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Editorial

Coups d’État, élections et sauveurs étrangers

lundi 1er août 2011

En prolongement de réflexions récentes sur les sanctions internationales et de l’extrait précédent déjà paru fin Juin, nous vous proposons aujourd’hui un texte tiré de l’essai de Gene Sharp, « De la dictature à la démocratie ».

Merci à la Fondation Albert Einstein pour son aimable autorisation de reproduction.

Un coup d’État militaire contre une dictature peut paraître un des moyens les plus faciles et rapides d’éliminer un régime corrompu. Néanmoins, cette option pose de graves problèmes. Le plus important est qu’elle laisse en place une mauvaise distribution du pouvoir entre la population, l’élite au pouvoir et la force militaire. Le renvoi de certaines personnes et cliques des postes gouvernementaux facilitera tout simplement l’occupation de ces postes par d’autres personnes. Celles-ci auront peut-être un comportement plus tempéré et seront éventuellement plus ouverts à des réformes démocratiques, mais ils peuvent aussi, à l’inverse, être plus corrompus que ceux dont ils prennent la place.

Après avoir consolidé sa position, la nouvelle clique peut se révéler plus impitoyable et plus ambitieuse que la précédente. Ainsi, malgré les espoirs qu’elle apportait, elle sera libre de faire ce qu’elle veut sans se préoccuper de démocratie ou de droits humains. Cela ne peut donc pas être une réponse acceptable au problème de la dictature.

Quant aux élections, il n’en est pas question sous une dictature : elles ne sont pas un instrument efficace de changement politique. Certains régimes dictatoriaux, comme ceux du bloc de l’Est sous contrôle soviétique, firent des parodies d’élections pour paraître démocratiques. Elles ne furent que des plébiscites rigoureusement contrôlés pour faire entériner par le public des choix de candidats déjà tranchés par les despotes. Des dictateurs sous pression peuvent parfois accepter de nouvelles élections, mais en les truquant pour mettre en place leurs marionnettes civiles au gouvernement. Si des candidats de l’opposition ont eu le droit de se présenter et furent réellement élus, comme en Birmanie en 1990 et au Nigeria en 1993, les résultats furent simplement ignorés et les « vainqueurs » soumis à l’intimidation, arrêtés ou même exécutés. Les dictateurs ne vont pas se permettre d’organiser des élections qui pourraient les chasser de leur trône.

Beaucoup de gens souffrant actuellement d’une dictature brutale, ou qui se sont exilés pour y échapper, ne croient pas que les opprimés puissent se libérer eux-mêmes. Mais ils pensent que leur peuple ne peut être sauvé que par l’intervention de tiers. Ils placent leur confiance en des forces extérieures et croient que seule l’aide internationale peut être assez puissante pour renverser les dictateurs.

Cette idée selon laquelle les opprimés sont incapables d’agir efficacement est parfois exacte pour une certaine période. Souvent les peuples opprimés manquent de volonté et sont temporairement incapables de lutter, car ils n’ont aucune confiance en leur capacité de faire face à une dictature brutale et ne voient aucun moyen de s’en sortir. On comprend donc qu’ils placent leurs espoirs de libération en des entités tierces, en une force extérieure qui peut être « l’opinion publique », les Nations Unies, un autre pays, ou encore des sanctions économiques et politiques internationales.

Une telle vision est confortable, mais elle pose de sérieux problèmes. Cette confiance accordée à une puissance extérieure peut être très mal placée. Le plus souvent aucun sauveur étranger ne se présente, et si l’un d’eux le fait, on ne devrait probablement pas lui faire confiance.

Car de dures réalités sont à considérer avant de s’en remettre à une intervention étrangère :

- Fréquemment, les puissances étrangères tolèrent et même soutiennent une dictature afin de faire avancer leur propre intérêt économique et politique.

- Certains iront jusqu’à trahir le peuple opprimé plutôt que de tenir leur promesse d’aider à sa libération, cela afin de poursuivre un autre objectif.

- D’autres agiront contre la dictature pour mieux maîtriser le pays aux plans économiques, politiques ou militaires.

- Les puissances étrangères s’investissent parfois de manière positive pour le peuple opprimé, mais seulement si le mouvement intérieur de résistance a déjà ébranlé la dictature au point d’attirer l’attention internationale sur la nature brutale du régime.

