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Tribune libre

Réflexions

Mieux éduquer et former pour sortir du sous-développement

mardi 13 octobre 2009

Depuis son introduction par l’évangélisation chrétienne et l’administration coloniale, le système scolaire fournit une grande partie de l’éducation de base des malgaches. Est-ce qu’il s’agit d’un élément fondamental de la stratégie de développement de la « Grand Île » ? La réponse est a priori positive compte tenu de l’importance progressive du savoir dans la société. Pour souligner les enjeux de l’éducation dans le développement, nous abordons son rôle dans l’accroissement de la productivité des travailleurs, d’une part et dans l’amélioration de la cohésion sociale, d’autre part.

Du point de vue de sa fonction formatrice de la main-d’œuvre, le système éducatif malgache est inefficace. Le niveau de capital humain à Madagascar est faible. Pour se fixer un ordre d’idée, le nombre d’années d’éducation de la population active ne représente en moyenne qu’environ 4 années. De plus, ce système n’est pas vraiment approprié au processus productif national. Cette situation est notamment liée au poids de l’histoire et à ce qu’on pourrait appeler le « péché originel » du système éducatif malgache. Il était essentiellement fait pour former des fonctionnaires nécessaires pour l’administration et très orienté vers des cursus littéraires. En effet, la puissance coloniale visait à satisfaire les besoins d’administratifs en formant des malgaches destinés à occuper certains postes mineurs de la fonction publique. Les statistiques de l’UNESCO montrent ainsi que les filières regroupant les lettres, les arts, les sciences sociales, le commerce et le droit représentent environ 70% des effectifs scolaires en 2007. Dans ce contexte, le capital humain créé est plus important dans les activités qui contribuent le moins à la croissance.

L’éducation a également un rôle à jouer en matière de cohésion sociale, au travers de ses fonctions intégrative et unificatrice. On assiste depuis quelques années à un fort développement de l’enseignement privé pour compenser l’affaiblissement de l’éducation publique. L’école reflète l’ampleur des inégalités qui contribuent à la détérioration de la cohésion sociale au lieu de constituer un outil pour les réduire. En outre, la problématique de la cohésion sociale se manifeste par l’intermédiaire du tribalisme. La mobilité de la population fait reculer les replis identitaires (préférence interethnique, réflexe ethnocentriste), mais les frontières et barrières visibles et invisibles entre les Malgaches demeurent. Certaines frontières et barrières tribalistes sont quasi-concrètes (délimitations géographiques) alors que d’autres sont purement imaginaires et relèvent des préjugés, des idées reçues et des non-dits. Le « tribalisme malgache » va au-delà des répartitions géographiques des territoires et aboutit à des blocages psychologiques importants que l’on constate chez beaucoup de malgaches. Ces blocages conduisent à d’importants risques pour la cohabitation harmonieuse des entités ethniques et impliquent une grave pollution de la vie économique, politique et sociale. L’existence de ces blocages offre également un environnement favorable aux manipulations politiques pouvant conduire à des crises politiques graves qui retardent le décollage économique du pays. Les préférences tribales peuvent notamment avoir un effet négatif sur la sphère professionnelle et publique.

La réflexion sur le système d’enseignement plaide en faveur d’une réforme. Il doit être réorienté afin de faire du malgache éduqué un individu capable de contribuer au développement de son pays. Plusieurs actions permettent ainsi d’accroître la capacité du système éducatif à soutenir le développement. L’investissement éducatif doit être davantage orienté en faveur des domaines contribuant le plus à la croissance. Il convient de redéfinir les objectifs de l’éducation et de renforcer les outils qui permettent de les atteindre. Il faut mettre en œuvre une politique développant les formations techniques et scientifiques plus appropriées au système productif malgache. Le système d’éducation doit notamment soutenir le développement de l’agriculture et de l’industrie. Il faut également améliorer la capacité et la qualité de l’éducation publique. En effet, cette dernière est d’autant plus importante que la majorité des ménages ont un revenu très faible. Par ailleurs, l’expansion des centres d’enseignement privés ne résout pas nécessairement l’inefficacité du système national d’éducation.

La politique éducative doit également stimuler la cohésion sociale. Il convient de réduire les inégalités en matière d’éducation et de favoriser la scolarisation universelle, en développant particulièrement l’enseignement public. L’État serait le garant d’une scolarisation primaire gratuite et obligatoire pour l’ensemble des enfants afin de garantir une éducation de base pour toute la population. De plus, l’école pourrait intégrer les enjeux de l’ethnicité dans les programmes, au-delà de l’enseignement des langues vernaculaires (« tenim-paritra »). L’apprentissage de l’importance des valeurs fondamentales telles que la solidarité, la complémentarité et le respect mutuel interethniques est nécessaire au niveau du primaire, du secondaire et des campagnes d’alphabétisation des adultes. Cela permet de combattre le repli identitaire (qui est généralement transmis par les parents) et de favoriser l’unification interethnique.

Andrianasy A. DJISTERA (12 octobre 2009)

5 commentaires

Vos commentaires

  • 13 octobre 2009 à 11:07 | da fily (#2745)

    Monsieur, je dis bravo. Il n’y a rien à dire....si, je vous suis dans votre démarche.

    Je disais, il n’y a pas longtemps, le volet le plus important serait l’éducation et vous mettez le doigt dessus avec justesse.

    Merci encore, et à bientôt je l’éspère.

    Vous nous faites du bien.

  • 13 octobre 2009 à 13:34 | rabri (#2507)

    100% d’accord sur les grandes lignes donc BRAVO !!

    Mais que va-t-on faire concrètement car selon vous : « Plusieurs actions permettent ainsi d’accroître la capacité du système éducatif à soutenir le développement ». LESQUELLES ???

