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Gare à l’instrumentalisation du nationalisme en Afrique !

lundi 10 août 2015

Dans la plupart des pays africains, les épreuves historiques de l’esclavage, de la colonisation et de la décolonisation ont laissé un sentiment profond de dépossession, d’oppression, de persécution et de bannissement qui crée et entretient l’élan émotionnel de la recherche de l’unité et de la solidarité nationale. Nous parlons donc de nationalisme en référence à ce mouvement d’idées et d’émotions exaltant l’appartenance à sa nation par opposition aux autres, injectant une logique de « Nous contre eux ».

En Guinée ou au Mali, les présidents Alpha Condé ou Ibrahim Boubacar Keita ont surfé avec succès sur cette idée de priorité nationale pour se faire élire. Mais de nos jours, la mise en œuvre de leurs slogans « La Guinée d’abord » ou « Le Mali d’abord » reste très discutable. Dès le début, le nationalisme en Afrique était écartelé entre les idéologies socialistes, communistes ou révolutionnaires. De nos jours, les exigences du « vivre ensemble » nous invitent à recevoir les discours nationalistes avec discernement. La question n’est pas de savoir si ce mouvement est légitime ou non mais, de savoir comment exprimer ses convictions en accord avec les exigences des libertés individuelles. En clair, l’instrumentalisation du nationalisme ou les dérives idéologiques ne sont-elles pas un danger pour la construction de l’Afrique ?

L’instrumentalisation de l’idée de souveraineté nationale pousse certains idéologues africains à envisager la vie en autarcie et la fermeture totale des frontières aux partenaires étrangers. Surfant sur la nécessité de rompre avec les structures coloniales de l’économie, d’aucuns prônent même la nationalisation des entreprises étrangères et la limitation totale des importations sans tenir compte de l’impact d’une part, sur le fonctionnement de l’économie et d’autre part, sur les libertés et droits individuels. Par exemple, suite à la politique de confiscation des fermes détenues par des Blancs, et la politique hostile à l’investissement étranger, l’hyperinflation a frappé le Zimbabwé atteignant jusqu’à 231 millions de pourcent par an en juillet 2008. Pour le malheur des populations affamées, un pain coûtait entre 7000 et 10 000 dollars zimbabwéens (entre 27 et 43 euros). Ces mesures conservatoires n’ont eu aussi que des effets pervers en RDC (ex-Zaïre) où la politique du Président Mobutu de « zaïrianiser [décoloniser] » l’économie et la culture a plutôt accru la dépendance du pays à l’extérieur. Selon le rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre Solidaire) du 29 mars 2007sur les « Biens-mal-acquis » en RDC (Ex-Zaïre), la dette publique du pays avait atteint 13 milliards de dollars. On a parlé de « kleptocratie » en référence à un gouvernement par le vol ou par l’expropriation. Aussi, Mobutu avait lancé en 1971, la révolution culturelle à travers, entre autres, l’obligation de porter « l’abacost [à bas le costume occidental] ». Paradoxalement, les ex-Zaïrois (Congolais) sont devenus plus tard des promoteurs de l’idéologie de la « SAPE [réforme du costume occidental] » et du décapage de la peau qui sont une passion pour l’Occident.

Loin de cette conception politisée, le nationalisme démocratique serait plutôt la défense de la dignité et des droits des citoyens africains dans la perspective d’un monde plus juste et égalitaire. Il encouragerait plutôt l’émancipation des Africains qui doivent par la force de la légitimité démocratique faire entendre leurs voix sur la scène internationale. Par exemple, l’Afrique a besoin de sa liberté de déterminer ses politiques budgétaire, monétaire et fiscale pour définir librement ses priorités et le choix de ses partenaires sans pressions extérieures. Mais, cela ne doit pas sombrer dans des dérives extrémistes qui conduisent aux expropriations ou à la vandalisation des intérêts étrangers (attaques aux droits de propriété).

