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Tribune libre

Lettre ouverte

De la légitimité et de la reconnaissance de la Communauté Internationale (CI)

jeudi 23 juillet 2009 | Georges Rabehevitra

Prenons l’exemple de la Mauritanie. Le 06 août 2008, un Général organise un putsch et prend le pouvoir (par les armes) en renversant le Président « démocratiquement élu ». Je mets entre guillemets car je n’arrive pas à croire un seul instant qu’une élection dans un pays comme la Mauritanie, Irak, Iran, Afghanistan, Madagascar,…. puisse être réellement « démocratique », mais c’est un autre débat.

La CI s’indigne, avec tout le tralala que l’on connaît maintenant. Avec sa pression (si on appelle un chat un chat, cela s’appelle un chantage aux aides) pour un retour « l’ordre constitutionnel », les élections sont organisées à la hâte et par le même pouvoir putschiste, pourtant non reconnu. Si vous comprenez bien, on demande à un pouvoir non reconnu d’organiser une élection. C’est du genre je ne vous reconnais pas mais je vous demande quand même officiellement de faire ça et ça.

20 juillet 2009, les mauritaniens vont aller voter pour élire leur Président et le gagnant est sans surprise le Général putschiste !!!

Dorénavant, la CI va reconnaître le nouveau pouvoir (ancien putschiste non reconnu) et commencer à conclure des relations « normales » avec le pays. Je vous passe les communiqués laconiques de tous les bailleurs de fonds de ce pays (les mêmes que pour tous les pays pauvres), du genre « en règles générales, les élections se sont bien passées ». Je ne mets pas en doute la sincérité de tels avis mais, connaissant un petit peu la Mauritanie, je doute fort de la capacité de contrôle des votes dans les villages de pêcheurs le long de la côte atlantique, ou les villages de Touareg dans le désert du Sahara, sans parler de la liste électorale dans un pays où le taux d’analphabétisme est important.

La Mauritanie va pouvoir bientôt bénéficier des aides internationales. La boucle est bouclée jusqu’au prochain putsch !!!

La leçon de l’histoire pour moi c’est que dorénavant, n’importe quel quidam peut faire la même chose car la recette est simple :

1. le pouvoir dérive dans tous les sens
2. le peuple en a marre et vous en profitez pour organiser un coup d’Etat
3. la CI bloque les aides et demande le retour rapide à l’ordre constitutionnel
4. vous laissez vociférer la CI et faites semblant de tenir compte de ses remarques
5. vous préparez dans votre coin des élections qui vous donnent à coup sûr la victoire
6. vous êtes élu et la CI publie ses communiqués sur le retour à l’ordre constitutionnel
7. les aides de la CI sont de nouveau débloquées

Entre les points 2 et 6, les dégâts économiques et sociaux sont considérables et renvoie le pays 5 ans en arrière. De toute façon, ce sont toujours les pauvres gens (c-à-d 95% de la population pour la Mauritanie ou Madagascar) qui paient au prix fort la note !!!

Vous recommencez l’opération 1 à 6 tous les 5 ans

Résultats (pour ceux qui sont forts en maths) : le pays fait du sur place et pour l’éternité Je donne la solution pour ceux qui sont faibles en maths : on avance de 5ans et on recule de 5ans, ce qui fait que 5 moins 5 égale 0 (zéro) !

Normalement cela s’appelle une damnation ou alors le mouvement perpétuel !!!

Bon j’écris pour le plaisir d’écrire mais je ne suis pas sûr que les concernés se sentent visés et qu’ils voient à peu près le sens de ce que je veux dire. Je précise quand même :

§ tout tenant du pouvoir (politiciens en tous genres) doit toujours faire attention et faire tout pour éviter des mécontentements qui peuvent déboucher sur un putsch (pro Ravalomanana, pro RaTsiraka)
- avant d’en arriver au putsch, tout contestataire doit savoir que cela ne fera que faire revenir en arrière (jusqu’au boutiste pro Rajoelina)
- la CI ferait mieux de prévenir que de guérir. Cela ne sert pas à grand-chose de mettre des millions de dollars dans des routes ou ponts, si les institutions d’un pays ne fonctionnent pas correctement, notamment en qui concerne les garde-fous comme la justice, la presse, les administrations, l’éducation… (UE, France,….)
- La CI est toujours écartelée entre son désir de ne pas s’ingérer à priori, tout en s’ingérant à postériori sous forme de chantage aux aides (prévenir ou guérir ?)
- In fine, c’est toujours le peuple qui trinque dans toutes ces conneries

Il faudrait éduquer le peuple et lui expliquer que son rôle est important dans une vraie démocratie. Bon c’est difficile car ventre affamé n’a point d’oreilles. En malgache on dirait : « rehefa noana ny kibo, mivezivezy ny fanahy », que je traduis librement par : quand le ventre a faim, l’esprit se ballade.