Les dictatures existent principalement à cause de l’insuffisante répartition du pouvoir dans le pays lui-même. La population et la société sont trop faibles pour poser des problèmes sérieux au pouvoir dictatorial, la richesse et le pouvoir sont concentrés en trop peu de mains. La survie des dictatures dépend principalement de facteurs internes, même si elles peuvent être renforcées ou affaiblies par des actions internationales.

Ces pressions internationales peuvent être utiles lorsqu’elles soutiennent un puissant mouvement intérieur de résistance. Ainsi, les boycotts économiques internationaux, les embargos, la rupture des relations économiques, l’expulsion des organisations internationales, ou la condamnation par les Nations Unies, par exemple, peuvent être utiles. Mais en l’absence d’un fort mouvement intérieur de résistance, de telles actions ne risquent guère d’être entreprises.

Gene Sharp

15 commentaires

Vos commentaires

  • 1er août 2011 à 09:02 | rakotopitazana (#4820)

    Rien à redire !

    Ou si !!! On serait tenté de dire :« toute ressemblance à des personnes ou à des faits qui existent ne sont que fortuites et le fruit du hasard »

    • 2 août 2011 à 02:36 | NY OMALY NO MIVERINA (#1059) répond à rakotopitazana

      Pas besoin d’un coup d’Etat pour un Gouvernement provisoire ! C’est absurde et inutile ! Et quels perte de temps et gaspillage !!!

      A propos des « sauveurs étrangers », qu’ils nous aident franchement et en totalité pour 4 ou 5 élections au lieu de contribuer avec parcimonie. Une bonne fois pour toute au lieu de voyager et visiter tous les grands hôtels et « accessoires » (...) d’Afrique.
      Cà reviendrait moins cher et quel gain de temps !

      4 ou 5 élections pour soulager le « Vahoaka » (peuple) qui n’a comme souci que satisfaire le minimum de leurs besoins primaires...
      4 OU 5 élections pour épargner nos politiciens de s’étriper sans pudeur, sans respect, ...
      Ravalomanana, qu’a t’il fait de ses voeux de nouvel an ?
      ...
      Autrement, on ne fait pas de la mayonnaise avec seulement le « Magro Behoririka ». ll faut d’autres ingrédients... Sinon, on va transformer la mayonnaise en vinaigrette avec un filet de citron et quelques feuilles de persil... si on en a !!!

      Les recettes de cuisine, comme la mayonnaise, c’est pas mal comme image de la vie, de la relation sociale et de la politique ! Moi, j’aime bien manger, gourmet et non gourmand !
      C’est bon à savoir les mets ou plats préférés de Ratsiraka, Zafy, Ravalomanana, Rajoelina et autres ... pour nous aider à déterminer leurs personnalité ...

      A la prochaine, je vous livrerai ma recette du « variaminanana » et ses garnitures... Comme une bonne recette politique de bonne composition ! Cà passe partout comme le « lokisoa » !

      Mazotoa omana, tompoko !

  • 1er août 2011 à 09:15 | da fily (#2745)

    Admettons que ce soit proprement le cas...we know.

    Fà efa noresahina teto io article io, shhhh...tsy misy fiovana izy izany, ny omaly ihany no avadibadika.

    Lany « sujet » ve i M-T sa lasa niala sasatra aby ny mpanoratra ?

    Aizôôô ? (hoy Bodo izay rehefa mangingina ny ako)

    • 1er août 2011 à 09:56 | niry (#210) répond à da fily

      Bonjour,

      C’est aussi mon sentiment : cet article enfonce des portes ouvertes. Exemple de cas actuels purement fortuits (lol) : la France et la Lybie, la France et la Cote d’Ivoire, la Tunisie, le cas malgache, l’Egypte. Tout rentre parfaitement dans ce long inventaire.

      Son seul avantage, c’est de dire clairement que si la mayonnaise ne prend pas, c’est uniquement parce que les ingrédients n’arrivent pas à atteindre une masse critique et se mettre ensemble ; et qu’au meilleur des cas, si la mayonnaise prend, on court le risque qu’elle soit de très mauvais gout.. pire que la recette précédente. Ah ! et aussi qu’il est inutile d’ajouter d’autres ingrédients extérieurs ......

