de temps en temps par les magazines. Je m’élève contre ça ! »

Les spectateurs ont perdu beaucoup de leur exigence

Le travail de qualité existe encore, mais les lecteurs et les spectateurs des images ont perdu beaucoup d’exigence, souligne Leroy : « Quand ils voient des photos prises et diffusées n’importe comment, ils pensent qu’ils sont informés. Nous essayons de leur montrer que l’information est un vrai métier.  » Visa pour l’Image se positionne depuis vingt-et-un ans comme le lieu où on essaie de trouver des nouvelles pistes pour refléter le monde et surmonter les obstacles du photojournalisme. La crise actuelle est structurelle et a changé le marché, mais les critères pour le festival et les « Visa d’or » sont restés les mêmes : « C’est cela qui est passionnant. On continue à primer des histoires qui souvent n’ont jamais été publiées. C’est l’absurdité du système. Même des travaux d’extrêmement bonne qualité ne sont jamais publiés. »

Entretemps, les photojournalistes tâtonnent vers le futur. Pierre Terdjman avait exposé ses photos en 2009 au festival. Pendant des années, il a couvert les événements au Moyen-Orient. Actuellement, il travaille sur l’engagement des Américains en Irak et sur les problèmes sociaux au sein des cités en Israël. Quand il s’imagine son métier dans cinq ans, il murmure : « L’avenir, c’est de travailler avec des appareils numériques, être capable de faire du multimédia, des webdocumentaires.  »

Siegfried Forster

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