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Editorial

L’Armée et la Nation

mercredi 23 juin 2010 | Patrick A. |  2590 visites  | 11 commentaires 

L’événement le plus symbolique d’une fête nationale reste le grand défilé militaire au centre de la capitale. Les organisateurs promettent que celui de la commémoration du Cinquantenaire de l’Indépendance sera marqué par des innovations. On n’en doute pas, ne serait ce que parce qu’une de ces innovations est déjà bel et bien visible et entraîne une vague sensation de malaise.

Contrairement aux usages où c’était le chef de l’État en exercice qui invitait à ce défilé militaire, c’est en effet au nom de l’Armée malagasy que sont cette année formulées les invitations à ce défilé militaire. Et le programme ne cite même pas le Président de la HAT, parlant juste de l’« arrivée des Chefs d’Institutions ».

Exercice de haute voltige politique pour dire que le 26 juin est la fête de Madagascar et non pas celle d’Andry Rajoelina ou du pouvoir de fait survenu en 2009 ? Sans nul doute. L’on ne sait quelles parties de la communauté nationale et internationale on espère ainsi convaincre de venir à cette manifestation, mais il est permis de douter qu’il n’y avait pas de manière plus élégante de le faire, ne serait-ce que par exemple en cessant d’agiter aussi maladroitement l’affaire du 7 février 2009 en ces périodes où l’on appelle à un sentiment d’union nationale.

Certes, en cette année, on célèbre aussi bien le Cinquantenaire de l’Indépendance formelle de Madagascar que celui de la naissance de son armée. Mais la formulation de l’invitation donne un certain poids à ceux qui affirment que la réalité du pouvoir dans le pays est désormais entre les mains des militaires, et qu’Andry Rajoelina n’est plus qu’une marionnette entre leurs mains. Je vous invite à savourer à nouveau un éditorial écrit par Ndimby l’année dernière, entre le début de la rebellion du CAPSAT et la chute de Marc Ravalomanana. Le bilan reste d’actualité, et l’on ne peut alors s’empêcher de se demander si on aurait pu éviter d’en arriver là après toutes ces années et surtout comment sortir aujourd’hui l’institution militaire de son ornière.

De même qu’on ne peut pas comprendre la France de Vichy si l’on occulte le prestige dont jouissait encore en 1940 Philippe Pétain, dernier des maréchaux de la Grande Guerre, on ne peut comprendre la politique malgache sans réaliser le prestige dont l’Armée a joui suite à son refus de tirer sur les étudiants en 1972. Cette année là, le général Ramanantsoa n’a pas pris le pouvoir, il l’a reçu parce que la foule du 13 mai l’avait réclamé pour lui.

Depuis 1972, si ce n’est par son action, au moins par ses inactions, l’Armée a donc souvent constitué la clé des basculements de pouvoir à Madagascar. Et à laisser faire les « révolutions » et les « rebellions », les forces armées en ont acquis une réputation « gauchiste ».

Laisser faire n’est pas neutre, et cela était vrai tant en 1991, en 2002, en 2009 qu’aujourd’hui [1]. Et si les militaires ont évité de prendre directement le pouvoir comme en Mauritanie ou en Guinée, on ne doit pas se priver de comparer Madagascar à d’autres régimes où l’influence des militaires sur la politique est ou a été indéniable, comme le Nigéria ou l’Algérie, où l’on a l’impression que le pouvoir se transmet à huis clos.

Faut-il supprimer l’Armée ? Peut-être pas, car la nature a horreur du vide, et mieux vaut sans doute une armée que des milices. Et tous les pays où l’influence du militaire dans le politique est forte ne sont pas forcément des dictatures. Certains de ces pays peuvent même être considérés comme des points avancés de démocratie dans un contexte difficile, à l’instar de la Turquie, ou plus encore d’Israël où tout candidat sérieux à un poste de Premier ministre se doit d’exhiber un prestigieux CV militaire. Mais une armée de métier se reproduisant en cercle clos peut-elle réellement représenter la Nation ? Et entre quasi-automaticité des montées en grade et politisation des carrières, quel pouvoir politique aura le courage de chercher un meilleur équilibre ?

Notes

[1À lire, Les forces armées et les crises politiques
(1972-2002)
par Jaona Rabenirainy, dans Politique Africaine, Juin 2002 http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/086086.pdf

11 commentaires

Vos commentaires

  • 23 juin 2010 à 08:00 | Noue (#2427)

     Et tous les pays où l’influence du militaire dans le politique est forte ne sont pas forcément des dictatures

    Tsy tokony hatao comparaison angamba ny firenena entin’ny mpanogam-panjakana zay voavidy vola ny armée ka manao dictatures mampijaly ny olona zay tsy manantsiny sady natao sorona ahazahoana ny toerana @ firenena hafa zay « où l’influence du militaire dans le politique est forte »

    Indrisy fa ny an’madagasikara tena hafakely ee . Raha mba tsy nanao ireny habibiana isankarazany ireny moa ry lilyson sy charles ..

