
Lors d’une interview exclusive, Alain Le Noir, de par ses 25 années de service pour les banques, et son statut de Secrétaire Exécutif du Club des Dirigeants des Banques et Etablissements de Crédits d’Afrique durant une vingtaine d’années, nous a retracé l’historique et l’évolution des banques en Afrique francophone. Il nous a également livré son point de vue sur le secteur bancaire et le système financier à Madagascar.
• Madagascar Tribune : Quel est votre point de vue sur le développement du secteur bancaire à Madagascar ?
– Alain Le Noir : « Je trouve que le secteur bancaire à Madagascar est très dynamique, j’ai pu constater l’ouverture de nombreuses agences, la mise en place de nombreux distributeurs et guichets automatiques. Sa politique de communication a également évolué. On note une forte concurrence au niveau des offres. Mais ce qui m’a beaucoup marqué, que ce soit à Madagascar ou dans d’autres pays de l’Afrique francophone, c’est le changement au niveau du service. Le Directeur Général d’une banque devient plus accessible. Si auparavant, les clients prient pour être reçus, actuellement, c’est le Directeur Général en personne qui approche sa clientèle. Une bonne démarche à perdurer ».
• Etant donné la multiplication considérable en effectif des banques en Afrique, pensez-vous que l’installation de nouvelles banques à Madagascar serait encore possible ?
– « Madagascar est encore une niche exploitable contrairement à d’autres pays en Afrique. L’installation de 4 ou 5 banques de plus est tout à fait envisageable ».
• Quelles sont les conditions requises pour la pérennisation d’une banque ?
– « Comme toute entreprise commerciale, pour développer et pérenniser ses activités, les dirigeants d’une banque doivent faire montre d’une bonne capacité de gestion, ils doivent être en veille des exigences du marché et innover en permanence en termes de produits et de services.
Ses conditions de survie par rapport à ses concurrents dépendent entre autres d’une bonne qualité des ressources humaines ».
• Quels sont les critères d’appréciation d’une qualité des ressources humaines ?
– « La qualité des ressources humaines d’une banque peut être appréciée de par un esprit commercial qui se soucie davantage de sa clientèle, un professionnalisme dans son métier étant donné que la banque regroupe plusieurs métiers, et une conscience de gestionnaire ayant un souci de la rentabilité dans le respect de la réglementation ».
• Existe-t-il un moyen pour acquérir ces qualités ?
– « Il n’y a pas de miracle. Tout ceci passe par la formation. Une formation permanente, pointue, adaptée à la réalité ».
• Quelles sont les difficultés dans le métier de la banque ?
– « La gestion du risque est la principale difficulté dans le métier. Il n’est pas évident d’appréhender le risque car les documents financiers présentés par les clients sont peu fiables. Les prises de décision restent alors très difficiles. Et souvent, on les base sur la connaissance des hommes. C’est pour cette raison que la banque est exigeante en terme de garantie et que le taux de crédit devient trop élevé ».
• Comment trouvez-vous la structure du système financier à Madagascar ?
– « Madagascar dispose d’une structure financière presque complète : on peut noter d’une part la présence de nombreuses banques commerciales, et d’autre part les établissements spécialisés tels que les établissements de microcrédit, les sociétés de capital risque, de crédit bail ».
• D’après vous quel est le type de système qui correspond le mieux aux besoins de Madagascar ?
– « Les besoins ressentis à Madagascar sont identiques aux besoins des autres pays en développement, à savoir, un besoin en logement social et un apport en financement des moyennes entreprises.
Les banques et les autres institutions essaient tant bien que mal de satisfaire les besoins des Malgaches. Mais 2/3 de leurs ressources sont constituées par des ressources à vue, à court terme. Elles ne peuvent ainsi s’étaler sur le financement des crédits à moyen et à long terme. Leur vocation est de répondre aux demandes de crédits de trésorerie, au financement du cycle de fonctionnement de l’entreprise. D’où la nécessité d’une institution qui, à partir d’une ressource longue peut faciliter le financement du développement. La mise en place d’une banque de développement sera la solution adéquate.
Propos recueillis par
Antso RAJAOBELISON