Est-il possible d’avoir un chef de l’opposition avant les législatives ? Vu les publications de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC), la réponse serait négative. Or, à s’en tenir aux textes, cela est bien possible et c’est même l’esprit de la Constitution et de la loi.
Pour arriver à répondre à la question, il faut voir le contexte électoral au niveau des législatives avant de disséquer la loi sur le statut de l’opposition et terminer par une analyse politique autour des législatives (institutions électorales, un président législateur et des lois qui demandent à un ministre de démissionner s’il veut briguer un poste parlementaire).
A- Le contexte légal de l’élection législative en 2019
Pour commencer, les nouveaux députés ne seront pas connus le 6 février 2019, date de la fin du mandat des députés actuels, non pas à cause du nouveau président Andry Rajoelina, mais à cause d’un Avis de la HCC [1]. La HCC a permis de séparer le deuxième tour des présidentielles et les législatives. Elles étaient jumelées en 2013. Du coup, la tenue des législatives est reportée sine die [2]. Ce qui ouvre la porte à beaucoup d’incertitudes et de débats sur la compétence de plusieurs institutions de la République.
Il y a ainsi plusieurs manières de voir.
La première : il y aurait un vide institutionnel [3] et le président veut légiférer par ordonnance. C’est le cas aujourd’hui [4]. Même s’il y a encore le sénat, il ne peut voter les lois à lui tout seul [5].
Si l’Assemblée nationale de 1992 à 2001 et de 2014 à 2015 a pu seule voter les lois, c’est grâce à des dispositions transitoires le permettant. Selon les analystes : « Le Sénat ne peut procéder au vote d’un projet de loi tant que l’Assemblée Nationale ne l’a pas encore discuté et voté » [6].
S’il n’y a donc pas d’Assemblée nationale, voici les conséquences :
le gouvernement serait à l’abri de toute motion de censure,
le président à l’abri d’une accusation puisque le sénat n’en a pas le pouvoir,
le président veut diminuer le budget du sénat donc le sénat aura un pouvoir famélique
et pire s’il n’y a pas de chef de l’opposition avant les législatives car le président et le Premier ministre n’auront aucun vis-à-vis
alors, cela aboutira à un pouvoir absolu grâce à la HCC !
La deuxième option : envisager que les députés actuels continuent leur mandat jusqu’aux législatives… Didier Ratsiraka a créé une jurisprudence en 1997 en prolongeant le mandat des députés. Mais jusqu’à quand ? La HCC a voulu limiter la prorogation mais juste par un Avis. Et de toute façon, si elle a inconstitutionnellement intimé un président de la République de dissoudre le gouvernement en avril 2018, elle n’a heureusement pas ordonné le nouveau président à organiser des législatives. C’est à la constitution de le faire. Selon l’Avis, il faut suivre les articles 75 [7] et 78 [8] de la Constitution. Or ceux-ci n’obligent en rien à ce que ce soit une nouvelle Assemblée qui se réunit à chaque mois de Mai, mais juste une Assemblée. Mais selon les médias, le président de la HCC serait contre [9].
La troisième option serait que le président Andry Rajoelina dissout l’Assemblée nationale avant le 5 février 2019. Comme cela, il sauve le pays de l’erreur de la HCC car il organise les législatives dans le délai constitutionnel.
La quatrième option serait pour le président de convoquer le Parlement pour une délégation de pouvoir (art.104. Mais pour un temps limité. Le président s’imposerait lui-même un délai pour faire les législatives.
Dans les deux premiers cas, à cause de cet Avis de la HCC,
soit le mandat des députés est prolongé
soit tout est bloqué car le sénat ne peut voter seul les lois
le chef de l’opposition n’étant pas connu, le gouvernement et le président sont à l’abri de tout et il n’y a aucun moyen légal de contraindre le gouvernement à convoquer les électeurs aux urnes…
B- Est-il possible d’avoir un chef de l’opposition avant les législatives ?
Il faut d’abord rappeler que la loi sur le statut de l’opposition date de 2011 c’est-à-dire de la Transition dirigée par Andry Rajoelina. Mais même après l’élection de sortie de crise qui a vu la présidence de Hery Rajaonarimampianina de 2014 à 2018, il n’y eut aucun chef de l’opposition [10] !
