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Tribune libre

Le bateau ivre

jeudi 17 décembre 2009

Malheureusement non, il ne s’agit pas de poésie rimbaldienne (Arthur Rimbaud), mais bien de l’état lamentable de notre pays après un an de trouble politique dont on ne voit pas le bout.

Il ya quelques temps, je parlais d’aventures et de galères et on y est jusqu’au cou. Pour ne pas dire par-dessus la tête : (Vive l’aventure, vogue la galère et en avant la musique).

Pas de proue, pas de poupe et pas de boussole

Pour les non marins. Cela veut dire pas de tête (proue), pas de queue ou arrière (poupe, d’où le terme vent en poupe, qui veut dire vent qui vient de l’arrière), et pas d’orientation (la boussole). C’est la situation actuelle de notre pays, un vrai bateau ivre au milieu d’un océan agité (la situation économique mondiale). Vous avez un équipage hétéroclite et fantôme (soit un double handicap) et un commandant de bord (nommé par on ne sait pas qui) qui n’a ni l’âge, ni la formation, donc pas les compétences pour naviguer, encore moins par mer démontée et vent de force 8. Pour compenser, on a nommé des Co-Présidents, qui ont envie d’exister, mais rien que pour eux pour savoir si leur siège est en cuir ou en simili, mais pas vraiment pour aider à la navigation.

Illustration

Inutile de vous dire que nous sommes sur un bateau nommé Madagascar, voguant quelque part dans un océan inconnu et plein d’embûches avec à son bord presque 20 millions de passagers malgré eux. Tout les acteurs de cette situation ne pensent, paraît-il, qu’à ces pauvres malheureux, mais ils ont oublié de dire, une fois que j’ai un « siège » pour en « profiter » si jamais on accoste (les élections, les sièges, les amnisties,…).

Nous voilà avec un Président et des Co-présidents, qui n’arrivent même pas à s’entendre sur leurs rôles. Ici, ce sont les égos qui priment, comme de vrais adolescents pris entre le désir de faire adulte, tout en copiant ce que font les autres ados, à coup de provocations et de brimades.

Vous avez des « mouvances politiques » qui ont décidé, après l’invitation des membres non complets du GIC (voir ci-après), de former un Gouvernement en dehors du pays, sans participation du soi-disant Président, mais avec les soi-disants Co-Présidents et avec un soi-disant Premier Ministre « consensuel ». Du coup, le soi-disant Président est monté sur ses grands chevaux (plutôt sur ses grands poneys pour son âge), et leur a interdit, purement et simplement de revenir au pays. Juste comme çà, pour leur faire comprendre que Madagascar c’est lui, et rien que lui. Il faut qu’il montre qu’il a des pouvoirs illimités, comme ses prédécesseurs. Il décide de qui peut rentrer dans son pays ou pas ! Non, mais !!

Que de soi-disants, me dites vous, mais je n’y peux rien. D’abord si vous n’avez pas compris, ce n’est pas grave. Cela ne sert à rien de comprendre, puisque tout cela n’a servi à rien tout court, à part crisper, sinon bloquer un peu plus la situation.

Vous avez un Premier Ministre, de consensus svp, qui déclare tout de go qu’il est entraîneur mais pas sélectionneur. Cela veut dire qu’il va entraîner une équipe dont les membres peuvent êtres valides, handicapés, malades, grands, petits…, et pas forcément au bon poste. Du coup il risque de se retrouver avec un gardien de but manchot, un attaquant estropié, un latéral aveugle qui risque de se trouver tout le temps en dehors de l’aire de jeu.

On se demande pourquoi il a accepté un poste à haut risque d’échec pareil. Bon, le besoin de notoriété et de son quart d’heure de gloire (comme dirait Andy Warhol) peut rendre dingue n’importe quel philosophe (il paraît que c’est la spécialité de cet entraîneur). Bon, il parait aussi que la philosophie, étymologiquement, c’est l’art de la sagesse, je ne suis pas sûr que sa décision soit issu d’une réflexion sage. La preuve, dès sa nomination, il a convoqué les remplaçants (les SG), pour leur parler du jeu et des enjeux, et de continuer à jouer sans en avoir le droit !!!

