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Editorial

La pieuvre

mercredi 17 août 2011 | Patrick A.

Qui dirige vraiment Madagascar ? Une mafia diront certains, qui utilisent néanmoins la formule dans son sens figuré.

« La » mafia, cette fois au sens propre, est-on plutôt tenté de dire après s’être penché sur les implications économiques, financières, sociales et politiques du commerce illégal du bois de rose. Les récits qui remontent de la région de la SAVA, et plus particulièrement de la ville d’Antalaha, sont accablants et convergents. L’éclairage apporté par l’interview de Hery Randriamalala dans l’édition de ce jour ne fait que le confirmer. C’est un pays tout entier qui est aujourd’hui drogué à l’argent, et qui y perd tous ses repères.

Cela lui était déjà arrivé auparavant, à l’époque des cours les plus élevés de la vanille. Rares furent les sages qui comprirent à l’époque que tout cela ne pouvait être que très passager et qui surent se dégager de la situation au moment opportun, en ayant constitué auparavant d’utiles réserves pour les futures années difficiles. Bon nombre d’autres y ont par contre laissé quelques énormes ardoises. Ce ne fut pas le plus grave. Certains parmi eux y ont laissé leur peu de moralité et n’ont gardé de cette époque qu’un furieux appétit d’argent et un goût immodéré pour les rutilants 4x4. Pour d’autres encore, l’appétit d’argent ne visait pas qu’à satisfaire des envies : il y avait également l’impérieuse obligation de rembourser des dettes contractées auprès de personnalités parfois plus douteuses les unes que les autres.

Dans nombre de dossiers aux relents de scandale financier et au parfum d’enrichissement rapide et sans cause qui ont ponctué ces 25 dernières années, l’on entend souvent revenir certains noms murmurés. Ces gens là font un peu de tout, de la quincaillerie au transport en passant par les produits de première nécessité. Les dernières années et l’épisode bois de rose ont permis de constater qu’ils constituaient un véritable réseau.

Rares cependant étaient ceux à se douter de l’étendue de celui-ci. À cet égard, l’on ne peut que recommander la lecture du rapport d’activité du Samifin [1] sur l’année 2009, rapport qui ne semble malheureusement pas disponible en ligne. Du vendeur de rues de Behoririka à l’exportateur basé à Mumbai ou Beijing, en passant par le négociant de Dubaï, c’est tout un écosystème que l’on voit désormais fonctionner quasiment au grand jour. Et il n’est sans doute plus un consommateur de la ville d’Antananarivo qui ne se soit, volontairement ou non, transformé de fait en receleur.

Samifin, Bianco [2], tribunaux, fisc : chacune de ces institutions recèle certaines individualités dont on devine, malgré leurs obligations de réserve, le brûlant désir de s’attaquer à cette mafia. Mais de même qu’il a fallu des années pour coincer Al Capone sur des motifs purement fiscaux, il faudra sans doute beaucoup de temps, d’énergie et de coordination à ceux qui auront la force de rester incorruptibles pour venir à bout de ces barons du saphir et du bois de rose.

L’on devine déjà le prochain coup que tenteront ceux-ci : essayer de persuader les autorités de transition de permettre la reprise des exportations de bois de rose « juste pour le stock existant ». Chaque semaine qui s’écoule sans issue concrète à la crise est un argument supplémentaire pour eux, mais de cela, personne ne semble faire mine de s’en soucier vraiment. Pouvoir, opposition, bailleurs internationaux, simples citoyens : tous complices ?

Notes

[1Service de sécurité financière, ayant vocation à lutter contre le blanchiment d’argent.

[2Bureau indépendant anti-corruption.

6 commentaires

Vos commentaires

  • 17 août 2011 à 08:08 | ylly (#5885)

    bien vu !! partout dans le monde , la mafia existe ! que voulez-vous !! ni foi ni loi et c’est la mafia qui règne !!!

    voilà ce qui se passe quand le pays est gouverné par un sans qualité aux du monde entier !

  • 17 août 2011 à 10:35 | Basile RAMAHEFARISOA (#417)

    Mondialisation oblige et on crée des services ou des supers services :

    - BIANCO,

    - SAMIFIN

    - et/ou des Tribunaux spéciaux,

    en définitive,les petits trinquent mais les « GROS BONNETS » coulent des jours heureux sous « d’autre ciel ».

