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Communiqué

Sehatra Fanaraha-maso ny Fiainam-pirenena

Les élections de 2013 : une opportunité à ne pas manquer

samedi 14 septembre 2013

Nombreux sont ceux qui ont appelé à d’importantes réformes lors des élections présidentielles de 2001 et de 2006 [1]. Le SeFaFi était de ceux-là [2]. Aujourd’hui, une bonne partie de ces désidératas ont été intégrés dans la législation électorale. Mais comme c’est souvent le cas à Madagascar, l’écart est énorme entre les textes écrits et la pratique sur terrain­un écart entretenu, semble-t-il, par les détenteurs du pouvoir (politiciens, administrateurs, bailleurs de fonds...) pour mieux maîtriser la masse. La démocratie ne s’accommode pas de cela, elle veut au contraire que les citoyens contrôlent les dirigeants et toutes leurs actions, notamment avec la participation des acteurs non-gouvernementaux tels que les médias et la société civile.

Les élections de 2013 nous offrent l’opportunité, non seulement de sortir de la transition (car la crise et la refondation de l’Etat dureront encore de longues années), mais surtout de vérifier concrètement la pertinence des réformes prévues par les lois et les règlements nouvellement adoptés. Ces dispositions veulent mettre fin aux mauvaises habitudes héritées des élections passées, réduire les possibilités de fraudes et tendre vers l’égalité des chances, notamment entre les candidats du pouvoir et les « outsiders ». L’après-transition doit reposer sur des bases solides, en vue d’une reconstruction et d’une réconciliation à long terme. Aussi faut-il que chacun prenne ses responsabilités. Pour ce faire, il importe de bien connaître les avancées que nous offrent les textes, et faire en sorte qu’ils soient réellement appliqués.

- 

Des acquis indéniables pour pallier au manque de neutralité de l’administration pendant la campagne électorale

- la création de la CENI-T visait à dépolitiser l’organisation du scrutin grâce à cet organisme indépendant du pouvoir exécutif. Force est de constater que la création d’une telle institution n’est pas chose aisée, et que son indépendance est largement dépendante de ceux qui la financent. La CENI-T elle-même a du mal à asseoir son indépendance et à l’imposer aux autres, à commencer par l’État. Car les membres qui la composent restent conditionnés par le double réflexe étatique du refus de communiquer et de rendre compte, et du besoin d’obtenir l’approbation des responsables politiques. Or la CENIT est au service des électeurs, et non pas des politiciens ; il lui incombe de le prouver aux citoyens de manière plus convaincante.

- l’exigence de démission pour les candidats détenteurs de l’autorité publique, ainsi que l’interdiction d’utiliser des moyens (et des personnes) publiques à des fins de propagande constituent une autre avancée. Les récents débats autour de vacances ministérielles pour cause de candidature montrent bien combien le fait de détenir une responsabilité gouvernementale est important : soit pour l’accès à l’information, soit pour l’influence exercée sur les autorités politiques décentralisées (en particulier les chefs de région), soit pour toutes les possibilités d’abus d’autorité que donne cette fonction. La violation fréquente de l’article 45 du Code électoral, qui prohibe toute participation d’un membre du gouvernement ou d’un chef de région à la propagande électorale (y compris pendant la pré-campagne), en est la meilleure preuve [3].

- Enfin, l’égalité d’accès aux médias publics est entérinée par l’article 48 du Code électoral ; il précise que « la répartition des temps d’antenne gratuits ou payants ainsi que la programmation de leur diffusion à la RNM et TVM doit être équitable entre les candidats ». Cela inclut évidemment les journaux télévisés et tous les reportages. Même, hors période électorale, dans un pays qui se veut démocratique, les médias audiovisuels publics, qui sont censés assurer un service public, sont tenus à un traitement égalitaire des candidats et des courants politiques. Dans le passé, les responsables des chaines publiques n’ont jamais fait preuve d’impartialité ; il importera de les contraindre aujourd’hui à appliquer la loi. Et une impartialité analogue peut légitimement être demande aux chaînes privées. A l’issue d’un séminaire-atelier organisé en janvier 2013, les journalistes participants ont élaboré une « Charte des engagements des médias malgaches pour la couverture de la période électorale » qui met justement en exergue une couverture professionnelle et donc équitable des différents candidats. Le favoritisme flagrant en faveur d’un candidat -en cette période de précampagne à la télévision nationale est une violation de cette Charte et ne grandit pas le candidat concerné.

Sur le plan technique, des efforts non-négligeables sont en cours

- Le bulletin unique répond à la demande de prise en charge, par l’administration, de l’impression et de l’acheminement des bulletins de vote. Mais le retard de publication d’un spécimen est préoccupant, car les associations chargées de la formation électorale en ont un besoin urgent pour préparer les citoyens à son emploi. Pourquoi attendre l’ouverture de la campagne électorale pour diffuser ce spécimen ? Il aurait été judicieux de mener les opérations de sensibilisation depuis le début de l’année 2013, d’autant plus que, selon les déclarations de la CENIT, les modèles de bulletin unique destinés aux organisations de la société civile ne comportent pas le nom des candidats et n’étaient donc pas soumis aux aléas politiques.

