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Editorial

Au trou...

vendredi 24 septembre 2010 | Patrick A. |  1708 visites  | 7 commentaires 

Les journalistes souhaitaient la dépénalisation des délits de presse, la conférence nationale tenue à Ivato la semaine dernière l’a refusée.

S’il faut en croire les propos de Basile Ader, avocat français spécialisé dans le droit de la presse, ce serait plutôt une bonne nouvelle. À ses yeux, si dépénaliser la loi qui définit et sanctionne les fautes pouvant être commises par la presse semble à première vue séduisant, cela s’avère en fait être une fausse bonne idée.

Car la nature pénale d’une loi offre au contraire un certain nombre de garanties : interprétation stricte de la définition d’une infraction, primauté des droits de la défense, débats oraux avec audition des témoins, etc...

Dans le contexte de Madagascar, on serait donc tenté de dire que le problème porte moins sur le Code de la communication que sur l’application du Code de procédure pénale... Malheureusement, ce dernier code, lui, ne semble pas avoir été abordé à Ivato.

Le risque le plus élevé pour la presse, et pour bon nombre d’autres justiciables, reste la détention préventive que la plupart de nos magistrats considèrent comme un outil quotidien. Et ce, en violation flagrante du code de procédure pénale qui stipule qu’elle ne doit être décidée que lorsqu’il est prouvé qu’elle constitue l’unique moyen d’arriver à certains objectifs précis, comme empêcher la destruction de preuves ou les pressions sur les témoins, prévenir le renouvellement de l’infraction ou mettre fin à un trouble « exceptionnel » de l’ordre public.

En bonne logique, tout citoyen et a fortiori tout journaliste qui prend la précaution de respecter les convocations au Tribunal devrait pouvoir rester serein face au risque de se retrouver à avoir à dormir sur le ciment de nos prisons. La réalité est malheureusement tout à fait autre, et ce n’est pas sans raisons que la perception d’une justice purement inquisitoriale demeure.

C’est dans un contexte assez similaire que la loi française a été amenée à stipuler qu’un certain nombre de délits de presse ne doivent pas entraîner la prévention préventive. Ce n’est pas un privilège accordé aux gens de médias, mais une simple précision dans l’application d’un principe général [1].

Une des plus mauvaises solutions serait finalement d’avoir une réglementation ou des tribunaux trop spécifiques pour la presse. L’Afrique du Sud s’inquiète non sans raisons d’un projet de l’ANC, parti majoritaire en congrès cette semaine, de créer un tribunal des médias pour réglementer la presse écrite et électronique. Car ce projet arrive dans un contexte où la presse a révélé plusieurs scandales autour du parti au pouvoir, et qu’une grande partie de l’hostilité envers les médias semble venir de groupes qui estiment que les médias permettent à leurs rivaux au sein du parti de s’opposer à eux.

Faut-il alors changer quelque chose à la réglementation malgache ? Un jour peut-être, mais on est en droit de penser que l’urgence est plutôt à une meilleure compréhension et défense des textes existants par les magistrats.

Notes

[1Force est d’ailleurs d’admettre que, même sous ce régime protecteur de la loi française, certaines personnes de Radio Viva ou de Radio Fahazavana risqueraient de se retrouver en détention. La loi sur la liberté de la presse de 1881 prévoit que la détention préventive peut s’appliquer en cas de provocation à des destructions ou dégradations volontaires dangereuses pour les personnes.

7 commentaires

Vos commentaires

  • 24 septembre 2010 à 09:26 | kakilay (#2022)

    C’est la pratique du mandat de dépôt dans ce pays qui, je crois, est déjà contraire à la déclaration des droits de l’Homme.

    Déjà sous Ra8, Ava Joly, l’avait remis sur la tapis... Aucune avancée !

    Pourquoi ?

    C’est un outils politique qui permet de mettre qui l’on veut en prison, et pour un temps indéterminé selon le bon vouloir du pouvoir en place !

    L’abus de pouvoir passe par le MD, légalement !

    Toute la question est de savoir, pourquoi tous les politicards de tout bord, alors qu’ils se sont succédés à aller en prison, n’ont jamais VU l’urgence de remettre en question cette pratique du MD ?

    Une société se juge aussi par sa pratique (et donc de sa vision de la Justice, en majuscule svp) de la Justice.

    Et tout le monde est complice à ce niveau... pour dire tout simplement responsable !

  • 24 septembre 2010 à 10:09 | bema (#828)

    Dans le respect des règles et de la déontologie, les textes actuels sont largement suffisants et c’est une grave erreur à mon avis de spécifier quelques recommandations ou sanctions particulières pour ce corps de métier. Misaotra Tompoko.