Maintenant pourquoi cette étude lie « législatives » et « chef de l’opposition ». La raison est que la HCC a souhaité aidé le nouveau président à avoir une majorité en séparant le deuxième tour et les législatives [11] ! Est-ce bien son rôle ?
Maintenant, il faut lire les Avis de la HCC. Selon la HCC, le moment de la désignation d’un chef de l’opposition se fait uniquement au lendemain des législatives et par au moins un groupe parlementaire. Mais ce n’est pas ce que disent les textes.
Si en effet, la Constitution et la loi prescrivent que la désignation du chef de l’opposition se fait après les législatives, les textes disent aussi que ce sont les partis d’opposition, et non les groupes parlementaires qui désignent le chef de l’opposition. Les textes doivent être alors interprétés lato sensu.
Prenons le cas actuel comme point de départ. Marc Ravalomanana est arrivé en seconde position après les présidentielles. Ne peut-il donc pas être le chef de l’opposition car il doit attendre les législatives que par ailleurs nul ne sait quand elles vont avoir lieu ? Non !
Répondre par l’affirmative serait laissé un boulevard au nouveau président élu qui n’aurait comme tout les autres anciens président aucun répondant ! Ce qui est justement contraire à l’objet de la loi sur l’opposition qui favorise et donne de la force à l’opposition.
Ensuite, ne pas permettre à l’avènement d’un chef de l’opposition, c’est ne donner aucune chance à l’opposition d’arriver au Parlement. Etant entendu, que justement, les tenants du pouvoir ont la puissance d’Etat pour paraître aux yeux du public pour rafler tout le Parlement. C’était le cas sous le président Rajaonarimampianina, dans le pire des cas, car tout le Parlement à 100% l’avait soutenu.
Dans ce cas-là, nous verrons encore les cinq prochaines années, sans espoir d’opposant –sauf s’il ne faut pas le souhaiter…-
Enfin, à la limite, lors de l’érection du gouvernement de consensus HVM-MAPAR-TIM du premier ministre Ntsay Christian jusqu’à aujourd’hui (période intérimaire, période de prestation de serment du nouvel élu et formation de son gouvernement), il y aurait du toujours eu un chef de l’opposition.
C- Analyse politique autour des législatives
Institutions électorales
La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) ne s’occupe pas à 100% du processus électoral. Certaines attributions restent aux mains du gouvernement et d’autres à la Haute Cour constitutionnelle. Par exemple, c’est toujours le gouvernement qui décide de la date des élections. La Ceni ne fait que proposer. Cette fois-ci, la Ceni a proposer la date du 20 mars 2019 pour les législatives. Le gouvernement sortant de Ntsay Chrisitian ne pouvait pas raisonnablement suivre la proposition de la Ceni. Cela est du ressort du nouveau président et du nouveau gouvernement. Ainsi, la date des législatives est, aujourd’hui, inconnue. Par contre, lorsque le gouvernement voudra tenir des élections ou lorsque le président dissout l’Assemblée nationale, la Constitution impose un délai pour organiser les législatives. La Ceni a l’obligation d’exécuter. Mais elle n’aura pas forcément les moyens pour le faire. Ne vaudrait-il pas mieux alors de supprimer la Ceni et de mettre l’entière responsabilité des élections aux mains du gouvernement comme dans tous les pays développés ? Ainsi il n’y aura pas de Ceni qui se défausse pour avoir été pris de court.
Les limites de la Ceni ont aussi été atteintes lors des dernières présidentielles de 2018. La Ceni a, à plusieurs niveaux, rejeté la responsabilité à d’autres institutions. Il y a dilution de responsabilité dans l’organisation des élections.
Exemple 1 : Les lois électorales d’avril 2018 ont amené les députés TIM-MAPAR dans la rue. La Ceni d’expliquer –à raison- que la Ceni ne fait que proposer des lois mais c’est le gouvernement et le Parlement qui ont le dernier mot. « A ce propos, bien qu’étant foncièrement contre ces institutions doublons (Ceni, Bianco, Samifin, etc.), comme la majorité des citoyens le souhaitent, admettons que l’on garde cette institution. Or, il y a une discordance pas évidente sur l’élaboration de la loi sur les élections.