      Resultat : papier occidental à mettre à la poubelle ! Madagascar a déjà prouvé maintes et maintes fois qu’elle n’était pas formatable dans une sorte de fausse bonne théorie. (Au grand dam des analystes, d’ailleurs)

    • 1er août 2011 à 10:44 | da fily (#2745) répond à niry

      niry, pour une note plus gustative banale et pourtant par essence compliquée ;

      - la mayonnaise est le résultat d’un mélagne de deux matières à priori non miscibles, à l’instar de la vinaigrette ou du goudron pour les routes : d’un côté de la matière grasse(plus légère : huile, oeuf, bitume...) et de l’autre une matière neutre (plus lourde : vinaigre, eau...). On appelle ça une émulsion, dont la réussite réside dans un un battage régulier et constant tout en respectant une certaine température afin de produire le bon amalgamme des ingrédients différents dont l’homogénéité lui procurera de surcroît un accroissement de son volume.

      Niry vous avez mis dans le mille : nous sommes vraiment très loin d’une quelconque mayonnaise réussie et produite dans les règles de l’art, car d’homogénéité point, et l’accroisement du volume se voit plutôt dans l’incapacité généralisée. J’opte plutôt pour le goudron et les plumes : tournée générale...!

      Et pourtant la mayonnaise est un des meilleurs condiments pour accompagner une bonne assiette de crustacés !

    • 1er août 2011 à 11:16 | Boris BEKAMISY (#4822) répond à da fily

      Alors que les actualités sont riches (Retour de Rajoelina,Signaure prochaine des FR,Demarquation de Fetison,Ennième declaration de Ravalo, Effervescence chez l’Escopol , Fatigue générale des trois mouvances....ect) Mt.com donne l’impression qu’On n’a rien à mettre sous la dent...Esperons que Vancances y sont pour quelque chose...

      Pendant tout ce temps de grande deprime ( chez MT.com)
      Notre Da fily national se donne à coeur joie pour se tailler « une superbe gaule »à travers cette « masturbation intellectuelle » comme il sait bien le faire....les adeptes du retenu vont dire que Da fily , encore une fois , parle pour ne rien dire....

      Malgré le Metaphore qu’on veut dessiner l’histoire du maillonneuse à partir du goudron, de l’huile, du bitume, de l’oeuf , du vinaigre , disons le , n’a pas du tout de Sens ...(pour ne pas etre trop méchant...)

    • 1er août 2011 à 12:50 | da fily (#2745) répond à Boris BEKAMISY

      Beka, rehefa tsy takatra sy tsy mba misy « humour » na dia kely aza ao @ io lohanao io, dia ndao isika mba hifanasa iray andro mba hisy fihomehezana kely, fa toha difitry ny adintsaina loatra izato ianao. Mba mitsikia kely, asio mamimamy kely ny fiainana hoy Samoela izay.

      Ny aty resaka mayonnaise ry nao à, inona indray ity mailloneuse-nao ity, dia tsy mba hainao marina ny manana « détachement » kely @ zavamitranga kà, izay no ahanfantarana ny olona tery ny fisainany. Ary izany ihany no amanfisiko fa tsy olona iray ihany ny ao ambadiky ny io Bokamisy io. Tsy mitovy velively ny fanoratra tsindraindray izay, sao manana « trouble de la personnalité » aza ity ianao ity ? Mety izay no mahakizitina anao lava io...satria mivezivezy ito fanahinao ity.

      Aza miakatra, fa mba somonga alatsinainy ny ahy !

    • 1er août 2011 à 13:02 | Boris BEKAMISY (#4822) répond à da fily

      Da fily...

      Nataoko « maillonnEUse » mihitsy mba ho hitanao sy hanaitra anao ary mba misy hihomehezanao kokoa ry Da fily havako an .....!

      Aleo rehefa tonga i....Dada vao mifanasa...tsika ee ! Arosage be amin’io...sady efa tsy hoe ela ...intsony .... raha ny telephoniNY farany teo....no« inoana fotsiny ihany »

    • 1er août 2011 à 17:46 | DIPLOMAT (#846) répond à da fily

      Bonjour Da fily, Bonjour Niry,

      Excellent le coup de la mayonnaise.
      Il fallait s’attendre à ce que celà ne soit pas capter par le « Kisitina » de service !