- La liste électorale devait être finalisée le 15 avril 2013, pour toutes les élections de l’année 2013. Un report fut toléré, suivi d’un deuxième. Or tout retard « technique » non expliqué et peu plausible fragilise la crédibilité de la CENIT, d’autant plus que la fiabilité de la liste électorale a fait couler énormément d’encre par le passé. Par ailleurs, le SeFaFi avait déjà posé la question de l’utilité des cartes d’électeur [4] en 2006 ; il se demande toujours, aujourd’hui, si les coûts d’impression et de distribution de cette carte, qui fait double emploi avec la carte d’identité nationale, obligatoire elle aussi, n’auraient pas été mieux utilisés ailleurs ?

Sur le plan politique, les réformes ont beaucoup plus de peine à se matérialiser

- Malgré les multiples demandes du SeFaFi [5], pas une seule réforme concrète du financement des partis n’a vu le jour. La création d’une commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques semble plus urgente que jamais. Et l’annonce par le Service de renseignement financier (SAMIFIN), à grand renfort de publicité, qu’il passerait à la loupe les finances des candidats à la présidentielle, est surtout destinée à jeter de la poudre aux yeux des citoyens : la loi ne prévoit ni plafond au financement, ni sanction contre les transgresseurs...

- La loi sur les partis politiques est une des grandes déceptions de cette transition alors que le statut de l’opposition aurait dû être institutionnalisé avec la IVème République. Le respect du mandat impératif (qui interdit à un élu de changer de parti) constituera un test majeur de la sincérité de nos politiciens après les élections. Mais dès à présent, les groupuscules politiques prolifèrent et présentent des candidats sans le moindre projet électoral ait été publié. Enfin, les médias ont fait état d’une ordonnance autorisant les candidats à la députation déjà inscrits à faire un nouveau dépôt de candidature, de s’affilier à un autre parti ou de se présenter sous une autre couleur politique ! Pourquoi donc ce texte n’a-t-il pas encore été publié ? En contradiction avec l’esprit de la Constitution qu’il a fait voter en 2010, l’exécutif de -la Transition légaliserait ainsi (sans doute, avec motif ultérieur) le retournement de veste et le changement d’écurie pour les centaines de nos candidats députés. Une première mondiale, qui consacre la place de Madagascar au zénith du ridicule.

Pour que ces réformes ne restent pas lettre morte, il nous incombe à tous, venant de tous les horizons de la vie publique et citoyenne, de prendre connaissance de ces dispositions, et, surtout, d’en exiger une stricte application. Il ne s’agit pas d’attendre de l’État qu’il sensibilise les électeurs, même s’il occupe un rôle central dans la mise en oeuvre de ces réformes. Il est temps que les citoyens, les médias et la société civile s’investissent, non seulement dans la vulgarisation des nouvelles dispositions électorales, mais aussi dans la dénonciation de toutes les infractions à la loi, comme le prévoit le Code électoral lui-même. Sinon, ces élections de 2013, dites de sortie de transition, mais qui doivent contribuer à un début d’une reconstruction nationale et d’une consolidation de la démocratie, auront été une opportunité manquée.

Antananarivo, 13 septembre 2013

SEHATRA FANARAHA-MASO NY FIAINAM-PIRENENA SeFaFi
Observatoire de la Vie Publique
Lot III R 45 tar Tsarafaritra, Tsimbazaza, Antananarivo 101
Tél. 032 59 761 62
Email : sefafi@gmail.com
Site Web : www.sefafi.mg

Notes

[1Hala-bato sy fanodikodinan-tsafidy amin’ny fifidianana eto Madagasikara - Fisehony tamin’ny fifidianana filohan’ny Repoblika 16 desambra 2001 ; Rapport n°24, EISA : Élections présidentielles, 3 décembre 2006 ; Rapport n°27, EISA : Élection des députés de Madagascar, 23 septembre 2007.

[2Voir, dans le recueil du SeFaFi pour l’année 2006, Élection et vie quotidienne, les communiqués du 17 février, du 30 juin, du 9 août, du 25 août et du 23 décembre 2006. Et dans le recueil de l’année 2007, Élections et droits de l’homme. La démocratie au défi, les communiqués du 28 février, du 21 mars et du 10 septembre 2007.

[3Sous la Troisième République, l’art.19 de la loi n°94-006 relative aux élections territoriales, avait précisé que, « sont considérés comme des fonctionnaires d’autorité : les représentant de l’Etat, les généraux de toutes les armées, les inspecteurs généraux, le chef d’état-major général de l’armée, le Commandant de la gendarmerie nationale, les commandants des forces, les commandants de région militaire, les commandants de circonscription de circonscription régionale de la gendarmerie et leurs adjoints, les magistrats des cours et tribunaux, les contrôleurs généraux, les commissaires et officiers de police, les inspecteurs d’Etat, les contrôleurs d’Etat, les payeurs et receveurs généraux, les trésoriers principaux, les percepteurs principaux, les receveurs des postes et régies financières, et leurs délégués respectifs ». En droit français, les présidents d’universités sont considérés aussi comme des fonctionnaires d’autorité. Ici, les textes malgaches ont reculé, plutôt qu’avancer.

[4SeFaFi, « Réflexions post-électorales », communiqué du 23 décembre 2006.

[5En particulier dans le communiqué du 25 août 2006 : « Assurer la transparence des comptes de campagne pour la prochaine élection présidentielle ».

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