Des réalités historiques aux problèmes actuels
Le rôle des différentes ethnies à Madagascar dans la vie politique revient de façon récurrente dans les conversations et les discussions concernant la crise actuelle. Pour y voir clair et comprendre la question, il faut remonter dans le passé. C’est ce que je vais essayer de faire rapidement en vingt minutes, alors qu’il y faudrait toute une bibliothèque.
« Ethnie » est un mot impropre
Quand on utilise le mot « ethnie » aujourd’hui à Madagascar, c’est une façon – que l’on voudrait scientifiquement correcte – de traduire le mot « tribu » qui fut utilisé à l’époque coloniale et que l’on utilise encore dans les formulaires de demande de carte d’identité avec le terme caste. Il n’existe pas à Madagascar dix-huit tribus, alors qu’existent bien les douze tribus d’Israël, descendant des douze fils de Jacob ou Israël d’il y a quelque 3.000 ans. À Madagascar, tous les Merina ne descendent pas d’un unique ancêtre qui aurait été Monsieur Ramerina ni tous les Sakalava d’un unique ancêtre qui aurait été Monsieur Rasakalava. Au 19e siècle, Raombana, qui fut éduqué en Angleterre et qui écrivait en anglais, n’a jamais employé le mot « tribe » [1]. Quand les intellectuels malgaches au 20e siècle voulaient trouver un mot malgache pour « tribu » pour traduire le français administratif, il n’y en avait pas, sauf à prendre le mot « foko » qui désignait au départ un petit groupe de parenté, à le forpayser et à lui donner un sens français. À défaut de leur apprendre à parler français, la tentation de beaucoup de missionnaires fut d’amener les Malgaches à parler français en utilisant la langue malgache et donc à changer le sens des mots du lexique malgache. C’est le novgache actuel.
Pour de multiples raisons, beaucoup n’acceptent pas le mot « ethnie », notamment parce que étymologiquement, demos désigne le peuple de la cité dans la Grèce antique, alors qu’ethnos désigne tout peuple extérieur à la cité et donc étranger. L’ethnie porte toujours le sens de « tribu » et comporte aussi celui de ce qui serait une communauté biologique d’origine – ce qu’était bien la tribu.
Nous le devons d’abord à ce que furent les idées du 19e siècle : à ce que fut son anthropologie physique qui mesurait les crânes à la recherche de la définition des « races humaines », au social-darwinisme qui en dériva et qui pensait que ces « races humaines » avaient des qualités différentes et que leur évolution culturelle s’était achevée, lorsqu’elles avaient épuisé toutes leurs ressources. Ces idées social-darwinistes étaient enseignées dans les institutions théologiques des Églises et les missionnaires les ont diffusées auprès de leurs fidèles, notamment avec la malédiction des fils de Cham par Noé. Quant au mot « tribu » que l’administration coloniale utilisa, c’était pour elle un moyen de situer les sociétés malgaches dans un passé ancien et primitiviste proche de la sauvagerie – un passé que la chrétienté avait quitté depuis longtemps avec le Nouveau Testament et que la France avait quitté à l’époque de Vercingétorix pour entrer dans la modernité romaine. Si l’on veut utiliser un mot correct, il convient d’employer l’expression « population régionale » utilisée dans le Pacifique, qui n’a pas de telles connotations.
Des populations régionales
Ces populations régionales correspondent à ce que furent autrefois des formations politiques royales ou princières. Il y eut même des Républiques comme celle de Soanavela en pays antanosy émigré près du pays mahafale, mais ces dernières n’ont pas été reconnues comme des « tribus ». Ces royaumes et ces principautés avaient des superficies variables selon les alliances et les conflits. Elles étaient le résultat de stratégies politiques et n’étaient pas intangibles. Elles pouvaient être créées et tout aussi bien disparaître. On peut illustrer ce fait par quelques exemples.