Vous avez des ministres, nommés par un ancien Premier Ministre (qui lui n’était pas consensuel), qui ont déclaré unanimement ne pas recevoir d’ordre de l’ancien, ni du nouveau, mais directement du soi-disant Président. Celui-ci du coup les convoque pour un conseil, sans le PM ni les Co-Présidents.

Tout cela est un vrai théâtre de bouffons de la commedia dell’arte comme pendant la renaissance italienne (il y a 4 siècles) !!!

Vous avez des chefs militaires, promus récemment, dont les galons sont inférieurs à leurs subordonnés, et qui soi-disant (encore), ne reconnaissent qu’un seul chef. Apparemment oui, mais en fait, chacun ne fait qu’à sa tête, et le chef il n’a qu’à aller se faire voir. Du coup, ce chef, pour ne pas être trop embêté, a octroyé généreusement des galons supplémentaires aux plus fortes têtes, et une augmentation de salaire générale de 15% pour tout le monde.

Et tant pis pour les pauvres ouvriers du textile sans AGOA, donc agonisants, et des chômeurs qui ont perdu leurs emplois, et donc perdus tout court, à cause de la crise !!! Eux, ils n’auront que leurs yeux pour pleurer pour la période des fêtes de fin d’année.

Vous avez d’autres chefs militaires, qui sont soi-disants (encore et encore !!!) prêts à prendre leurs responsabilités. C’est la preuve qu’ils n’en ont pas de responsabilités et encore moins le sens des responsabilités, comme dirait la Palisse.

Vous avez encore des militaires de « force d’intervention spéciale », ou FIS, qui ne reçoivent d’ordre de personne (alors qu’ils ont déclaré urbi et orbi qu’ils n’ont qu’un seul chef) et qui peuvent même agir en civil, si cela leur fait du bien (les tenues réglementaires qui leur permettent de ne pas être confondus avec des bandits, sont au lavage !!!).

Normalement, le mot « spécial » désigne quelque chose de précis, mais pour eux non. En fait ils ont oublié de dire « force d’intervention spéciale sur tout ». J’ai un pote qui les traitent de FIS de PUB, parce qu’ils n’arrêtent pas de faire des coups d’éclat pour faire parler du pays, mais en mal. Mais l’essentiel, c’est comme en publicité, c’est que l’on en parle, Il paraît que les agences de communication vont se les arracher s’ils comptent se reconvertir.

Vous avez des Chefs de Régions, désignés, devenus des commissaires politiques, comme au bon temps des soviets, qui ont juré allégeance, non pas à la patrie, mais à un homme. Des chefs de sectes quoi !

Vous avez des représentations diplomatiques qui ne savent plus si il faut faire la danse du ventre, celle de la pluie ou celle de la mort !!! En gros, ils ne savent même plus comment intervenir. Et dire qu’avant la crise qu’ils savaient tous inéluctables, ils disaient tous, la main sur le cœur, « pas d’ingérence dans les affaires intérieures malgaches » !!! Maintenant, ils sont dans l’ingérence jusqu’à l’indigestion !!!

Vous avez un Groupe International de Contact, ou GIC (moi personnellement je trouve le nom un peu hilarant car on dirait un gag !), qui fait réunions sur réunions, au complet ou pas au complet, ici ou ailleurs, avec à sa tête un ancien Président de pays voisin mais à la fois lointain, car aucune compréhension ni de l’habitude, ni de la culture, ni de l’histoire politique récente du pays.