    Supprimons tous ces gadgets et faisons confiance à « NOS » Gendarmes-Policiers-Douaniers et aux Magistrats,bref à tous nos fonctionnaires.Il faut les respecter.

    Respectés et bien rémunérés aux justes valeurs,ils seront la colonne vertébrale d’une bonne gouvernance.

    Basile RAMAHEFARISOA

    b.ramahefarisoa@gmail.com

    • 17 août 2011 à 12:54 | hrrys (#5836) répond à Basile RAMAHEFARISOA

      Mr Basile Ramahefarisoa je suis de la même avis que vous sur un point
      CAD le respect des « gens d’armes »....Mais les forces de sécurité ont fait l’objet de critique ce dernier temps.« Pilier (andry) de la république »dit-on .Il semblerait que même Andry Rajoelina chef suprême de l’armée ne peut rien faire face à une recommandation de la CI « gendarmes du monde »

  • 17 août 2011 à 18:12 | el che (#344)

    Bonjour,
    Ce gouvernement « bemiray » ne tient que par la grâce des mercenaires et les puissants opérateurs qui soutiennent financièrement l’appareil d’état. Comment peut-il en être autrement quand un pays est réduit par la force, aux seuls intérêts supérieurs des putschistes ? Le gouvernement, est sans programme politique cohérent.
    Au diable le peuple : si petit à ses yeux qu’il ne le voit plus. Chaque ministre « inamovible » tente de rester rivé sur son siège doré : point n’est besoin de compétence : seule la sacro-sainte complicité est requise.
    On fait mousser à coup de crécelles les quelques réalisations immobilières ici et là, mais ce ne sont ni plus ni moins que des projets déjà validés par le régime Ravalomanana.

    Ces meutes de généraux qui gravitent tels des parasy autour du pouvoir remplacent les personnes issues de l’ENAM, démontrent le grand vide idéologique que traverse M/car. « La loi du plus fort est toujours la meilleure » telle doit être la devise de ce gouvernement renégat.

    En ce qui concerne le bois rose, toute la mafia y est trempée, à commencer par le 1er homme de l’état. Un simulacre de répression des trafiquants est mis en place. C’est un moindre mal, direz-vous ? Oui mais sauf si le but inavoué de Rajoelina n’était pas d’empocher les 60 millions de dollars promis par la CI, si la situation de bonne gouvernance s’améliore ! D’où la duplicité : continuer à vendre le bois rose, en partageant le pactole avec les barons de cet odieux trafic, tout en faisant croire que M/car lutte fermement contre ce fléau !
    Connaissant la duplicité de Rajoelina, la CI va-t-elle aussi tomber dans le panneau ? Rien n’est moins sûr, car les USA et l’Europe détiennent un dossier très sérieux sur le trafic.

    Oui, il faut une révolution culturelle à Madagascar. Que les intellectuels sortent enfin de leur lâcheté et indifférence pour éduquer, conscientiser la masse populaire. Compter uniquement sur les élections et la CI, ne résoudra pas les problèmes cruciaux de survie de la population.

  • 17 août 2011 à 18:15 | che taranaka (#99)

    Désarmés devant la situation...

    tout celà finira mal irrémédiablement..

    vous savez à quoi je pense.....

  • 17 août 2011 à 21:04 | BemioVah (#3451)

    Comme il est souvent écrit ici à travers les éditoriaux de MT, le cas de Madagascar actuellement est un cas visible de “ Failed State”, auquel l’on pourrait aussi ajouter “weak system”, “worsening crisis”, et “fading hope”…

    Malgré l’emprise tentaculaire suffocante de la “Pieuvre mafieuse”, y a-t-il encore raison de croire qu’il nous reste désespérément quelques adjectifs assez persuasifs qui puissent nous convaincre que nous pouvons faire mieux tout de même ? Avec une certaine dose d’optimisme afin de rallier nos causes en vue de ce qui pourrait être le plus grand “come back” socio-économique de notre histoire de peuple ? Un retour possible à la normale au plus grand soulagement populaire ?

    Que nous reste-t-il donc à faire ?

    Tout comme la fameuse référence de Ndimby, la “Sociolgie du Gasy en crise”, il faudrait aussi mettre en oeuvre la “Remèdologie clinique de la crise Malagasy”.

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