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Antananarivo | 12h12
 

Editorial

Inquiétude légitime...

samedi 28 février 2009 | Ndimby A.

Alors que tous les indicateurs étaient au rouge depuis jeudi soir, les premiers résultats (timides mais réels) de la présence de Haile Menkerios ont très légèrement fait retomber la pression. Mais l’inquiétude reste toujours légitime.

Chef d’Eglise emblématique à la fois pour sa personnalité et la religion qu’il représente, Mgr Razanakolona a accepté de revenir à la table des négociations, tout en sommant chaque partie en présence d’agir en personne responsable et respectueuse de la parole donnée. L’annonce de ce retour a été accueillie avec soulagement par tous ceux qui souhaitent une résolution pacifique et rapide de la crise, car l’archevêque d’Antananarivo était le seul des quatre chefs du FFKM à avoir assez d’envergure pour imposer la voie de la raison aux deux protagonistes. On se souvient que Marc Ravalomanana, soucieux de s’attirer les bonnes grâces du nouveau Chef de l’ECAR à Madagascar nouvellement nommé, lui avait envoyé un hélicoptère pour son voyage vers Antananarivo, mais qui fut dignement refusé par Mgr Razanakolona, évêque au franc-parler et à l’indépendance avérée, surtout par rapport au Cardinal Razafindratandra à l’amitié trop voyante avec le Président de laRépublique.

Il semblerait également que suite aux pourparlers menés par M. Menkerios, Andry Rajoelina aurait donné un accord de principe, mais sous conditions, pour revenir à la table des négociations. Il faudra cependant attendre son discours samedi sur la Place du 13 mai pour savoir quelles sont ces fameuses conditions. En attendant, le réalisme oblige à ne pas se voiler la face sur les contraintes existant sur le processus de médiation.

Médiation sous contraintes

La première contrainte qui pèse lourdement sur ces négociations réside dans la personnalité des deux adversaires. L’expérience montre que de chaque côté, tous deux montrent peu de scrupules avec certaines valeurs quand il s’agit d’occuper un peu plus de terrain géographique ou symbolique. On peut multiplier à l’infini les exemples de rumeurs et « d’intox » diverses animées par chaque camp, mais on se contentera de rappeler deux anecdotes éhontées, qui ont toutes deux valu à leur auteur des démentis officiels et cinglants : Marc Ravalomanana affirmant qu’il avait le soutien de Bernard Kouchner pour arrêter Roland Ratsiraka ; Andry Rajoelina déclarant que Alain Joyandet se serait fendu d’un « Monsieur le Président » à son encontre, et d’un « Monsieur le Premier ministre » envers Monja Roindefo. L’audace avec laquelle ces mensonges ont été proférés publiquement invite à se poser sérieusement la question de la fiabilité de la parole des deux personnages. Dans ce contexte, il est donc normal que le Président du FFKM ait mis chacun en face de ses responsabilités, et appelé à plus de bonne foi de part et d’autre, même si c’est surtout l’autre qui a été visé par l’ecclésiaste dans ses allusions...

La deuxième contrainte qui pèse sur l’avenir des négociations réside dans le développement inexorable de deux logiques d’affrontement au sein de chaque camp.

Le camp Ravalomanana semble pencher de plus en plus vers une logique de répression pour solutionner la crise actuelle. Le Ministre de la défense nationale a d’ailleurs clairement dit à Toamasina que l’Armée se rangeait derrière son Chef suprême, Président légal. Durant les dernières 48 heures, l’EMMO-NAT a montré qu’il était prêt à prendre des actions pour disperser la foule : à Mahamasina jeudi, et à Fianarantsoa vendredi, avec hélas dans cette ville une mort d’homme de plus à déplorer. Faut-il faire un lien de cette logique répressive avec l’arrivée d’armes dont a parlé mercredi dernier Marc Ravalomanana lui-même ? Dans ses récentes déclarations, Mgr Odon Razanakolona n’a pas caché son anxiété face aux possibilités que l’Armée verse dans l’usage de la force.

Sur un autre plan, on a constaté depuis jeudi soir qu’il y avait des difficultés à capter Radio Viva, sans doute à cause d’une opération de brouillage des ondes. Et enfin, cet étrange rendez-vous manqué de mercredi, que Marc Ravalomanana a fait semblant de noyer dans un faux rendez-vous manqué le jour suivant pour essayer de donner le change, en mettant « le lapin » sur le compte du pauvre Jacques Sylla et d’un pseudo-souci de sécurité. Le moins qu’on puisse dire, c’est donc que le camp du Président ne montre pas beaucoup d’empressement à créer un contexte favorable aux pourparlers.

