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Tribune libre

Lettre de lecteur

Le rejet

mardi 23 septembre 2008

« Circuler en ville, converser avec les marchands ambulants, à la sauvette ou ayant pignon sur rue, se faire véhiculer en taxi : autant de systèmes pour se faire une idée de l’opinion des gens. Par contre dans les taxi-be, les gens restent muets. La crainte de manipulation d’un côté, celle des grandes oreilles baladeuses de l’autre, entretiennent la susceptibilité. Le transport collectif n’est certainement pas un milieu de sociabilité, et instinctivement les conducteurs de taxi-be, en faisant marcher la radio pour leur unique plaisir, s’efforcent de se distraire pour atténuer la pénibilité de leur métier. Ils zappent pour écouter des chansons, de la musique, souvent françaises mais aussi malgaches, rarement en anglais, du hard et du mélo. Trois chaînes ont leur préférence, Record, Viva et Radio-Tana. Cette dernière, avec son émission servant de »soupape de sécurité« , libère les auditeurs dans l’imaginaire, tandis que les journaux parlés sont simplement »esquivés" lorsque surtout, ils émanent de la RNM et de MBS.

Serrés tels des sardines, les passagers des taxi-be sont doublement tendus, appréhendant l’état général du matériel roulant, en raison du stress où entrent en ligne de compte le temps perdu aux attentes, aux embouteillages et certainement face aux contraintes domestiques de survie. Les regards sont éteints, les traits émaciés et il ne se trouve aucun effort vestimentaire, à commencer par le conducteur et son receveur sur lesquels déteint l’apparence du matériel dégingandé qui brinquebale bruyamment les mornes passagers.

Les crieurs de journaux sont hélés et des passagers leur achètent des journaux à prix modique, surtout en malgache . Mais d’une manière générale, parmi les 18 à 30 passagers, tout au plus deux peuvent faire cet effort. Les voisins dans les rangées lorgnent sur les titres à la Une, quelques commentaires fusent parfois à voix haute mais d’aucuns, timidement, poussent l’audace à emprunter pour rapidement jeter un regard sur les pages intérieures. Cependant, il ne s’y trouve personne pour oser acheter les quotidiens du régime, même celui en langue malgache.

Mais là où les paroles acerbes, les réflexions acides font l’unanimité des passagers des taxi-be, c’est le spectacle de la longue et haute palissade qui, en bordure de la route digue, enferme l’horizon et agresse la vue. Les vrombissements des camions de remblaiement, les embarras qu’ils multiplient, les nuisances produites ont le pouvoir de faire monter le taux d’adrénaline, puisqu’auparavant le paysage grandiose des collines de Tana raffermit la sérénité et renforce l’orgueil identitaire d’une capitale de toutes les ambitions. Ainsi l’écran qui se présente devant les yeux leur rappelle la vanité de leurs efforts et souffrances six années de cela, mais aussi traque leur détresse face à la vanité impudique qui s’étale impérieusement. Verte et longue est la palissade, obstruant la tendre verdure des rizières où se succèdent des siècles durant, les efforts de nombreuses générations, leur admonestant de vertes réprimandes qui les embobinent dans l’humiliation. Tardivement peut-être, sans que cela puisse constituer un défaut, se déclenche un profond processus de rejet, récemment électoral mais, indubitablement déjà quotidien dans de nombreuses couches de la population".

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