  • 24 septembre 2010 à 10:33 | che taranaka (#99)

    « Faut-il alors changer quelque chose à la réglementation malgache ? Un jour peut-être, mais on est en droit de penser que l’urgence est plutôt à une meilleure compréhension et défense des textes existants par les magistrats »

    L’urgence est plutôt d’avoir des magistrats dignes et indépendants.L’affaire Ravatomanga -Gazette de l’ile (pour ne parler que de cette affaire)illustre bien que ces qualités nécessaires sont loin d’être une réalité dans ce pays quand bien même cette fois ci les prévenus n’écopaient que d’une simple amende...

    Dignes ,indépendants,probes..des adjectifs tout simplement impossible car avec un salaire de misère ils préfèrent tous ,les juges comme les autres, pratiquer un sport national:la corruption,le détournement...

    Ce pays habité par des lémuriens cravatés ne fera jamais mieux que le pays des droits de l’homme baffoués qu’est la france...alors nous ne sommes pas sortis de l’auberge !

    • 24 septembre 2010 à 14:07 | Patrick A. (#95) répond à che taranaka

      >che : contrairement à beaucoup un peu trop formatés par internet, je n’estime pas obligatoire qu’un éditorial soit à chaque fois l’occasion de sortir les gros sabots.

      J’ai la faiblesse de croire que les lecteurs d’ici préfèrent utiliser leurs neurones plutôt que de lire un texte trop long. Nos ancêtres aussi appréciaient la subtilité. Ils disaient : « Atsipy ny tady eny an-tandroky ny omby, fa atsipy ny teny am-pon’ ny mahalalala ».

      Lorsqu’il est écrit « compréhension et défense des textes existants par les magistrats », ça peut vouloir dire ce que vous pensez, mais aussi pas mal d’autres choses évoquées par Anthony Ramarolahihaingonirainy.

  • 24 septembre 2010 à 12:00 | Rakotoasitera Fidy (#2760)

    Dites donc
    Moi qui croyais benoitement que les étrangers non malagasy n’ont plus droit de cité chez nous ????

    Ou alors c’est notre Basile local qui a changé de nom et de couleur ????

    Je suis sur que rabrisure va y mettre du sien pour foutre dehors ce vazaha

    sinon les partisans du malagachomalagasy vont le clouer au pilori

  • 24 septembre 2010 à 12:45 | Rakotoasitera Fidy (#2760)

    Puisque l’on parle de journalisme

    Vous souvenez vous qu’un certain Augustin Andriamananoro avant d’etre sacralisé ministre des telecoms a été un ’grand éditeur’ du trop fameux madagate

    AUGUSTIN : ou sont passés ces 4 millions d’euros ?????

  • 25 septembre 2010 à 13:04 | Parole (#2602)

    La dépénalisation des délits de presse est l’un des points d’achoppement du code de la communication en discussion depuis...10 ans ! De quoi s’agit-il ? Chacun comprend qu’il est inadmissible qu’un journal ou une radio/télé traîne impunément un honnête citoyen ou une entreprise dans la boue. Le pouvoir reconnu des media de publier des informations tout comme le droit de savoir du public doivent naturellement être balisés. Voilà pour les principes. Parlons de leur application.

    Pour éviter de mettre les gens à la une sans leur consentement, il suffirait de demander leur permission. Cela se fait dans les pays dotés d’une loi moderne sur la presse. A Madagascar, les gouvernements se refusent à franchir le pas de la dépénalisation par peur de laisser échapper les chevaux. En réalité, la frilosité étatique à ce sujet est le fruit d’une longue tradition de contrôle de l’opinion publique et de son expression.

    Or le fondement de la démocratie est la formation d’une opinion publique mesurable à travers des enquêtes et consacrée par des élections. Pour y parvenir, il faut un long processus qui suppose des prises de risques. Parmi ces prises de risques, figure la dépénalisation des délits de presse. Quand un journaliste dérape, il faut l’obliger à rectifier et non l’envoyer en prison, car un délit de presse ne sera jamais comparable à un vol ou un crime. Des balises existent (droit de réponse, amendes etc.) mais la meilleure réponse demeure la diversité des medias, les débats contradictoires, l’investigation.

    Les participants à la conférence nationale, dans un élan naïf, ont cru protéger la liberté et la démocratie en maintenant le cachot pour les « journaleux » comme disait Tsiranana. En cela, ils maintiennent la 4ème république dans la continutité des trois précédentes.

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