Dans le camp d’en face, on note que la propagande de la radio Viva semble préparer l’opinion publique à « un événement majeur qui changera le cours de l’histoire de Madagascar » pour ce samedi. Cela est inquiétant quand on se souvient que la dernière fois que ce genre de message avait été diffusé, c’était la veille de la marche sur Ambohitsirohitra. Cela peut donc laisser supposer un nouveau risque de surenchère de la part de Andry Rajoelina, qui peut être encouragé par deux faits majeurs pour durcir ses positions et claquer définitivement la porte de la salle des négociations.

Patchwork politique

D’une part, la formation de ce Bureau de coordination nationale, créé ce vendredi à l’image du Département politique des Forces vives en 1991. Ce rassemblement des opposants derrière l’ancien maire d’Antananarivo est une étape majeure, car il lui permet d’avoir enfin accès à ce qui lui manquait depuis : une véritable base politique et une audience nationale. Cela lui donne tout à coup une véritable raison pour aller de l’avant, car il a maintenant des chances de remporter le conflit à l’usure, en y prenant du temps, mais également en sacrifiant probablement plus de vies, plus d’entreprises et plus d’emplois. Mais ce genre de considérations est-il prioritaire dans le calcul d’ambitions personnelles, pudiquement cachées derrière le « fitiavan-tanindrazana » dont se gargarisent tous les hommes politiques ?

Ceci étant dit, avec le soutien affiché de personnalités comme Albert Zafy pour le Nord, Roland Ratsiraka pour l’Est ou Jean Lahinirako pour le Sud (pour ne citer qu’eux) qui ont tous des raisons fortes mais différentes de se défaire de Marc Ravalomanana, Andry Rajoelina a gagné des atouts certains. Deux questions toutefois. Primo, comment peut-on imaginer un instant que ce patchwork hétéroclite de politiciens aux objectifs et aux personnalités si différentes puisse tenir la route, un peu comme le mariage de la carpe et du lapin. Secundo, combien de temps va-t-il tenir, car en tant qu’alliance politique conjoncturelle de façade, il est inévitablement voué à imploser quand viendra le temps du partage des sièges et de la lutte d’influence entre chefs. L’histoire des Forces vives (1991) et du KMMR (2002) sont les deux cas qui préparent au troisième.

D’autre part, Andry Rajoelina est prisonnier de sa foule. Il est bien connu que le quotient intellectuel d’un rassemblement humain est inversement proportionnel à la quantité de personnes qui le composent. Une foule réagit non pas sur un raisonnement, mais sur des émotions créées par des slogans, des arguments bien présentés, des thèmes populistes, voire des mensonges organisés. Une fois qu’elle a subi un lavage de cerveau pendant des semaines entières pour adhérer à certains objectifs, elle peut refuser de suivre un chemin différent de celui vers lequel on l’a préparé, et transformer alors ses meneurs en suiveurs. Andry Rajoelina a–t-il la capacité d’imposer sa volonté à la foule et à son Département politique, dont les ailes extrémistes ne voient plus la nécessité de négocier ? Ce sera dans sa façon de gérer les réticences que l’ancien DJ démontrera si c’est vraiment lui qui est aux platines.

Test grandeur nature des bonnes volontés

Il faut cependant reconnaître que tout en restant ferme dans ses déclarations depuis quelques jours, Andry Rajoelina s’est largement tempéré pour essayer de se donner une certaine stature d’homme d’Etat, et effacer son image d’adolescent rebelle et teigneux à la langue bien pendue montrée lors des premières semaines de crise. On attendra donc de voir la tonalité et le contenu de son discours de samedi sur la place du 13 mai pour juger s’il laisse une porte ouverte pour les négociations ou pas. D’un autre côté, on verra si les derniers arrivages « made in China » encourageront l’EMMO-NAT dans les opérations de dispersion de foule.

Ainsi, le retour de Haile Menkerios n’est pas nécessairement annonciateur de retenue de la part des deux protagonistes. D’ailleurs, quelques heures après son arrivée lors de son premier séjour, le « Premier ministre de transition » avait inscrit son nom dans l’Histoire en lettres de sang pour avoir provoqué la marche sur Ambohitsirohitra. En face, la garde présidentielle n’a pas hésité à marcher en lettres de feu sur les traces des FRS (1972) et RESEP (1991) de sinistre mémoire. Cependant le diplomate racé qu’est l’éthiopien, ainsi que les Chefs d’Eglise du FFKM ont maintenant une chance unique d’écrire leurs noms en lettres d’or dans l’Histoire comme étant ceux qui auront réussi à résoudre la crise entre les deux protagonistes. Mais pour cela, il faut d’abord que la sagesse « vita malagasy » fasse ses preuves, et surtout que le TGV arrête de dérailler.