Au fait, je propose gratuitement un sujet de mémoire intéressant pour les étudiants de sciences po de 4è année, option droit international ou droit européen : « comment exercer ses fonctions d’ambassadeur, dans un pays où les autorités ne sont pas reconnues par la CI (UE), donc par son propre pays, et sans avoir jamais présenté de lettre de créances à qui que ce soit ? Le cas de l’Ambassadeur de France à Madagascar’’.

Quand je vous dis que l’on n’est pas sorti de l’auberge !!!

7 commentaires

Vos commentaires

  • 23 juillet 2009 à 10:22 | Jeanmi (#838)

    Bon exemple, mais quelques remarques s’imposent :

    Sur le point 1 : « le pouvoir part dans tous les sens ».
    Pour quelle(s) raisons en serait-il ainsi ? Cela signifie t-il qu’en Mauritanie aussi bien qu’à Madagascar, il n’y a jamais eu et n’y aura jamais de véritable « Chef d’Etat » ? Au nom de quelle malédiction ?

    Sur le point 5 : « on prépare dans son coin des élections qu’on est sûr de remporter ».
    Evidemment puisque le point 1 stipule que le pouvoir putchiste est par nature défaillant !

    Ce cercle vicieux ne demande qu’à être rompu.
    Aucune démocratie ne s’est faite en un jour.
    Mais à Madagascar, c’est pour quand, car ça urge ?

    Cette fois-ci ?

    Le démarrage est pour le moins difficile, mais reconnaissons que les résistances dites « légalistes » et les autres « chevaux de retour » ne facilitent pas les choses.

    Cela va changer quoi de passer de Addis Abeba à Maputo, à part le prix des billets d’avion.

    Si encore une fois les interlocuteurs invités sont les mêmes...
    C’est le retour à la case départ assuré, et pendant ce temps, le temps perdu passe...

    Qui en profite ? Qui a intérêt à faire durer cet état de non gouvernance ?

    Je n’ai entendu aucune explication crédible.

    Et quand des voix apparemment « raisonnables » s’élèvent, elles sont immédiatement baillonnées par des torrents de réactions contradictoires frôlant souvent l’hystérie.

    Manifestement, ce n’est pas le web qui fera se dénouer cet imbroglio si désastreux pour les plus démunis.

  • 23 juillet 2009 à 10:32 | dédé (#2906)

    Bonjour !
    Je suis tout à fait d’accord avec vous sauf sur un point sur lequel je voudrais éclaircir : Je ne connais pas vraiment le cas de la Mauritanie mais Marc Ravalomanana a bel et bien été élu démocratiquement, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Union européenne le soutient jusqu’à maintenant. Le peuple malgache s’est vraiment battu durant ces années pour que ces dernières élections se fassent dans la légalité. Tous les pays d’Afrique nous enviaient car nous (le peuple malgache) avions choisi notre Président pacifiquement et démocratiquement. Je vous rappelle que durant le régime de Ravalomanana, le taux de l’Ariary avait fortement augmenté. C’est une preuve irréfutable de développement !

    • 23 juillet 2009 à 13:51 | fenometal (#2927) répond à dédé

      salut dédé !
      Je partage ton idée sur le fait que Ravalomanana etait réellement elu democratiquement, fait que je suis d’accord avec toi entièrement.

      Mais concernant le taux de l’Ariary :« Je vous rappelle que durant le régime de Ravalomanana, le taux de l’Ariary avait fortement augmenté. » Que est ce que tu veux dire par « fortement augmenté » ? le fait que l’euro passe de 6500 Fmg à 15000 fmg durant les periodes de detaxatons ? c’est ça que tu veux dire par « Développement ? »

    • 25 juillet 2009 à 20:48 | Joseph (#2102) répond à dédé

      Absolument faux, l’Europe ne défend pas Ravalomanana « parce qu’il aurait été élu démocratiquement », mais uniquement parce qu’il est un ultra-libéral et jouait le jeu de la privatisation à outrance, du maintien des contrats avantageux pour les multinationales.

      Vous avez trop de naïveté, Dédé !

      Voulez vous que je vous rappelle la liste des chefs d’états démocratiquement élus mais qui se sont opposés à la néo-colonisation et au jeu pervers des multinationales occidentales, qui ont été très vite assassinés ?

      Pour ne pas chercher loin, Thomas Sankara au Burkina Fasso, le pays qui voulait des hommes intègres ou Ali Soihili aux Comores, savez vous qui les a fait tuer, par hommes de paille ou mercenaires interposés ?

      Non, vraiment, aller dire que l’Europe, annexe ultralibérale des Etats-Unis, qui pille l’économie du Monde (avec la Chine), soutient Ravalo parce qu’il aurait été élu « démocratiquement », c’est ignorer totalement la nature mafieuse des régimes dits « démocratiques » occidentaux.