L’Imerina, dans une région autrefois appelée Ankova, est une création politique attachée à une dynastie côtière auparavant établie à Maroantsetra sur la côte est. Étant montée sur les hautes terres sur les marches de la forêt actuelle, elle s’installa peu à peu sur les hauts plateaux à partir de Fanongoavana. C’est l’une des branches de cette famille qui, à partir de la petite Imerina d’Andriamanelo à Alasora et Imerimanjaka étendit son emprise sur l’Imerina roa toko de Ralambo (Ambohidrabiby), l’Imerina efa-toko d’Andriamasinavalona (Antananarivo) et l’Imerina enin-toko d’Andrianampoinimerina (Ambohimanga et Antananarivo) qui s’était agrandie au sud jusqu’à Ambositra et Fandriana. C’est le Président Tsiranana, premier Président de la République, qui décida de retrancher ces deux petites régions de l’Imerina pour les intégrer au pays betsileo.
L’unité du pays sakalava repose sur une sorte de confédération familiale. C’est une famille de Maroseraña qui, partant de Benge sur le Fihereña, a créé une série de royaumes jusqu’au nord de Madagascar – les branches cadettes se constituant des territoires au dépens d’anciens royaumes ou d’anciennes principautés. Si l’on parle d’une population sakalava, il faut noter que le groupe dynastique souvent se distingue de l’ensemble de la population en se disant lui-même sakalavabe ou grand-sakalava.
Le pays betsimisaraka sur la côte orientale est la création récente, au 18e siècle, de l’habile politique de Ratsimilaho. Il rassembla de nombreuses petites communautés qui, de longtemps, avaient rejeté l’organisation royale, mais qui, sous une apparence égalitaire, avaient conservé une forme hiérarchique avec ses tompon-tany et maîtres de la terre et ses dépendants. Mais l’unité n’est pas totale. Dans la région d’Antalaha, les anciens Betsimisaraka se nomment maintenant Bisaraka, et – conséquence de la politique nationale – dans la région de Mananara-Avaratra, les élites qui étaient tsimihety à l’époque de Tsiranana, sont redevenues betsimisaraka à l’époque de Ratsiraka et de la IIe République.
Il y a trois siècles, le pays zafimaniry était inclus dans le royaume de Vohitrarivo, le royaume zafirambo le plus septentrional du pays tanala – lequel s’étendait jusqu’au sud d’Ikongo. Il y a deux siècles et demi, ce petit pays était compris dans la principauté d’Andramasina, cité qui se trouve à trente kilomètres à vol d’oiseau d’Antananarivo à la suite du mariage, avec Andriamasinavalona, de Ralaniboahangy, fille aînée d’Andrianonindanitramantany, roi de Vohitrarivo près de l’actuel Tsinjoarivo. Au 20è siècle, cette population forestière est dite tantôt tanala tantôt betsileo. Comme elle a conservé sa tradition de travail du bois qui a été reconnue comme appartenant au patrimoine mondial par l’Unesco – un art que l’on dit « ethnique » dans les pays du Nord –, la population zafimaniry s’individualise dans le monde malgache et, dans l’esprit de notre temps, tend à devenir une « ethnie » ou, disons, une population régionale.
Une unité culturelle fondamentale
S’il y a des cultures régionales, ce sont toutes des formes qui ont évolué à partir de l’ancienne culture austronésienne et qui ont pu localement subir des influences par leurs contacts avec l’extérieur, autrefois dans le contexte de l’Océan Indien, et depuis le 19e siècle, dans celui de la mondialisation.