Si dans les pays n’ayant pas de CENI c’est le parlement ou/et le gouvernement qui élabore(nt) les lois et le Parlement vote les lois, c’est le gouvernement qui applique cette loi une fois votée. Dans nos pays qui avons une CENI pourtant, c’est la CENI qui mène les consultations à grands frais, mais c’est le gouvernement ou le Parlement qui cherche une majorité pour la voter alors même que ce n’est pas le gouvernement qui va l’appliquer mais la CENI. Ce n’est pas évident, mais c’est illogique. Oui, lorsque le Parlement ou le gouvernement fait voter une loi, le gouvernement ne fait qu’appliquer une loi votée par sa majorité, donc le Parlement et le gouvernement sont en cohérence. Ils ont la même politique. Ici, la CENI peut ne pas être d’accord avec la loi qu’elle doit appliquer.
La solution alors, mais qui va mettre du temps à être comprise, c’est que c’est la CENI même qui a fait les consultations qui cherchent ensuite sa propre majorité au Parlement. Elle pourra ensuite l’appliquer avec cohérence. Dans le continuum, si la CENI ne trouve pas la majorité, elle doit démissionner comme un gouvernement qui n’a pas de majorité sinon, elle appliquerait une loi sans conviction » [12].
Exemple 2 : La liste électorale a été critiquée à juste titre. La Ceni d’expliquer qu’elle n’est pas la seule à la confectionner car effectivement, le fokontany y participe et le ministère de l’Intérieur. Il y a encore une fois dilution de responsabilité entre la Ceni, le ministère de l’Intérieur et la Mairie car le fokontany est aussi en partie régit par la Mairie. Or si le ministère seul s’occupait de l’élection, le responsable serait identifiable facilement : l’Etat ! Et si l’on maintient la Ceni, alors, il faudra lui confier la préparation des élections à 100%. A la limite, à elle faire voter son budget pour éviter après qu’elle s’en plaigne.
Exemple 3 : A propos du sondage, il y a eu cacophonie. Curieusement, la loi interdit la publication de sondage pendant la campagne électorale faute de crédibilité des techniciens (malgaches ou étranger) et de maturité politiques des citoyens malgaches. Or c’est le ministère des Affaires étrangères (MAE) qui a intimé la Fondation Friedrich Ebert [13] de publier leur sondage ! Si une institution devait tout de même autoriser cette publication en vertu de la loi, cela aurait dû être la Ceni et non le MAE.
Exemple 4 : Lors des dépouillements des résultats, la Ceni a été incriminée par les 36 candidats au premier tour et par le candidat Marc Ravalomanana au second. La Ceni de rappeler pour sa défense que le CRMV (Centre de recensement matériel de vote) n’est pas de son ressort et est dirigé par un fonctionnaire (en général un magistrat). Une fois encore, il y a une dilution de responsabilité.
Quand un président peut légiférer ?
En principe, un président ne peut légiférer. Seul le parlement peut voter les lois. Mais il y a trois cas où le président peut légiférer dans la Constitution de 2010.
Le premier, en situation d’exception (art.61), à savoir l’état d’urgence, l’état de nécessité ou la loi martiale, le président peut légiférer par voie d’ordonnance.
Le deuxième en son art.89 concernant les lois organiques non adoptées par l’Assemblée nationale avant la clôture de la session parlementaire.
Et le troisième en son art. 104 sur délégation du Parlement mais derechef, le président se lierait lui-même par un délai.
Il est alors impensable que le président légifère dans les conditions étudiées ci-dessus. Rien ne justifiant une délégation de pouvoir.
Pourquoi un membre du gouvernement malgache doit démissionner s’il veut être parlementaire ?
A Madagascar, depuis 2012, un président de la République qui veut rempiler ou un ministre qui veut être parlementaire doit démissionner en vertu des textes [14].