Le nationalisme est aussi utilisé par certains dirigeants indélicats comme un fallacieux prétexte pour légitimer leur gestion (néo)patrimoniale et leur culte de la personnalité. On entend dire que des présidents comme Paul Biya du Cameroun (32 ans au pouvoir), Dénis Sassou-Nguesso du Congo (30 ans de pouvoir non-consécutif), Obiang Nguéma de la Guinée équatoriale (35 ans au pouvoir), José Eduardo Dos Santos de l’Angola (35 ans au pouvoir), Robert Mugabé du Zimbabwé (27 ans au pouvoir), Yoweri Museveni de l’Ouganda (28 ans au pouvoir), etc., doivent continuer de rester au pouvoir pour des raisons nationalistes. Il semblerait qu’en lieu et place de la libre compétition, il faudrait les soutenir pour garantir la paix et la stabilité. Entre temps, ces présidents sont cités dans des affaires de « biens-mal-acquis » qui trahissent leurs volontés réelles. Certains d’entre eux entrent maladroitement, aux côtés des chefs d’entreprise qui produisent de la valeur, dans le classement Forbes des meilleures fortunes du monde alors qu’ils sont à la tête des pays pauvres et très endettés. Il semblerait que ce soit le prix à payer par leurs peuples pour continuer de bénéficier de leurs « compétences idéologiques ».

Au Sénégal, le Président Abdoulaye Wade défendait sans perturbation jusqu’en 2010 l’idée selon laquelle son fils Karim Wade était le seul citoyen compétent susceptible d’assurer la continuité de l’action gouvernementale. Au Zimbabwé, le Président Robert Mugabé semble dire jusqu’à nos jours qu’il n’y a aucun citoyen capable d’assurer valablement sa relève. Cette dérive idéologique conduit à la gestion patrimoniale de l’Afrique en décalage avec les aspirations des peuples à une vie meilleure. L’Afrique doit certes lutter contre l’impérialisme et la françafrique, mais elle doit aussi et surtout promouvoir les libertés économiques pour contrecarrer la mainmise sur l’exploitation de ses ressources naturelles et de son marché. L’Afrique doit certes limiter les ingérences politiques mais, elle doit favoriser les échanges économiques pour atteindre son idéal de l’intégration économique. Pour protéger l’emploi au niveau local, elle pourrait encourager la production locale et exiger le transfert des technologies mais, elle doit éviter de sombrer dans des dérives extrémistes qui cultivent la haine des peuples.

En conclusion, on peut dire qu’il faudrait se méfier de la récupération politicienne qui est faite de l’aspiration des Africains à la liberté, à l’égalité, à la justice, et à l’autonomie. Aussi, les Africains eux-mêmes devraient s’engager sur le chemin de la souveraineté et de la liberté sans représenter des menaces pour celles des étrangers.

Louis-Marie KAKDEU, PhD & MPA

Article publié en collaboration avec le projet www.libreafrique.org

8 commentaires

Vos commentaires

  • 10 août 2015 à 12:40 | Jipo (#4988)

    ratsy-hiraka n’ en est qu’ un exemple édifiant !
    A présent lui et sa bande ou sont-ils pour assumer le résultat de leur « kombat » pour l’ indépendance, la nationalisation et l’ acculturation Malagasy ?
    Ou sont ces valeureux indépendantistes de la côze gasy ???
    qu’ on les attrape par la peau des koui-les pour confisquer ce qu’ ils ont volé, et nettoient le KK qu’ ils ont semé !
    Devant un tel laxisme, pour ne pas dire désinvolture, porte ouverte à récidive, la fety du kabary kontinue ...

    • 10 août 2015 à 12:49 | betoko (#413) répond à Jipo

      Je ne fais pas de la publicité pour que Mme Cécile Lavrard- Meyer vende son livre concernant Rachiraka Didier , mais si vous avez l’occasion lisez le , La dedans vous y trouverez ses mensonges et ses vérités

    • 10 août 2015 à 13:04 | Jipo (#4988) répond à betoko

      Merci, ai déjà lu cette suggestion dans d’ autres postes .
      Je dois vous dire que, ce dont je parle est : du vécu et non de la théorie .
      Ne doute pas un instant de l’ intérêt de ce livre, mais me concernant l’ état du pays en incombe directement au pré-cité, qui ne mérite que, confiscation de tous ses vols & la vindicte populaire, & sa progéniture : comme « félicie » !

