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Médias

Photographie / Visa pour l’Image 2010

Olivier Laban-Mattei : Un serment d’Hippocrate pour les photographes

mercredi 8 septembre 2010

(MFI / 07.09.10) Barbe de trois jours, visage de baroudeur, Olivier Laban-Mattei, 33 ans, propose - déjà - sa rétrospective au festival Visa pour l’Image de Perpignan : 45 photos prises en Birmanie, Géorgie, Irak, Haïti ou à Gaza. Pendant dix ans, il a parcouru le monde pour l’Agence France Presse (AFP). Photojournaliste indépendant depuis son prix World Press 2010 - obtenu pour ses photos sur les manifestations en Iran -, il entame une nouvelle vie professionnelle… L’occasion d’aborder avec lui la crise et l’avenir du métier.

RFI : Le festival Visa pour l’Image de Perpignan, référence internationale en matière de photojournalisme, se revendique comme défenseur d’une réalité non transformée. Vous est-il aussi arrivé de proposer des images avec un ciel trop bleu, des uniformes trop propres, des nuages trop roses, comme ce fut le cas de certains après le tremblement de terre de Haïti ?

Olivier Laban-Mattei : De voir des ciels bleus, cela m’est arrivé. Par contre, de transformer la réalité, non. Il faut vraiment faire attention quand on travaille ses images à ne pas transformer la réalité. Dans photojournaliste, il y a le mot journaliste. On doit donner l’information la plus proche possible de ce que l’on voit. Il faut rester sur les bases de l’argentique c’est-à-dire ne pas enlever ou rajouter des éléments sur la photo. Pour le traitement de l’image en lui-même, certains photographes aiment « dé-saturer » leurs images, d’autres travailler en noir et blanc, parfois très contrasté, ou mettre beaucoup de couleurs. Cela ne me pose pas de problème : avant, on utilisait des pellicules qui avaient toutes des chimies et des propriétés différentes. Mais il faut s’interdire de transformer la réalité.

RFI : Le photojournaliste qui parcourt le monde reste-t-il maître à bord ? Comment éviter que votre image soit transformée ou manipulée par l’agence avant d’être publiée ?

O. L.-M. : Quand je travaillais à l’AFP, le problème c’était que les images passaient toutes au laboratoire. Moi, j’aime plutôt contraster et saturer les images. J’ai une certaine attirance pour le noir et blanc, et plutôt tendance à avoir des couleurs sur mes photos, qui tirent un peu plus sur le blanc et noir que l’extrême couleur. A l’AFP, on demande toujours aux photographes quelque chose de très neutre, sans aucune altération. Le problème, c’est qu’il y a souvent un décalage entre ce qu’a voulu dire le photographe, la manière dont il l’a exprimé par son traitement de l’image, et ce qui est ensuite rendu au labo, complètement aplati et neutralisé ...

RFI : Ce n’est pas travestir la réalité, c’est une quête de neutralité.

O.L.-M. : Parfois, la neutralité est telle qu’elle finit par détruire le sens de l’image. Un photographe peut vouloir sous-exposer un peu son image pour lui donner un certain sens - jouer avec les ombres, les contre-jours... À l’AFP, au labo, les gens ont tendance à tout remonter, tout neutraliser. L’image devient plate, sans intérêt, grise, et donc détruit le sens que le photographe a voulu lui donner.

RFI : Il y a des débats autour des questions éthiques ou de l’ « over-photoshopping » dans une agence comme l’AFP ?

O.L.-M. : Oui. Mas il ne faut pas tomber dans les extrêmes, c’est-à-dire refuser catégoriquement Photoshop. Le débat est nécessaire car il y a des abus de certains photographes. Il faut très vite poser un certain nombre de règles de déontologie - qui devraient être axées sur la modification de la réalité par l’ajout ou le retrait de certains éléments sur la photo.

RFI : Dans le cadre de Visa Transmission pour l’Image, du 30 août au 1er septembre, vous prodiguez, parmi d’autres, vos conseils aux jeunes photographes. Que faut-il leur transmettre ?

O.L.-M. : A la génération qui arrive, il faut transmettre des valeurs de déontologie. Il serait bon qu’il y ait pour les journalistes - de presse écrite ou photojournalistes - quelque chose de similaire au serment d’Hippocrate. On est dans une course au scoop parce que le marché est complètement abîmé. Seuls les meilleurs s’en sortent. Certains ont tendance, pour se faire remarquer, à travestir la réalité, monter des sujets de toutes pièces, placer des gens sur leurs photos. Par définition, le photographe part seul sur un sujet, au bout du monde. Il est impossible – et heureusement, parce que je ne suis pas pour le contrôle – de vérifier si ce qu’il a vu est vrai ou faux. Cela se passe sur la bonne foi du journaliste. C’est pourquoi je pense qu’il faut transmettre aux générations futures ces valeurs de vérité et ce besoin de retransmettre la réalité.

RFI : Votre exposition s’intitule Le jour où tout a basculé... Une image de vous qui a changé quelque chose en France ?

O.L.-M. : Il n’y a qu’une photo faite en France, celle de Nicolas Sarkozy, pas encore candidat à la présidentielle, qui, à l’université de l’UMP de Marseille, en septembre 2006, va dans la salle de presse et décide de tenir une petite conférence. Les caméras sont interdites. Il se retrouve au milieu des journalistes, en demi-cercle autour de lui. Je me mets face à lui. Je suis assez surpris car tout le monde se tutoie. Réagissant à une question d’une journaliste, il joint les mains et regarde en l’air. A ce moment-là, je fais la photo. Une photo assez incroyable. On a l’impression que c’est Jésus-Christ et ses apôtres. Vraiment biblique. Je voulais parler de cette connivence entre les journalistes et le futur candidat à la présidentielle. Par la suite, le candidat a davantage formalisé et encadré ses meetings. Parce que pour lui, il s’était fait avoir.

RFI : Une photo qui a changé quelque chose dans le monde ?

O.L.-M. : Il y a cette photo faite en Iran d’un homme en costume. Armé d’une pierre, il se jette sur un policier pour lui lancer. C’était la première pierre lancée au lendemain de l’élection. La photo est forte parce qu’elle montre que ce n’était pas des voyous qui manifestaient. C’est assez révélateur de ce qui s’est passé par la suite, et peut-être aussi un signe de changement pour eux.

RFI : Quelle était votre motivation d’origine pour devenir photojournaliste ?

O.L.-M. : Ma motivation n’a pas changé. Il y a des raisons d’enfant qui persistent, le goût de l’aventure, le goût de l’action et puis découvrir d’autres gens, rencontrer aussi la souffrance qui nous permet, nous photographes, d’apprendre beaucoup. On essaie de donner ce qu’on peut, mais on prend aussi beaucoup de ces gens qui souffrent et qui restent pourtant très dignes face à leurs souffrances. Et puis, il y a le besoin de témoigner – si cela change un jour, j’arrêterai ce métier –, et le besoin de raconter ce que la majorité des gens ne peuvent pas voir. On est là pour éclairer certains endroits du monde, parfois juste en bas de chez nous, qui peuvent tomber dans l’oubli si on n’est pas là.

Propos recueillis par Siegfried Forster

1 commentaire

Vos commentaires

  • 8 septembre 2010 à 14:56 | kakilay (#2022)

    Juste pour dire que j’apprécie la présence de cet article.

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