    • 23 juin 2010 à 09:57 | Bena (#2721) répond à Noue

      il faut être renvoyé de st michel et diplomate de paccotille et marin d’eau trouble comme hypolita pour essayer de tromper les ambassadeurs de cette manière.

    • 23 juin 2010 à 12:21 | Tsisdinika (#3548) répond à Noue

      Pour la fete de l’independance, j’aimerais qu’il y ait vraiment independance :

      Pour moi, l’independance c’est quand un grand coup de filet se fasse pour les crabes qui seront au grand complet, au meme endroit, ce 26 juin.

      L’independance c’est quand l’ambassadeur de France se fasse expulser ce jour-la. En effet, n’est pas independance celle qui a ete donnee ; est independance celle qu’on a prise (cf Independance americaine). Il va falloir que Madagascar se decide a rompre avec la France un de ces jours pour retablir un vraie relation equilibree de respect mutuel.

      La vraie fete de la vraie independance, c’est pour quand ?

  • 23 juin 2010 à 09:09 | Basile RAMAHEFARISOA (#417)

    VIVE L’ARMEE MALAGASY

    Basile RAMAHEFARISOA

    b.ramahefarisoa@gmail.com

    • 23 juin 2010 à 12:08 | Tsisdinika (#3548) répond à Basile RAMAHEFARISOA

      Vive le peuple Malagasy. A bas les parasites.

  • 23 juin 2010 à 09:48 | Rainivoanjo (#1030)

    « le général Ramanantsoa n’a pas pris le pouvoir, il l’a reçu parce que la foule du 13 mai l’avait réclamé pour lui. » : et la manipulation, vous savez ce que c’est ? Il faut toujours se méfier de toutes ces prétendues demandes populaires : une manipulation bien orchestrée est autrement efficace que des slogans de politiciens honnêtes et patriotes mais moins habiles en manipulation de foule et ayant certainement moins de fonds. Toutes ces « révolutions » orange ou autres dans les ex-pays de l’Est en font partie.

  • 23 juin 2010 à 11:38 | kakilay (#2022)

    Quand un amiral, pour toute trouvaille, use de la politique des arnaqueurs « fetsepra » en guise de diplomatie, ne commençons pas à dire que c’est l’élite qui est à la gouverne.

    Vous connaissez cette ruse des marchands de rue qui consistent à vendre de l’urine à la place de l’huile : l’emballage doit faire passer le contenu. Ou un morveux se fait passer pour un rayamandreny, et bientôt un Ntaolo vivant, pour finir Dieu incessamment sous peu.

    Et la justice qui prend la couleur d’une dame qui s’est proclamée ministre dans la rue. Quelle est la légitimité de cette dame ?

    D’un gouvernement neutre et technocrate qui ne peut pas se passer justement de ces ministres de la rue. Voyez-vous, la grande arnaque dans ce pays et opéré par les « élites » a toujours été de se déclarer techniciens quand on veut manger à tous les râteliers. L’honneur d’un intellectuel est sauf, quand il se prostitue, en se déclarant technicien. Un technicien n’a pas de conscience : il est comme un pentium qui offre ses services à celui qui a pu s’offrir ses services.

    L’armée est devenue une maison close : elle refuse d’admettre cependant que les soubresauts qui l’animent depuis quelque temps sont provoqués par l’argent : le puissant aphrodisiaque. Bien des officiers ont accepté de se faire « maître » pour moins que cela. Un certain défilé pourrait prendre la couleur du défilé de la honte : la présence des étrangers laverait plus blanc cette parade des « mihaingo ambonin’ny tsikoko ».

    Regarder la mierda en face, et j’en suis convaincu, est une certaine forme de virilité (sans aucune connotation masculine, toujours).

    ... Et épargnez nous de vos artifices événementiels : ce n’est pas parce que kassav se présente à mahamasina, que l’on va être fier notre présent !!!

  • 23 juin 2010 à 12:21 | da fily (#2745)

    L’armée, laissez-moi en desespérer mes amis. G.Rabehevitra étant un ancien aurait certainement un avis lumimeux sur la question, ou un autre militaire bien sûr !

