Davantage de doute que d’assurance

Le président de la Haute autorité de transition (HAT), Andry Rajoelina, a défrayé les chroniques sur le web et surpris l’opinion ce mercredi soir du 12 mai 2010. Annoncé pour 20h, il n’est apparu à l’écran que près d’une demi heure après. Le doute sur un lapin ou un « poisson de mai » a déjà plané dans les salons et les studios, notamment de la radio nationale qui n’a cessé de faire patienter les auditeurs dans les ex-faritany.

Outre la décision de ne pas se présenter aux élections présidentielles qu’il va organiser au mois de novembre 2010, l’autre point fort de son allocution est la feuille de route ou le calendrier qu’il s’est donné. Sinon les autres propos ne sont que des argumentaires pour faire passer la pilule et le message. Déjà en baisse dans l’opinion, il a décidé de ne pas se présenter aux élections car il sait déjà qu’il va les perdre. Dès lors il faut présenter cette « capitulation » autrement en maquillant et en redorant son image qu’il a dessiné lui-même. Pour mettre fin au martyr ou aux souffrances du peuple, il sacrifie son souhait de devenir président de la République ; et ce contrairement aux autres anciens présidents qui ne pensent qu’à leurs propres intérêts. Si ces « anciens », dont le président de la République déchu, Marc Ravalomanana, s’acharnent jusqu’à aujourd’hui encore, selon les insinuations de Andry Rajoelina, à revenir à la tête du pays, c’est pour pouvoir appauvrir encore la population et s’enrichir sur son dos. Ce qui n’est pas le propre d’un véritable « homme d’Etat », dont il incarne la personnalité en prenant des décisions osées telle qu’il vient de prendre pour sauver la population et conduire le pays vers une autre destination qu’est la 4e République. C’est à peine s’il n’a pas dit, qu’il est le « messie ».

L’autre point fort de sa déclaration et qui conforte ses non-dits de messie, c’est lorsqu’il s’étale sur les 50 ans de déception, de mauvaise gestion, de pauvreté ou de paupérisation endurés par le peuple sous ses « prédécesseurs ». Aujourd’hui, avec le Premier ministre, le général Camille Vital, Andry Rajoelina va faire table rase de tous ces malheurs et pleurs de ce peuple qu’il veut conduire au « paradis ». Qualifiant les dirigeants qui l’ont précédé de tous les maux et de n’avoir rien fait de bons pour le peuple, il lui promet au lieu de l’enfer de ces 14 derniers mois, un avenir paradisiaque. Ce qui ne plaît guère aux enfants de la 1ere République et encore moins aux hauts responsables de la 2e République qui ont révisé les accords d’aliénation avec la France et ouvert le pays aux autres horizons tout en démocratisant l’enseignement, jusqu’à l’Enseignement supérieur.

C’est à peine si le président de la Haute autorité de transition (HAT), dans son procès contre les régimes précédents, n’a pas renié toute l’histoire du pays et de son peuple. Il a oublié qu’au moins une partie de ces 50 ans de République était fait de coopération avec la France, l’Europe, la Francophonie, les bailleurs de fonds traditionnels ; c’est sous Didier Ratsiraka que la Chine, puis sous Marc Ravalomanana que les Etats-Unis, ont pu coopérer avec les Malgaches. L’Afrique dans tout cela ? Elle est toujours sous la coupe des multinationales pétrolières françaises si on a bien visionné le film diffusé tard dans la nuit du 12 mai sur TVM, à propos de Elf et du procureur Eva Joly. Est-ce là la FrançAfrique ?

En tout cas, seulement quelques heures après la déclaration de Andry Rajoelina à la TVM, le Secrétariat d’Etat français à la Coopération, se félicite de la décision du président de la HAT et réitère son appui pour ce « retour à un ordre constitutionnel ». La Francophonie par son Secrétaire général, elle aussi, le félicite si des observateurs proches du régime de la HAT qualifie la décision de Andry Rajoelina d’inédite.

Pour d’autres observateurs, dont une partie non négligeable de la société civile et des corps de l’Etat, la question qui les taquinent est le crédit que l’on peut accorder à cette déclaration de Andry Rajoelina. Tellement l’homme change d’avis et revient-il sur ses déclarations et décisions sans le moindre problème, qu’il suscite beaucoup de doute. Il a été très fier de déclarer en son temps qu’il a proposé et fait adopter une Charte des Valeurs à Maputo mais quelques semaines après, il renie autant « sa Charte des Valeurs » que « sa signature ». Il a fait passer par tous les moyens au « Teny Ifampierana » d’Ivato la résolution en faveur de l’Assemblée constituante mais aujourd’hui, il roule pour un référendum constitutionnel. Il a envoyé au devant du Palais d’Ambohitsorohitra, « son Premier ministre » mais le congédie pour un accord qu’il rejettera plus tard. Qu’est-ce à dire sinon l’inconstance pour ne pas dire l’inconscience ? pour ne pas dire l’incompétence ?