L’unité linguistique a été préservée. Toutes parlent le malgache, une langue dont le vocabulaire et la grammaire est austronésienne – on a dit aussi malayo-polynésien et encore indonésien –, comme le montrent bien les différentes études des linguistes malgaches. L’intercompréhension demeure entre les différents dialectes. Sur de fausses bases racialistes, des missionnaires avaient envisagé l’existence d’un premier peuplement d’origine africaine et la politique coloniale, toujours défendue par des universitaires étrangers tribalistes, en avait fait la base de la « politique des races » de Gallieni. Le seul article – celui d’Otto Chr. Dahl – qui, par son argumentation linguistique, aurait pu convaincre, prouvait en fait le contraire de ce qu’il pensait avoir prouvé. Quant aux Vazimba et aux Mikea, qui font fantasmer beaucoup de gens, leurs ancêtres à eux aussi viennent de l’Asie du Sud-Est. Les Vazimba ne sont pas une population ; ce sont d’anciens rois ou prince qui, à leur décès, ont bénéficié souvent d’une sépulture aquatique dans un lac où leurs esprits sont censés demeurer. Les Mikea, eux, sont des anarchistes qui ont fui les fanjakana dont ils étaient les sujets et ont choisi de vivre librement dans un milieu forestier.
L’unité des coutumes et des conceptions les plus fondamentales de la culture étaient et restent austronésiennes. On les retrouve toutes en Asie du Sud-Est et l’idée fréquemment exprimée par les anthropologues que « malaise » serait l’Imerina et africaine la « côte », provenait d’une méconnaissance et de l’une et de l’autre, mais aussi, dans l’esprit de l’Empire Français, de l’Asie du Sud-Est. Tout Malgache devrait savoir qu’un phénotype négroïde n’est pas obligatoirement d’origine africaine. Si une minorité africaine est venue à Madagascar, souvent contre son gré, elle s’y est malgachisée, comme les Polonais immigrés en France sont devenus français, à cette différence près que les Polonais ont gardé leurs noms slaves, alors qu’à Madagascar, les descendants des Mozambiques ont pris des noms malgaches. Les rois et l’aristocratie de la thalassocratie du Champa étaient noirs, alors que, comme l’écrivaient les mandarins chinois au 2è siècle de l’ère chrétienne, le peuple ÄŒam était « blanc comme nous ». Les études d’ADN des populations noires actuelles ou Négritos d’Asie du Sud-Est ont montré qu’elles n’avaient pas d’ancêtres africains en dehors de ceux que toute l’humanité a en partage.
En matière de culture, on retrouve dans toute l’île la valorisation des orientations cardinales (nord, sud, est et ouest) qui expliquent l’univers et, pour les rapports avec le Ciel et l’au-delà, la même organisation du temps journalier selon le moment : rites de la vie et des ancêtres le matin, rites politiques à midi et rites concernant les morts l’après-midi – sachant qu’il faut bien distinguer les ancêtres et les morts, car l’état de mort n’est qu’un moment limité qui précède l’état d’ancêtre, lequel est définitif. Les différentes formes du famadihana correspondent aux secondes funérailles de l’Asie du Sud-Est. La circoncision n’a rien de sémitique et, pas plus que pour les aborigènes d’Australie, ne répond pas à l’explication de la culture judéo-chrétienne qui y voyait une origine abrahamique comme seule possible (Flacourt). Rituel politique à longue périodicité par son organisation et ses conséquences, la circoncision des garçons se faisait en même temps que le percement des oreilles des filles : les petits princes de la forêt devenaient alors les sujets de leur mpanjaka, roi ou prince.
Dans toute l’île aussi, les mêmes principes d’organisation hiérarchique de la société des royaumes et principautés, – principes qui n’ont pas été introduits au 16è siècle par les arabes comme la science coloniale veut encore nous le faire accroire (Françoise Raison et ses disciples) –, ont fait partie du bagage culturel des premiers Malgaches venus de l’Asie du Sud-Est. Selon les derniers acquis scientifiques en histoire maritime, palynologie et paléontologie, on peut dater sûrement le début du peuplement au 4e siècle avant l’ère chrétienne et sans doute dès le 7e siècle avant J.-C., et non pas au 10e siècle de l’ère chrétienne, comme l’affirment encore Vérin et ses disciples selon la chronologie courte enseignée à l’Ecole coloniale.
Pour avoir une attitude juste, il faut avoir des appellations justes, comme le conseillait Confucius il y a deux millénaires et demi. C’est pourquoi préliminairement il nous fallait corriger les dénominations.