      Tant que des gens analyseront l’état du monde aussi naïvement que vous, et vous êtes des millions, le Capitalisme sauvage pourra piller le monde en toute quiétude avec votre bénédiction.

  • 23 juillet 2009 à 11:02 | meloky (#637)

    All analysis can be fair so far, but I have always blamed lera8 by his cowardliness of escape just for a simple problem. Cowardliness in solving the problem by not allowing the oppositions to take greater role with his government ! Such attitude did not deserve to be a leader in a situation like Madagascar where inclusion of all parties are required. Now, the IC has to change its view because of the imminent acts of terrorism that some opposition are duly engaged on. The Malagasy people as businesses need at least period of peace and tranquility in digesting and looking seriously the near future that will be faced on election. Since we do not afford to fall in same mistake of rushing election, and later on returning in the vicious circle of crisis.
    The IC must come down to earth and accept the ultimate needs of the people and why not the political parties that think more to the care and the development of the country not to the sharp needs of their flying diplomacy and worries of repeating cases among many unstable and oppressed countries of Africa !!!. We can see how suffering some people and citizens in many African countries but if the kind of policy to protect those dinosaurs and selfish leaders among African countries is still backed by the international C ; because in that they can push their interests, I think the poor and impoverished populations usually suffer the consequences !
    So this has to be thoroughly looked upon vis-a-vis the case of Madagascar !!!
    In saying that the recognition of the IC is not only their own task to trace it immediately, but has to be done as soon as it could be.

    • 25 juillet 2009 à 22:51 | Joseph (#2102) répond à meloky

      I agree with you Meloky, but the IC has no ears and no voice to communicate with Malagazy People’s entities, except Ravalo’s mouvance (as they say).

      They only treat with him in secret under the table and only after, come on the International Casino to play a role constructed before with their beloved agent.

      I do believe that this Bad Comedy is planed only for the coming back of their « outsider ». If they win, People loose. If People wins, they loose.

      It’s obviously a manicheist point of view, but it’s the only one I can believe, wide opening my eyes after 58 years of acute observation of International affairs.

      Yes, it’s a very sad opinion about International Community but sadly realistic, I know !

  • 23 juillet 2009 à 16:29 | da fily (#2745)

    Georges, vous avez vu juste.

    Précedemment, j’avais déja alerter l’opinion sur cette sempiternelle position de la CI sur toutes les situation conflictuelles.

    La CI est régit par les pays les plus importants économiquement. Son principal objectif est l’économie, plus précisément, la bonne marche de l’économie mondiale.
    Elle se veut l’observatrice privilégiée des options et fluctuations des marchés.
    En aucun cas, on ne peut compter sur son intervention, car se barricadant derrière le droit d’ingérence, elle ne peut qu’émettre un avis, c’est bien discutable, mais c’est la vérité.

    Les exemples antérieurs de son inéfficacité à agir sont légion, les peuples qui ont attendu son intervention dans les conflits meurtriers sont nombreux et désabusés.
    Il faut une véritable guerre déclarée pour que les Nations Unies se mettent en branle et décident d’une résolution adaptée, qui sera soumise encore à l’approbation du plus grand nombre.

    Dans notre cas de figure, nous sommes juste un énième pays en crise, dont les soubresauts ne sont même pas perçus par la CI et son inertie à entreprendre est de notoriété mondiale.

    Quelles que soient les crises qui se sont produites en Mauritanie, au Rwanda, en Somalie, au Bangladesh ou en Osétie du sud, n’attendons rien de cet arbitrage de façade que veut promouvoir la CI (Communauté Inéfficace), si ce n’est quelques gesticulations et remontrances de circonstance qui chercheront toujours justifications auprés de juristes et politologues de tous poils.

    Il faudrait vraiment tomber dans l’horreur des épurations et autres nettoyages ethniques pour émouvoir les dirigeants de la CI. L’appui des médias dans ces cas de figures, ne sont là que pour émouvoir la masse et justifier une décision politique, quelqu’elle soit.

    Mesdames, messieurs, s’il est douloureux de comprendre ce constat, nous devons apprendre à nous sortir de l’ornière tout seul.
    Les diverses expériences passées dans divers pays, ont démontré que seule la capacité d’un pays à s’en sortir ou à s’en donner les moyens, peut peser dans la bénédiction que pourrait accorder la CI.

    Alors, cette reconnaissance est-elle toujours souhaitable ?
    Oui, car être au ban, ne serait-ce que provisoirement, n’est jamais bénéfique.
    Quant aux bien fondés des critères que la CI demandent et sa duplicité dans son action concrète, je vous laisse seul juge de la manière et du fond.

    Petite contribution d’un petit malagasy perdu dans ce vaste monde impitoyable.

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