    Je voudrais qu’on se souvienne quand même des évènements de 1975 qui a vu l’assassinat de feu le cnl Ratsimandrava. Ce fut déja une forfaiture militaire, l’arrivée de son successeur le capitaine de frégate Ratsiraka n’est pas un hasard des nominations. Quoiqu’en dise ou pense les partisans de cet individu, il en reste, on ne peut s’empêcher de penser à l’amiral dans ces déroulements obscurs. L’image fut déja ternie, nous ne faisions que perpétrer l’image martiale de la violence militaire et de sa dictature en vogue en ces temps-là dans les pays africains. Nous avions beaucoup de mal à digérer l’après Tsiranana, les militaires étant déja érigé en ramparts supposé de l’anarchie, étant dépositaire du maintien de l’ordre et de la discipline (en ces temps-là cela voulait dire encore quelque chose). Les pouvoirs civils se fourvoyaient déja dans l’obscurantisme post-colonial.

    Mais cette armée confortée par autant de certitudes a dès lors, ignoré les bornes, pire, elle a commencé à compter même parmi elle des mafieux qui, trempants dans des affaires d’hydrocarbure, de bovins, de détournements d’armes, ou plus récemment de rackets et pillages. Vous voulez appeler ça encore une armée ? Quand on lorgne vers le haut du panier, on se rend compte qu’il n’y a que des fonctionnaires la panse bien tendues, attentifs uniquement à l’avancement ou à un juteux busness. Piètre tableau et insulte à la discipline et à l’éthique, principes galvaudés d’un autre siècle qui ne doit plus être compris que par quelques grisonnants n’étant pas encore sous l’emprise d’alzheimer. L’armée malagasy me fait penser à un fourmillement conjoint de garnisons mexicaines en déroute et de tontons macoutes en mal de rapines.Je crois qu’il faille plutôt les désigner comme suit : association de malfaiteurs.

    • 23 juin 2010 à 15:07 | sissi (#3685) répond à da fily

      Da fily

      Votre désespoir pour l’armée devrait être proportionnel à celui pour la justice malgache à qui vous pensiez sans rire qu’elle méritait sa totale indépendance. C’est exactement la même procédure d’abus de fonction que vous décrivez si bien qu’on retrouve chez nos magistrats. C’est toute une mentalité pourrie par ces dizaines d’années de laissez-faire de corruption qu’il faudrait d’abord changer et chez nos militaires et chez nos magistrats.

      Ce seront les prochaines générations qu’il faudrait éduquer à l’étique, au moral et aux respects des institutions. Avec cette génération-ci qu’on a habituée à la prise de pouvoir par la force et par les armes entre autre, la meilleure volonté du monde ne suffira pas à endiguer ces années de gabegie et de foutoir ancré comme une habitude, une normalité caractérisée par une corruption active à tous les niveaux des institutions de l’Etat. La mentalité pourrie est telle que qu’on peut entendre des gens « bien » prendre Zafy Albert pour un « con » uniquement à cause de sa trop grande honnêteté mal comprise et mal interprétée par certains .

      C’est ce qui m’avait conduite à dire dans un de nos échanges passés que la Justice sous sa forme actuelle n’était pas encore PRETE pour sa totale INDEPENDANCE et qu’elle aurait besoin d’un grand coup de balai et d’un assainissement en profondeur avant de l’envisager.

      Autant reconnaitre que cela relève d’une mission impossible car comme vous l’avez si bien relevé LA MAFIA est présente aussi bien au sein de notre Armée qu’au sein de notre chère (in)Justice. Parfois une présidente de tribunal ou une juge est mariée à un chef gendarme ou à un simple gendarme . Là c’est le bouquet.
      L’un vous arrête sous n’importe quel prétexte et pour vous en sortir ce dernier se débrouille pour vous glisser la carte de sa moitié.
      Sissi

    • 23 juin 2010 à 15:23 | Georges Rabehevitra (#3099) répond à da fily

      Cher Da Fily,

      Effectivement, je me suis déjà exprimé sur le sujet. Réferez-vous à l’article intitulé ’’l’Armée et la République’’, le 24/08/09 et vous verrez que ce que dit mon ami Patrick est uune parfaite suite de ce que je disais dans l’article sus cité.

      Bien à vous

  • 23 juin 2010 à 17:26 | Rakotoasitera Fidy (#2760)

    Da Fily , ces quelques grisonnants qui ne sont pas encore sous l’emprise de la folie ...

    Est ce que nous pensons a la mème personne ?

    Ne soyons quand meme pas trop dur avec notre armée

    Vous savez : cinquante ans ce n’est rien dans la vie d’une nation

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