Questions actuelles
L’unité de la culture malgache a été contestée par la science coloniale française et même présentée comme un « mythe » par un universitaire américain (Raymond Kent). Or, en dehors des évolutions que les populations régionales ont normalement pu mener dans le passé – car les sociétés anciennes malgaches n’étaient pas figées et condamnées à ne répéter que leur passé et dans les mêmes formes –, il faut prendre en compte les effets pervers des nouvelles conditions des deux derniers siècles. J’en retiendrai trois : la fracture religieuse dès le 19e siècle, l’urbanisation au 20e siècle récent et l’opposition Merina/Côtiers de l’époque coloniale.
1. En matière religieuse, l’action des diverses missions, protestantes et catholique, ont fracturé le pays en voulant combattre ce qu’elles appelaient la « superstition » et en faisant interdire en 1869 la religion traditionnelle par la reine Ranavalona ii. Le combat sembla gagné quand, en 1873 dans une conférence missionnaire, un futur grand pasteur malgache fit allégeance aux missionnaires en définissant ainsi les « côtiers » : « L’homme de la côte est un fétichiste étonnant, polygame comme un animal, menteur et trompeur à un point extraordinaire ; il aime les bœufs plus que sa femme et ses enfants ; s’il envie quelque chose chez un ami, il n’hésite pas à s’en prendre à la vie de celui-ci, il tuera la personne comme s’il tuait un poulet ». Une telle proclamation se passe de commentaires. Le « côtier » devenait le modèle du sauvage à civiliser et à christianiser. — Les missions contribuèrent à creuser en fracture sociale la fracture religieuse par leurs institutions d’enseignement et leurs actions éducatives en limitant au 19e siècle leurs actions sur les hautes terres centrales.
2. Selon la logique du totalitarisme colonial, la politique tribaliste de la colonie, qui avait au départ expulsé les Merina des provinces et avait voulu les parquer dans les limites de la seule Imerina, les désigna et surtout leurs andriana comme les « ennemis objectifs » de la colonisation. Elle accrut la fracture sociale créée par les missions en ne maintenant pas les écoles qu’elle avait pensé au début établir dans les provinces. Ce fut cette fracture sociale que, sur le tard dans les années 1950, elle utilisa à son profit pour donner l’Indépendance. Les conditions implicitement posées imposaient que le chef de l’Etat soit un « côtier » de religion catholique et ayant fait des études supérieures en France, les Merina étant automatiquement éliminés et plus précisément les andriana d’Imerina. Bénéficiant de ce soutien et se prétendant démographiquement majoritaires, ces bénéficiaires appelèrent en vain en 2002 l’aide française dans la guerre civile qu’ils voulaient lancer. C’était l’époque où, malgré la multiplicité des PhD américains, Condoleeza Rice pensait qu’une telle guerre était inévitable. Les événements de 2002 ont prouvé que le peuple malgache n’adhérait pas aux conceptions de ceux de ses dirigeants jouant avec un tribalisme inadapté au pays.
3. L’urbanisation accélérée. Il faut aussi noter ce phénomène récent qui contribue à déstabiliser les esprits en les coupant de leur milieu familial originel. Les jeunes qui émigrent vers les villes et s’y installent, n’ont pour la plupart pas encore été formés à la plénitude de la culture traditionnelle, tant l’apprentissage de celle-ci est lente et initiatique dans le trouble que produisent les institutions « éducatives » concurrentes : les institutions scolaires et les formations religieuses. Se trouvant seuls à résoudre des problèmes de la vie quotidienne, ils recourent alors soit aux secours des ombiasy qui comptent un certain nombre de charlatans dans leurs rangs, soit aux promesses paradisiaques que, dans certaines grandes Églises institutionnelles, prodigue un mouvement de Réveil adepte de l’exorcisme à répétition, soit encore aux promesses des multiples sectes para-chrétiennes qui leur font espérer la survenue de miracles. L’un des remèdes que proposent les experts serait le développement de l’éducation, confondant éducation et enseignement, et la copie conforme des programmes existant dans le Nord. En fait, pour ce qui est de la culture, les programmes malgaches officiels tendent soit à accentuer l’occidentalisation, soit, au pire, à former de parfaits petits néo-colonisés.