Ces cas sont uniques à Madagascar. Ailleurs, un ministre représente une opinion publique, voire même doit avoir un fief électoral [15]. Le poste de ministre est d’abord politique. Et c’est le Parlement qui influence le gouvernement [16]. L’exemple le plus dure est par exemple celui de Maurice : nul ne peut être ministre s’il n’est pas député. En France, le président Macron n’a-t-il pas tancé ses ministres qui étaient candidats à la députation qu’ils devaient être élus au Parlement sinon ils devaient démissionner du gouvernement [17] ? S’il faut relever le cas des Etats-Unis d’Amérique, il n’y a pas de ministre, mais des secrétaires. Tout au plus un secrétaire d’Etat. Celui aux Affaires étrangères. Ils ne sont en rien responsables de la politique du président aux yeux de l’opinion. Il forme juste le Cabinet dans le gouvernement des Etats-Unis [18].
Pour revenir au sujet : il y a alors des conséquences à cette obligation de démissionner.
Acte 1 : Le président forme un gouvernement dès qu’il prouve avoir une majorité (absolue normalement, relative à en croire la Constitution floue de 2010)
Acte 2 : Les ministres qui veulent être député doivent de nouveau démissionner (dont peut-être le Premier ministre) pour battre campagne. Donc remaniement envisageable selon l’ampleur des candidats.
Acte 3 : Une fois les résultats des législatives connues, la tradition républicaine veut que le gouvernement démissionne au profit de la nouvelle majorité (présidentielle ou opposante).
Donc, trois gouvernements en un laps de temps très court !
Sauf si… point besoin d’être un homme politique pour être dans un gouvernement. Dans ce cas-là, n’importe quel diplômé, homme-femme qui a réussi dans les affaires, le sport, le social, la chanson, etc. peut devenir ministre. Les législatives, dans ce cas-là, n’influençant en rien un gouvernement…
Conclusion
Cet article très conjoncturel traite des cas particuliers du poste de leader de l’opposition et des législatives. L’Avis de la HCC ayant entraîné une chaîne de conséquences à étudier.
Par Toavina Ralambomahay,
ce 16 janvier 2019.
Vos commentaires
Une question de la part d un humble citoyen :
Est- il legitime que la politique generale de l Etat soit soumise a l approbation et au vote de parlementaires en fin de mandat ?
La delegation de pouvoir autorise le president a prendre par ordonnance des mesures de portee generale sur des matietes relevant du domaine de la loi...
Et quelques parts, l article 104 de la loi fondamentale citee ci dessus, l Assemblee peut deleguer son pouvoir de legiferer pendant un temps limite et pour un objet determine.
Et si l executif reporte la tenue des legislatives jusqu au moment ou ses realisations seront de nature a pouvoir influencer le choix des electeurs ?
Bonjour .
Le R-I-C répond en tous points à ces interrogations légitimes .
Donner la possibilité de légiférer par ordonnance selon tel article ou tel autre n’ est que la porte ouverte à abus de pouvoir & dérives polymorphes .
" EN MARCHE " pour la nouvelle dictature dite démocratique de Madagascar !
A mon avis la CENI n’ a plus lieu d’ etre , de toute façon une partie est déjà dans le gouvernement, juge & parti, QDB ...
Juste quelques temps apres une visite au pays de Macky Sall, le futur president d un pays biotope de Makis avait promis qu une fois au pouvoir, il supprimera le Senat.
Et la maintenant, il devient muet sur ce sujet. A moins qu il concocte deja un subterfuge juridique lui permettant de realiser son souhait en dehors d un referendum.
Les Malgaches sont ZERO en politique :
des Mlagaches sont morts ou en dangers de morts partout dans l’ile, le president et le peuple AMBANIANDRO , parle de rova ny amjakamiadana.
aussi : cette de mande de Presider par ORDONNACE ou legiferer par Ordonnance, est une declaration de guerre à la DEMOCRATIE.
Mais à Mada , et les ambaniandro surtout, TGV les caressse dans le sens du poil, en parlant du ROVA.
ils ont vraiement le president , qu’on merite
on a vraiment le president qu’on mérite
Le rova est le symbole de la honte, construit par jean laborde et sir CAMERON, c’est le symbole de la la traitrise envers le peuple, car c’est la 1ere fois où le loup (les colons ) ont vraiment introduits dans la bergerie, et donc dans la vie des Malgaches, et depuis jusqu’à nos jours nous en sommes toujours dépendant de ces colonisateurs, ou plutôt nous ne pouvons plus nous débarrasser d’eux