Pour moi, le GIC est un peu comme une agence matrimoniale qui essaie de marier des carpes, des lapins, des morpions, des vampires, des vivants, des revenants, des zombies,…, et ce malgré eux. Pour le moment, le succès n’est pas au rendez-vous, malgré l’annonce en grande pompe de publication des bans (Maputo 1, 2, 3 , Adis Abbeba). Le mariage n’est pas prêt d’être consommé. Bientôt, on va pouvoir chanter comme l’équipe de France : Maputo 1, 2, 3 et zéro !!!

Pendant ce temps le bateau ivre Madagascar est totalement coulé et il ne faut pas s’attendre à avoir beaucoup de survivants car la Communauté Internationale ne mettra pas les mêmes moyens que pour renflouer (bail out) les banques occidentales, qui ont aussi failli faire couler la finance mondiale.

Que faire dites-vous ? Bon, je ne prétends pas détenir la vérité, encore moins dans une telle situation désespérée. Le salut ne peut venir que de tout le monde, y compris et surtout des passagers embarqués malgré eux, dans cette galère. Encore faut-il que l’on leur donne l’occasion de participer.

Quelques idées farfelues, au point où on en est :
- Tous les ministres actuels démissionnent
- Comme ils n’ont plus de ministres de tutelles, les Chefs de Régions nommés (vous savez les fameux commissaires politiques à la mode soviets) démissionnent
- Comme il n’a plus de Ministres, et qu’il n’a pas le droit d’en nommer d’autres, le PM démissionne (comme ça, il n’aura pas entraîné, encore moins sélectionné)
- Comme le Pdt de la Transition et ses co-présidents n’ont plus de PM, ils démissionnent
- Les mouvances retournent là où elles étaient, dans l’anonymat et dans l’indifférence
- Les militaires retournent dans leurs casernes en attendant de se reconvertir à des emplois plus productifs et non destructifs de valeur (pour parler comme les financiers). Cf ci-haut pour les emplois dans les agences de communication pour les membres du FIS
- Les membres du FIS mettent des tutus à la place des treillis, pour se faire pardonner de leurs actes démesurés (mettre torse nu un vieillard de peur qu’il ne se rebelle à coup de kata guruma, ushi mata ou autres prises de judo)
- Le GIC ouvre une agence matrimoniale mais uniquement pour les ressortissants africains
- La fameuse Communauté Internationale continue son ingérence, jusqu’à l’indigestion, en ingérant la note pour essayer de ne pas faire mourir de faim les galériens (les 20 millions de malgaches) et leur financer des vraies élections pour qu’ils puissent exprimer librement leur choix.

Après, au lieu de « champagne pour tout le monde », on criera : « élections générales pour tout le monde, et sous l’égide de l’ONU, svp », comme dans les pays sortis de guerre civile !!!

Bon le grand écrivain égyptien contemporain (1911-2006 et prix Nobel de littérature 1988) disait : « mon grand âge me limite mais il me reste l’immensité des rêves ».

C’est mon cas en parlant de l’âge et non pas du talent d’écrivain que je n’ai point. Je ne cesserai de rêver d’un avenir meilleur pour nos enfants, avec des vrais hommes d’État, digne de ce nom.

Georges RABEHEVITRA ,

dont l’état psychologique, pour ne pas dire mental, est grave mais pas encore désespéré. Un peu comme son pays, quoi !

6 commentaires

Vos commentaires

  • 17 décembre 2009 à 09:24 | Mbôty (#3544)

    Bravo Mr Rabehevitra. Voilà ce que j’appelle des bonnes idées et des beaux rêves. Nous sommes en periode de noël, peut-être que dadabe noely va exaucer vos rêves,qui sait car nous étions sages malgré tout. Bon courage.

  • 17 décembre 2009 à 09:35 | LE VEILLEUR alias L’EVEILLEUR (#1331)

    Merci beaucoup pour vos contributions qui font avancer notre reflexion collective avec humour,style,...