Pour réduire la fracture sociale, la colonie au lendemain de la seconde guerre mondiale avait déjà donné des bourses pour les non-Merina. La Ire République de Tsiranana en donnant des bourses et la IIe République de Ratsiraka en instituant des quotas (équipe de football, Académie Militaire, Air-Mad…) essayèrent de réduire la disparité. La boîte de Pandore était ouverte et ses résultats furent attisés du temps de l’Arema. Depuis, la revendication ethnique chez les jeunes pour arriver vite et avec le moindre effort comme chez certains politiciens pour arriver à des postes de pouvoir, demande que la naissance « côtière » l’emporte sur la compétence et l’égalité républicaine. Serait-ce là de la discrimination positive ou de l’alternative action à la malgache ?
Pour conclure, je reprendrai un texte écrit il y a un an par un de mes amis, Ndimby, éditorialiste dans la presse malgache : « Si on pose un regard qui se voudrait constructif sur l’avenir, Madagascar devra donc se reconstruire en tenant compte du processus éducatif qui permettra aux Malgaches de mieux vivre ensemble, et dépasser les erreurs et les rancœurs du passé ».
Jean-Pierre Domenichini
Vos commentaires
Certes, un peu partisan mais globalement objectif.
Voilà comment les fausses idées autour de la question caste/ethnie sont mises au grand jour lorsque les historiens, anthropologues et autres se mettent devant. Le problème chez nous est que le titre de professeur d’université sert de « décoration ». S’il y avait davantage d’universitaires et académiciens engagés, on n’aurait pas fait n’importe quoi depuis 1960. Nos universitaires sont plus connus du public comme des grévistes.
Une manière d’anéantir les fausses idées des castes/ethnies est de vulgariser les travaux de recherche des universitaires et académiciens. Pour le cas de l’histoire par exemple, reprendre impérativement l’édition de la revue Omaly sy Anio. Une fois, j’étais ravivé d’espoir de voir le chroniqueur meriniste de L’Express de Madagascar rapportant qu’il a puisé telle information dans un numéro de Omaly sy Anio. Vraiment, si on arrive à faire grande diffusion des recherches d’universitaires, ces politiciens qui prennent le peuples pour des débiles avec leur histoire de 18 ethnies et merina/côtier seront dénudés.
Vous y croyez vraiment Triton ?
Depuis 1960 dites vous !
Donc vous aussi vous faites parti de ces gens qui affirment que ces 50 ans n’ont rien ’apporté’ aux malagasy ??
Fidy,
ben oui !
à part grève et autres machins qui ne valent rien ? raconte qu’est ce que nous avons gagné en 50ans depuis tsiranana ?
En 2010, on revendique encore la liberté d’expression alors que les menalamba se sont battus pour ça.
Monsieur,
Faisons la comparaison avec seulement l’île Maurice qui n’a accédé à l’indépendance qu’en 1968. Ou de quel acquis faites vous allusion ? le Madagascar dans le peloton de la queue des tableaux de l’économie et du social !?
Monsieur,
Intéressant votre exposé. Sans aller jusqu’à dire comme Ravalomanana en son temps que je n’étais pas née à l’époque des faits exposés, sachant pertinemment qu’une vraie nation ne peut se construire sans un héritage historique commun, personnellement, ce qui m’obsède à l’heure actuelle, est le présent et le futur de la nation malgache.
Extraits de « Qu’est-ce qu’une nation ? » d’Ernest Renan.
« Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. »
En ce qui me concerne, cet héritage historique commun n’est plus à démontrer, contrairement au présent consistant au « consentement, à la volonté et au désir de vivre ensemble » qui est remis sur le tapis à chaque crise qui secoue ce pays, car le passé historique qui devrait jouer son rôle de vecteur de consolidation et de la force de la nation malgache est exploitée à des fins personnelles par certains individus des 2 bords confondus que ce soit « de la côte » ou de « l’imerina ».