9 commentaires

Vos commentaires

  • 28 février 2009 à 05:29 | tsy tia tabataba (#366)

    Bonjour,

    Merci pour cet article. La population terrée derrière la majorité silencieuse commence à en avoir marre de cette crise inutile ; les TIM, les TGV ou autres partis politiques ne représentent plus rien pour elle. Elle a d’autres crises et soucis à gérer : le bien-être et la sérénité.

    Alors, je demande aux deux protagonistes (finalement, c’est devenu « deux » car le premier représente le pouvoir et le second les opposants avec le ralliement des autres ex dans le camp d’Andry Rajoelina) de prendre une décision ferme et définitive au plus tard avant la fin de la semaine prochaine SINON le Président DOIT démissionner OU le Président DOIT PRENDRE les dispositions mises à sa disposition par la Constitution de Madagascar pour résoudre ce problème. Qu’il ait la force et l’honnêteté d’agir en tant qu’homme responsable.

    Le « Peuple » ne mérite pas cette « inquiétude permanente ».

    Et cette affaire doit rester entre nous. Qu’est-ce que les gens de l’extérieur ont compris de notre situation, de notre culture, de nos habitudes et de notre mentalité, pour pouvoir prétendre avoir une solution rapide à cette crise. Au contraire, cela va retarder l’annonce de la solution. Plus nous attendons, plus le pays s’expose à une catastrophe que personne à Madagascar ne souhaite !!!

    Et que dire de notre très cher Mgr Razanakolona. Il faudrait tout simplement qu’il sache que si le « Peuple » a fait appel à sa sagesse et à celle des membres du FFKM, c’est tout simplement parce que nous croyons en leur esprit de discernement, leur éducation, leur foi chrétienne et le sens d’impartialité comme l’a enseigné le Seigneur. Arrêtons les surenchères et agissons toujours sous la bénédiction de notre Dieu !

    • 1er mars 2009 à 02:08 | Ramaro (#604) répond à tsy tia tabataba

      Qu’est-ce que les gens de l’extérieur ont compris de notre situation, de notre culture, de nos habitudes et de notre mentalité, pour pouvoir prétendre avoir une solution rapide à cette crise. Au contraire, cela va retarder l’annonce de la solution. Plus nous attendons, plus le pays s’expose à une catastrophe que personne à Madagascar ne souhaite !!!

      Je voulais juste répondre à cette question.
      Nous sommes un peuple ,qui vient de loin.Nous avons nos origines,nos cultures et nos racines à Madagasikara .
      On parle de fihavanana et de démocratie ,mais nous MALAGASY MOA SAMY MAHAFANTATRA DAHOLO ce que l on ne sait pas .On est fort pour les kabary de tout bord.Récemment ,j ai pu entendre et voir des étudiants MALAGASY faire des KABARY en bonne et due forme ,pleine de sagesse et de subtilité.Je les remercie parce qu ils m ont renforcé dans mes convictions d etre MALAGASY ,dont je n oublierai jamais.
      MADAGASIKARA est un pays ou le melting pot est génial .Nous avons nos propres religions ,nos différences et nos propres origines .
      Malheuresement à chaque fois qu il y a une crise politique au pays on le met sur le dos des « Karana » ,des « Sinoa » et des « vazaha ».
      Quand est ce un jour ,peuple de Madagasikara ,on va se regader en face ,en se disant que ,les seuls qui détruisent le pays ,n est autre que les MALAGASY.
      Ce ne sont pas les autres , c est nous.
      On croit avoir tout compris à la politique ,aux finances ,aux exportations d armes ,aux minéraux ....mais les vrais responsables ce sont les MALAGASY.
      Les politiciens Malagasy sont là pour nous faire croire qu on est des idiots.Ceux qui percoivent le back shish ,ce sont les malagasy.
      Alors arretons 1 minute et disons halte à tout celà.
      On est pas content parce que Mr RAVALOMANANA nous a annoncé qu on allait etre des milliardaires ,maintenant c Rajoelina ,Zafy ,Ratsiraka,Ellia Monja ,Ramaroson........
      Oui on va l etre en conneries oui.

    • 1er mars 2009 à 09:44 | objectivité (#372) répond à tsy tia tabataba

      Tsy tia tabataba j’ai mis du temps pour pouvoir exprimer ce que je voulais dire, je n’ai rien à ajouter, tu as tout dis .J’aimerais bien qu’il y ait beaucoup plus de malgaches dans ton genre. Merci à toi fraternellement.