    Voici quelques autes matières à reflexion venant du pays des philosophes et des initiateurs de la démocratie, la Grèce

    - « Le vaisseau peut périr pour avoir trop de pilotes ».

    - « Celui qui pille avec un petit vaisseau se nomme pirate ; celui qui pille avec un grand navire s’appelle conquérant ».

  • 17 décembre 2009 à 12:10 | poiuyt (#584)

    Bravo, Chapeau l’artiste. et merci. On se sent pressé pendant la lecture de connaître qui est le sacré auteur.

  • 17 décembre 2009 à 12:20 | Rainivoanjo (#1030)

    « Un commandant de bord qui n’a ni âge ni formation et donc les compétences » : y a-t-il une formation obligatoire pour diriger un pays ? Combien d’années dure-t-elle et où peut-on la suivre ? Est-ce sanctionnée par un diplôme, un certificat ? Est-ce publique ou privée ? Autre chose : lors les précédents régimes, n’y a-t-il pas eu beaucoup de personnes sortants d’écoles prestigieuses de France et d’ailleurs, ayant de diplômes élevés et cela a-t-il empêché le pays d’être dans la situation catastrophique où il est ?

    • 18 décembre 2009 à 04:41 | Georges Rabehevitra (#3099) répond à Rainivoanjo

      Cher Rainivoanjo,

      Pourquoi le mot ’’formation’’ vous fait-elle penser à l’école ? j’ai des amis qui se sont formés sur le tas, à travers des expériences variées et avec la volonté d’apprendre.

      D’un autre côté, passer par l’éducation et la formation académique facilite la comprension d’un monde de plus en plus complexe.

      Je suis d’accord quand vous dites qu’il ne suffit pas d’avoir des diplômes. C’est une condition nécessaire mais pas suffisante

      Bien à vous

  • 18 décembre 2009 à 09:25 | da fily (#2745)

    Uncle Georges, we are sailing.

    De bateau ivre, le croiseur Mada finira en bateau fantôme. N’est pas Nelson qui veut !

    « y a-t-il un capitaine à la barre ? » et pourtant on en a des gradés de la marine, mais bon ils ne servent qu’à porter le chapeau de ceux qui sautent du bateau. Une éspèce d’intermittent de la politique, une place bien plus ingrate que leur homologue du spectacle. Malgré les épaulettes garnies, l’uniforme gêne aux entournures.

    Un navire qui fait du sur place, ancré dans ses certitudes d’un autre âge, torturé par les embruns fouettant en saccades ses flancs viellissants. Un immobilisme qui le conforte dans sa silhouette d’ile posée au milieu de nulle part, pour une destination d’un énième nulle part happant les espoirs de ses galériens. Comble de la caricature, son bois rare et précieux ne lui sert en rien à se maintenir au dessus de la ligne de flottaison, moins il y en a, plus le bateau s’enfonce, incompréhensible loi de la physique pervertie et contrariée par celle du gros pognon.

    La peinture de la coque s’écaille, la flamboyance a du faire partie d’une époque lointaine, les oiseaux tournoyants au-dessus ne sont pas de bonne augure, leurs piaillements stridents et désordonnés donnent le tournis et obscurcissent le peu de ciel que l’on voit. On a en mémoire ces mastodontes des océans cloués dans les rades un matin de Pearl Harbour, bancales et fumants, trahissants leur décadente santé espérant un sursaut d’un armateur pour la remise à flôts. Le pavillon s’il a fait la fierté de ses marins, n’a plus les mêmes couleurs, il se pare des couleurs floues de la complaisance, si Panama ou Libéria ont prêté leurs avantages, celui-ci n’amène rien de bénéfique. Il ne rallient plus son équipage, déja affaibli et divisé par une maladie plus pernicieuse que le scorbut.

    Triste sort pour cette nef qui n’interressent même pas les ex-pêcheurs somaliens transfomés en pirates en haillons.

    Allons, vogue la galère comme dit la chanson, plus on est de galériens, plus on rame !

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