      Mais la métaphore est superbe, et l’humour de réponse magistrale !

      A quand la ratatouille, ou le vary vary amin’anana ??

    • 1er août 2011 à 17:57 | Boris BEKAMISY (#4822) répond à DIPLOMAT

      Vas-y ...Peut-etre avec Da fily.....!

      Mais c’est meconnaitre vraiment NIRY et SA HAUTEUR D’AME.....d’esperer pouvoir l’inviter à descendre sur le terrain d’une telle bassesse ......de diplomatie.

  • 1er août 2011 à 15:19 | saina gasy dadabe (#4061)

    Jeune Afrique - n° 2638, 31 juil. 2011, page 31, Rajoelina accélére -

    http://tinyurl.com/3jlujzn

    https://picasaweb.google.com/102647469223017895330

    • 1er août 2011 à 15:25 | saina gasy dadabe (#4061) répond à saina gasy dadabe

      http://tinyurl.com/3e4woxo
      rien que pour les insolences de Virginie Despentes,
      suis stupéfait qu’elle soit aussi connue à Mada, et, l’on s’arrache ses livres comme son film,que j’offrev a qui le veut
      misahotra , mamabe ?

  • 1er août 2011 à 16:27 | andriantsimbazovina (#3167)

    On a envie de dire : et alors ?

    On ne voit pas ce que cet article peut apporter à la résolution de la situation à Madagascar. Il s’agit d’une synthèse de situations variées dont aucune ne peut être calquée sur la nôtre.

    Inutile de rappeler ici que les changements de régime du type 2009 font partie (hélas !) du mode d’alternance à Madagascar depuis 1972, et cela quel que soit l’homme fort qui est parvenu par ce moyen au pouvoir.

    La question est de savoir comment en sortir et bâtir un nouveau système rompant avec les précédents et avec une bonne partie des acteurs passés ?

    Ce sera un travail difficile et de très longue haleine.

    Mais, il doit commencer par l’organisation d’élections libres, transparentes, équitables, ouvertes et sincères. Il doit aussi être entrepris avec des politiques adultes, sincères, de bonne foi et préférant l’intérêt général de Madagascar et des Malgaches à leurs intérêts propres.

    Sans cela, on bâtira sur du sable.

  • 2 août 2011 à 12:14 | Jaric (#5861)

    Bravo pour ce texte de Gene Sharp. Il faut cependant ajouter que l’apport spécifique de Gene Sharp est « la stratégie ». Pour gagner par des processus non-violents, il ne suffit pas de descendre dans la rue par centaines de milliers de personnes ou par millions, il faut beaucoup de réflexion préalable, il faut se former auprès de spécialistes comme Otpor à Belgrade, bien étudier les résistances civiles non violentes du passé, celles qui ont réussi mais aussi celles qui ont échoué etc. Il faut se fixer des objectifs réalistes et des stratégies. Gene Sharp explique tout cela dans ses livres édités en français ;
    La Guerre civilisée, aux Presses Universitaires de Grenoble
    L’anti-coup d’Etat
    La force sans la violence
    De la dictature à la démocratie, tous trois chez L’Harmattan.
    Ces processus peuvent conduire à plus de démocratie mais en sachant que la démocratie ne se gagne pas seulement lors de la chute et du changement de gouvernement mais aussi avec l’éducation. C’est alors un travail de longue haleine.
    Au plaisir d’en reparler...

    • 2 août 2011 à 17:00 | andriantsimbazovina (#3167) répond à Jaric

      Comme toujours, les francophones que nous sommes découvrent des auteurs américains plus de 20 ans après leur heure de gloire ! Gene Sharp serait même à l’origine des révolutions arabes !
      Nous devons bien sûr en prendre compte, mais il appartient à chacun des pays d’Afrique concernés par des transitions interminables et structurelles de trouver une solution adaptée à la refondation de son système politique.
      Et il n’y a que les Malgaches qui peuvent résoudre leur propre problème politique !
      La question est de savoir quand et comment.

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