  • 28 février 2009 à 06:08 | manitra (#317)

    Merci à Ndimby car l’analyse qu’il a émise est très pertinente. Je me joins à Tsy tia tabataba pour que chacun des deux camps prennent enfin leur responsabilité afin de ne pas laisser la population, l’économie et la vie sociale en détresse.

    Tout le monde est las d’être pris en otage par d’un côté un putschiste obtus et borné et, de l’autre, un gouvernement irresponsable qui ne fait rien et permet trop de laissez-aller. Que le Président négocie s’il le veut vraiment ou fout ce déraillé et ses illuminés partenaires en prison s’ils s’obstinent dans leur entêtement. Il n’y a pas plus simple que cette proposition. Nous voulons la paix et la sérénité sociales revenir.

  • 28 février 2009 à 07:25 | Rado (#172)

    Sans toutefois avoir des prejuges surtou pour le President en exercice ou ..., je crois fermement qu’il ne s’arretera pas la et d’accepter les propositions comme gouvernement de transition ou de redressement.

    L’avenir nous le dira mais tel que je le connais, il a encore plusieurs atouts qu’il n’a pas mis sur table et c’est la raison de cet ajournement.

    Au prix des sanctions onusiennes comme Mugabe, n’en deplaise aux autres pour la comparaison.

  • 28 février 2009 à 09:54 | poiuyt (#584)

    Modestement, je mets ma première participation pour féliciter Tribune de la qualité de ses analyses objectives. Félicitations à vous, vous êtes les meilleurs pour l’instant. Pourquoi ou grâce à quoi ? je ne sais pas. Chez Sobika, TopMada, c’est du tout venant ; tout le monde crée un « nouveau » sujet pour poster une petite idée sans profondeur du tout, qui a déjà des filiations dans de précédents posts qu’on n’a pas pris la peine de lire tellement il y en a. Le résultat ? des dizaines de « sujets » sur la crise de Mada par exemple, or une unique grosse dizaine suffirait ; Fatigant, surtout quand après une longue lecture vous réalisez que vous n’en avez pas retenu grd chose ; Sans compter la multitude de noms de participants, innombrables représentant à non point douter les mêmes personnes +s fois ; lamentables ; qui se chamaillent en adolescents ; difficile d’avoir des échanges franches et constructives. Et le pire se trouve chez MOOV !
    Quand aux blogs, il n’y en a pas qui soit intéréssants, pas de qualités ; c’est bizarre !
    Bravo à vous !

    • 28 février 2009 à 11:40 | REVENDEUR (#589) répond à poiuyt

      Que ce soit SEFAFI ou autres, vous n’avez pas à vous inquiéter :

      à chaque vol ou détournement du plus haut responsable , le peuple est toujours dans la rue. et cela va continuer dans les 10 à 50 ans à venir.

      (vol d’indépendance en 47 ou vol de choix en 72 ou vol de voix en 91 ou vol de vote en 2001 ou vol d’argent public en 2009)

  • 28 février 2009 à 20:16 | Citoyenne Malgache (#599)

    Bon article, félicitations.

    J’ai d’autant apprécié, qu’il est rare de trouver en ce moment des articles qui soient bien neutres dans ses mots pour que le lecteur puisse se faire sa propre opinion.

    Je déplore personnellement le comportement de certains journalistes qui incitent à la haine et diffusent de fausses informations. Je trouve ce comportement beaucoup plus criminel que les pilleurs et terroristes réunis.

    Je sais que dans les conditions actuelles, il est difficile de ne pas prendre position, si ce n’est pas pour un camp, du moins pour une situation : le calme ou le chaos ? Sans parler des pressions de toute part. Alors j’ai une pensée particulièrement reconnaissante à tous les journalistes qui ont su malgré tout respecter la déontologie de leur métier.

    Encore une fois, merci.

  • 1er mars 2009 à 10:34 | objectivité (#372)

    Je voulais seulement ajouter que j’encourage et remercie ceux qui participent à ce forum sans fanatisme ni parti pris mais avec réalisme et honneteté envers soit et les autres. J’oserai aussi demander à nos politiciens dignes de ce nom : Si vous êtes de vrais politiciens, vous avez surement une bonne base qui vous soutienne et aussi un quotient intellectuel non négligeable pour savoir qu’on peut négocier sans avoir forcement à bloquer le pays si vous aimez vraiment votre pays et respectez l’ethique politique et vos compatriotes. Légalement ou légitimement vous n’en avez pas le droit. MALGACHES, NE PRENEZ PAS EN OTAGE LES MALGACHES utilisez vos forces dans le bon sens avec objectivité honneteté et réalisme pour le bien de tous mais pas seulement pour votre immage personnel.

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