C’est tellement bien orchestré qu’à l’heure où nous parlons il y a encore des épiphénomènes qui restent convaincus par exemple que la capitale leur appartient, et que les personnes des régions n’ont rien à y faire, et peut-être réciproquement dans la mentalité de certaines personnes des « côtes ».
Ce serait totalement déplacé, voire risible, de voir par exemple un parisien demander à un marseillais de rentrer chez lui à Marseille, même si le parisien ne manquera pas de gentiment se moquer de l’accent chantonnant de ce dernier.
Ce qui m’intéresse personnellement, en tant que citoyenne lambda, et accessoirement en tant que personne ayant des parents des 2 côtés (eh oui ça existe aussi) et ayant personnellement souffert de ce clivage régional, c’est de trouver la SOLUTION DURABLE, pour que chaque malgache puisse se sentir chez lui sur chaque bout de terre de ce pays béni de dieu mais incompris par son peuple.
Le problème existe, ce serait idiot de le contester, et je pense que pour le bien de ce pays, les Malgaches, doivent avoir l’audace, la franchise et l’honnêteté intellectuelle de le poser et de le mettre sur le tapis, les yeux dans les yeux, pour un débat serein et dans le respect mutuel de chaque sensibilité régionale, ou quelque soit le nom qu’on en donnera.
Il faut avoir le courage de dénoncer l’hypocrisie qui se cache derrière ces notions de « côtiers », ou de « tananariviens » si on veut vraiment éradiquer les démons du passé et si l’on souhaite fonder une nation avec une base solide qui sera acceptée par tous les enfants de ce pays. C’est une condition sine qua non pour qu’une Vraie NATION puisse naitre et perdurer, sur le principe même de la richesse des diversités régionales.
« Mettons en commun ce que nous avons de meilleur, et enrichissons nous de nos mutuelles différences » disait Paul Valéry.
Beaucoup de personnalités malgaches bien pensantes estiment aujourd’hui que le projet de constitution bidonné à la vitesse TGV ne peut être acceptable, car sans rentrer dans les détails de ses nombreuses incohérences et de ses nombreuses contradictions, ce projet serait loin de correspondre à l’attente et au désir de la majorité de la population malgache qui rêve de faire d’une Constitution la base de la fondation d’une nation solide et fière de ses différences pour un « vivre ensemble » harmonieux et respectueux de chaque malgache et de tout malgache.
Ces mêmes personnes prévoient par ailleurs que loin de préserver Madagascar des futurs troubles, ce projet de constitution va au contraire en faire le lit dans un futur proche.
Et vous Monsieur, qu’est ce que vous en pensez en tant que historien amoureux de Madagascar et de son peuple ? Pensez-vous sincèrement et honnêtement que ce projet de constitution pourrait contribuer à convaincre les Malgaches et de faire du peuple malgache « Des populations régionales mais un seul peuple » ?
Sissi
Sissi,
Ce projet de Constitution n’a rien de différent de ceux qui l’ont précédé. Peut-être même qu’il faudrait se préparer aux pires à l’avenir : oui, dans les mêmes conditions les mêmes causes produisent les même effets. Il est prétentieux d’avancer des solutions mais, en effet l’un de nos chances de salut se trouve dans l’investissement dans l’éducation. Et l’autre : renouveler la classe dirigeante. Mais comment se débarrasser d’eux ? il y a parmi eux des gens qui étaient dans le giron du pouvoir depuis Tsiranana.
Triton,
Je ne peux qu’abonder dans votre sens en ce qui concerne l’éducation. Hier, justement j’ai eu des échanges avec Vuze sur le sujet.