    Ne serait-il pas temps de donner la parole aux ACTEURS DE TERRAIN (instituteurs, enseignants, pédagogues, sociologues, représentants des parents d’élèves) car ceux-là connaissent mieux que quiconque :

    * le rythme des élèves

    * leur devenir potentiel

    * les exigences des filières qui vont absorber ces futurs professionnels et responsables

    Ma contribution : priorité à un SYSTEME EDUCATIF moins généraliste et plus adapté au contexte socio-économico-culturel et environnemental des élèves.

    Autrement dit, place à L’AVENEMENT d’un système éducatif FACTEUR D’EGALITE ET DE CHANCE A TOUT UN CHACUN et non d’un système éducatif SELECTEUR SOCIAL comme çà a été le cas jusqu’ici (= copie conforme du sytème éducatif français)

  • 13 octobre 2009 à 16:09 | bema (#828)

    Un grand merci pour votre message et on ne peut plus refaire l’histoire de Madagascar et des Malagasy. Actuellement, le pays a besoin de techniciens et d’hommes de terrain et pour pouvoir remonter la pente le plus rapidement possible , les Malgaches ne doivent compter que sur eux-mêmes. Nous avons TOUT pour être heureux et notre beau pays possède toutes les ressources nécessaires pour y arriver. La famille est le socle de toute éducation alors une politique familiale digne de ce nom doit être instaurée par nos politiciens. Le constat actuel est très sévère car cette pauvreté est artificielle et entretenue par les divers gouvernement successifs depuis et le cas du Père Pedro est un bon exemple.Il ne faut pas accepter la fatalité mais vivre dans le refus de la pauvreté. MISAOTRA TOMPOKO !

  • 13 octobre 2009 à 16:50 | Rakotoasitera Fidy (#2760)

    Analyse et propositions tres pertinentes monsieur Andrianasy

    Ne vous offusquer point si je peux me permettre de vous demander si vous
    habitez Madagasikara ou la France ?

    Voyez vous , l’association a laquelle j’appartiens (Expertise pour Madagasikara) serait heureux de vous connaitre un peu mieux

    Merci , monsieur Andrianasy , pour cet excellent article et peut etre .. a plus tard

    Rakotoasitera Fidy

  • 14 octobre 2009 à 13:57 | Joseph (#2102)

    C’est très symptomatique de l’état de sous-développement du sentiment collectif des Malgaches qui ont internet à disposition, ils ne s’expriment que sur les sujet « juteux » de la polémique primaire politicienne.

    C’est dommage, mais les seuls sujets qui les passionnent ce sont les chasses aux sièges,regardez, peu de gens s’expriment sur ce sujet de l’Education. De même sur les travaux importants lancés dans les Assises Régionales, sur les actions sociales de Nadine Ramaroson, les travaux de Blanche Nirina Richard et de tous ceux qui planchent sur la Constitution et les Elections, celà n’intéresse pas ces internautes.

    Pourquoi ? Parce que construire dans le concret est difficile, ardu, la réalité est parfois comme un mur très ardu à franchir. Il est tellement plus facile de tapoter sur Internet sans vraiment apporter rien de constructif, et de passer son temps à critiquer tout ce qui n’est pas Dadaïste.

    On pourrait suggérer à ces internautes assidus du scandale que vous avez évoqué le « tribalisme ». Cà c’est un sujet qui est juteux pour eux. Mais votre titre ne les a pas enthousiasmés et ils n’ont même pas lu jusque là, sinon nous aurions déjà trente messages de haine centrés sur ce sujet des postes au Merina, des côtiers et des Ambaniandro, des mainty et des fotsy et de la supériorité de l’ un sur l’autre, etc ... Cà c’est un sujet qui passionne les foules des internautes parisiens.

    Pourtant, quand on aime son Peuple, son Pays, on ne peut qu’être attiré par un tel titre « éduquer ... sortir du sous développement ». Mais vous remarquerez sur mad-Tribune.com comme sur d’autres forums du NET, vers où se porte l’assiduité des internautes : la politique politicienne ; dès qu’on évoque l’économie, le social, l’éducation, tout le monde se défile.

    On a oublié le parlementarisme, la démocratie participative et représentative, les débats de fond sur le collectif, le sociétal. Tout ce qui captive l’intérêt des gens en ce moment, ce sont les affaires de PERSONNES, alors qu’il s’agit en fait de choix de société, de choix de systèmes socio-politiques et non de personnes qui sont en jeu.

    C’ est bien symptomatique aussi d’un blessure profonde, ce manque d’intérêt pour le quotidien concret des gens, cette perte du sens du collectif, de l’intérêt général. On se dirige encore une fois vers une option présidentialiste, issue du régicide de 1897 par Gallieni : Madagascar ne peut affirmer son indépendance et son unité nationale que par la restauration Royale. On cherche l’ Homme providence au lieu de se concentrer sur le Peuple fait de 70% de ruraux et de moins de 25 ans.

    De même qu’ en France Sarkozy a restauré le pouvoir absolu Napoléonien, au détriment du pouvoir du Gouvernement et de l’Assemblée, Madagascar dont l’Unité nationale a été stoppée en pleine construction par le crime de la colonisation Française, recherche toujours ce super Président héro monarchique fédérateur qui va donner les potions miracles ou le tanguin au lieu de tout miser sur la participation de toutes les composantes de cette société si riche, ce qui favorisera ce que vous nommez « l’unification interethnique » .

    Ma réponse n’est pas hors sujet. Mais excusez moi d’avoir pris la parole car je ne suis que Français. Cependant les idées sont universelles et n’appartiennent à personne ou à tous, c’est pourquoi je me permets d’intervenir souvent dans les débats. Non en mon nom propre mais au nom des idées qui ne nous « appartiennent » que collectivement.

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