    • 10 août 2015 à 14:06 | lanja (#4980) répond à Jipo

      Une des urgences de ANR et partisans était le retour de cette personne, ne soyez pas surpris par rapport à ce qui se passe actuellement dans notre pays. Le cv de notre PM actuel en dit long, mais il faut faire avec,chez nous, il semble être facile de tromper la majorité . HR et ANR sont bien soutenus et bien protégés par ceux qui avaient pillé ce pays depuis 1975 , et c’est pas terminé !

    • 10 août 2015 à 18:12 | DIPLOMAT (#846) répond à Jipo

      Malheureusement ce type de victimisation et de recherche de bouc emissaire systématique pour justifier l’incurie , l’incapacité, la corruption des types en place.

      Oui, il y a des influences étrangères. Mais il y a surtout une bande de sangsue dans les rouages de l’administration, et de la société.

      Alors de temps en temps on voit ici et là des zouzous qui agitent la revendication des iles éparses, alors même que le souveraineté et le pillage du pays se fait à 50 mètres de son nez !
      Iles éparses, alors même que ces iles totalement vierges de Malgache, où nous ne sommes même pas capables d’envoyer un simple corps expeditionnaire.

      Car si nous avons une légitimité, qu’est ce qui nous empêcherait d’envoyer une Task Force et y planter notre magnifique drapeau ?? la réalité est que nous ne savons même pas y aller, ni même y organiser un camps de survie à long terme.

    • 11 août 2015 à 11:31 | GADSDEN_FLAGIVANDRY (#8661) répond à DIPLOMAT

      Ce qui nous en empêche ? Tu es si pressé que ça d’avoir un autre coup d’état parce-que qu’on le veuille ou non porter atteinte aux intérêts français n’a jamais été une formule gagnante ces 60 dernières années.

  • 11 août 2015 à 11:54 | plus qu’hier et moins que demain (#6149)

    Assalaamo alaikoum

    Grand merci à mt.com d’avoir publié cet article édifiant à tous points de vue même s’il est très peu commenté par nos forumistes.

    Tout a été écrit et expliqué d’une façon objective et de fond en comble donc c’est une référence en la matière pour tous.

  • 11 août 2015 à 14:58 | Turping (#1235)

    Gare à l’instrumentalisation du nationalisme en Afrique !
    - Certainement ,la fausse idée du nationalisme pour berner l’opinion publique n’a accouché que des dirigeants dicateurs pour se remplir tremplir les poches .
    - Il ne faut pas confondre le nationalisme à l’extrêmisme .Le nationalisme trempé du patriotisme dans le continent asiatique n’a rien à voir avec le dogme nationaliste des dirigeants africains n’ayant pas de défi commensurel pour dépasser l’ère coloniale afin d’améliorer encore l’existentiel humain ,la papupérisation dont beaucoup de pays africains souffrent.
    - Justement ,l’idée véhiculé par le nationalisme en bannissant l’extrêmisme démontre bien la recherche de l’unité nationale ,des valeurs rassembleuses pour relever le défi .
    - Un pays doit avoir sa souveraineté nationale ,dont le peuple est le maître .
    - Logiquement ,cela engendre une nouvelle ère émancipative ,citoyenne ,de responsabilité quant à la notion du dévéloppement ,l’IDH (indice de dévéloppement humain ).
    - Un pays ne doit rester en autarcie ,certes avec la liberté d’expression ..Le nationalisme ne signifie pas forcément privation de liberté d’expression ni le rejet d’une ouverture .Plutôt ,c’est une certaine courant idéologique qui protège c’est ce qu’on appelle ,une nation ,la souveraineté natiuonale ,contre l’impérialisme sauvage à condition que l’intérêt du peuple ,le dévéloppement réel soit le leitmotiv se cachant derrière ce mot mais non pas ses intérêts personnels ,ni le les intérêts compromettant aux intérêts publics .

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