Je suis convaincue que la prise de conscience directe des gens des régions est nécessaire sinon vitale à tout épanouissement economique, social et culturel. Et pour éviter que les même causes ne produisent les mêmes effets, une Constitution fiable et qui favorise cet épanouissement est souhaitée par une grande majorité de Malgaches qui refusent d’être pris en otage par ces crises cycliques, en rejetant en bloc ce projet. Mais personne ne désire non plus entrer dans le gros piège HATif en participant à une propagande du NON, qui signifierait donner une quelconque importance, ou un quelconque crédit à ce référendum.
Quant à nos « vieux », Triton, je ne vois qu’une solution : les tuer tous. Je ne veux pas dire par là que nous devons agir comme Brutus vis à vis de César, mais je pense que les jeunes et les moins jeunes doivent agir et tuer la philosophie rétrograde des anciens, en apportant une philosophie innovante dans les actions et dans la manière de pensée. Mais comme vous dites ce n’est certainement pas sur un forum qu’on peut développer et apporter tous les détails utiles pour cela. Sissi
"L’un des remèdes que proposent les experts serait le développement de l’éducation, confondant éducation et enseignement, et la copie conforme des programmes existant dans le Nord. En fait, pour ce qui est de la culture, les programmes malgaches officiels tendent soit à accentuer l’occidentalisation, soit, au pire, à former de parfaits petits néo-colonisés.
Il a fallu donc un anthropologue … français pour nous faire le constat qu’une des causes directes ou indirectes de notre léthargie depuis 50 ans est ce problème d’éducation copié/collé du système éducatif occidental (valable aussi pour toute l’afrique francophone). Cela a permis de produire deux POPULATIONS : une minorité d’intellectuels aux « mains incapables » qui ont raflé presque toutes les richesses et une majorité dont la plupart ont été exclues très tôt de ce système scolaire car soit ils n’avaient pas les moyens, soit ils ne trouvaient pas leurs intérêts à travers le seul objectif du système éducatif = obtenir un diplôme ( imaginez des millions d’enfants de paysans contraints d’obtenir aussi le baccalauréat !!!)
Vous avez dit : des populations régionales mais un seul peuple. Quant à moi, je dirai plutôt : à des populations régionales, des éducations régionales collées prioritairement aux réalités socio-culturo-économico-environnementales et dont la finalité commune est LE DEVELOPPEMENT , pour paraphraser le vieux dicton : « Tous les chemins mènent à Rome »
Je vous respecte monsieur Domenichini pour les efforts que vous deployez pour rendre « plus claire » l’histoire du peuple malgache.
Mais j’avoue que des fois vos assertions sur l’histoire nationale justement me parait ahurissantes. Car il ne faut pas oublier que rien jusqu’à maintenant n’est clair sur cette histoire avant l’arrivée des Portugais chez nous. A part des supputations comme vous faites rien de solides n’est lisibles dans notre histoire officielle. Vous avez tendance à confondre histoire de la Nation malgache et histoire du peuple merina.
Ou bien vous n’êtes pas serieux ou vous poursuivez des objectifs sombres et dangereux pour l’avenir de Madagascar. L’histoire est sacré. Ce n’est pas correcte de votre part d’induire en erreur le peuple malgache.
Sur quelle base pouvez-vous avancer que les malgaches étaient déjà sur l’île en ces quelques siècles avant notre ère ?
D’où tenez-vous que c’est seulement près l’arrivée de Gallieni que les Malgaches s’entretuaient ? Et les guerres interminables entre Bara et Tandroy du temps d’Andrianjomà, qu’en pensez-vous ? Et les guerres d’exterminations des Zafiraminia sur la côte Est par les Antemoro et Antesaka ? Et ne parlons pas des massacres des Betsileo par l’armée de Radama à Ifandana ?
Vous semblez ignorez ce qui n’est pas écrit dans le « Tantaran’andriana ».
Loin de moi l’idée de vouloir vous contredire par plaisir, mais je suis moi-même ancien instituteur merina qui ai circulé beaucoup sue cette terre malgache. Et il me semble que beaucoup de torts ont étés faits sur cette terre et son peuple. Et des gens comme vous qui manipulez sciemment l’histoire est aussi bien fautifs que les colonisateurs comme les Lyautey et les Duchesnes.
Savez-vous combien de groupes communautaires sur ce qui existent à Madagascar pratiquent le « famadihana » pour parler de ce rite comme une pratique nationale commune à tous. En entendez-vous parler en Anosy ? Androy ? Mahafale ?....
Vous voulez faire croire à nos pauvres concitoyens de la brousse que les ancêtres malgaches, quelque soit le teint de leur peau( du sombre foncé au clair) n’ont croisé des africains que les esclaves mozambicains. Le fameux « masombiky ». Avez-vous déjà defendu cette brillante thèse devant des tribunes internationales ?
Je suis un pauvre malgache qui veut s’accrocher à une éventuelle passée glorieuse de ses ancêtres. Mais pas au prix d’affirmations fantaisistes d’ universitaires aux visées incompréhensibles.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas réagit sur les articles paru dans Tribune Madagascar en ligne. Mais cette fois ci, je ne peux pas m’empêcher de vous féliciter et de vous remercier sincerement. Enfin ! Enfin quelqu’un qui dit vraîment LA VERITE. On ne peut pas avancer sans connaître notre histoire, les malgaches sont UN seul peuple, il n’y a pas de « haut plateaux » ni de « côtiers ».
Merci encore Tribune.
Merci Mr Domenichini pour votre travail.
Votre travail donne une autre vision sur l’histoire du peuplement de Madagascar et sur les conflits de pouvoir entre les différents « groupes régionaux » qui composent ce pays.
1- Population originelle de Madagascar : bantous venant d’Afrique, malais (austronésiens) venant du Sud est Asiatique.
Vous n’avez pas mentionné la venue des arabes, des chinois, des européens et des indiens avant la colonisation (1889), pendant la colonisation et les INNOMBRABLES METIS.
Les ancetres de ces derniers immigrants ont grandi a Madagascar, beaucoup se sont CROISÉS entre eux et avec la population originelle.
Pour moi, ce sont des malgaches ... des citoyens malgaches ...
2- Développement régional :
Les malgaches savent qu’ils sont les fruits d’un long processus de métissage : métissage de la culture, métissage tout court des personnes pour certains.
Les malgaches savent également que Madagascar est tres grand, qu’il n’y a pas assez d’échanges entre les citoyens a cause de l’enclavement (peu de routes reliant toute l’ile, couts des voyages élevés) et a cause des incompréhensions linguistiques (le dialecte de l’Antandroy n’est pas tres bien compris par le Merina).
Les 50 années de républiques n’ont pas apporté l’épanouissement a la majorité des malgaches.
Les 50 ans de centralisme du pouvoir ont paupérisé les régions périphériques.
Actuellement, les malgaches, tout en voulant respecter le fihavanana (respect mutuel entre malgache), veulent un développement initié par les régions. Ils ne croient plus a la MAGIE de l’Etat Central.
Ce projet de constitution, qui donne A PRIORI de larges pouvoirs aux provinces autonomes, pourrait donner cette chance aux régions ;
Il n’est pas parfait. Je l’admet. Il faut l’améliorer avant de le soumettre a référendum.
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En ce qui concerne le référendum proprement dit :
Je dis, il faut le reporter. Il faut d’abord regler les questions essentielles (accords politiques sur la gestion de la transition, accords sur les préparatifs des consultations populaires, conférence nationale bis s’il le faut).
Merci
Signé fiadanana = mg slalom.
C’est passionnant de lire et relire tous ces historiens et anthropologues,mais pour MOI,il n’y a pas d’importance pour me plonger dedans.
L’important,c’est la vie quotidienne du PEUPLE MALGACHE,composé de 18 ou 21 ethnies.
Un pays riche avec la « pauvreté » d’une majorité de la POPULATION.
Basile RAMAHEFARISOA
b.ramahefarisoa@gmail.com
Je ne suis pas d’accord avec Basile car c’est important de savoir QUI SOMMES-NOUS et D’OU ON VIENT pour mieux définir où ON VA !!!!