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lundi 8 septembre 2025
Antananarivo | 14h18
 

Tribune libre

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La présidence de la SADC : Prestige contre pauvreté

lundi 8 septembre |  396 visites  | 4 commentaires 

Héritage des blocs africains

Depuis les années 1970, les États africains ont cherché des réponses régionales à des défis d’échelle nationale : sécurité, commerce, infrastructures, migrations. La logique est connue : isolés, les pays pèsent peu ; regroupés, ils peuvent négocier, investir et stabiliser. À l’Ouest, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est illustrée par sa capacité d’intervention (Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group, ECOMOG) et de sanctions lors de coups de force récents. En Afrique centrale, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) ont davantage consolidé une stabilité monétaire ou une coordination sécuritaire qu’elles n’ont produit une intégration économique effective. À l’Est, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) a avancé vers une union douanière et un marché commun, avec une ambition fédérale freinée par des tensions géopolitiques. Toutes ces dynamiques sont bien connues des praticiens africains de l’intégration régionale – ambition réelle, moyens limités.

Organisme Zone géographique Objectif central Pouvoir coercitif ? Impact réel (note /10)
SADC Afrique australe Intégration & sécurité Moyen (force dispo) 6/10
CEDEAO Afrique de l’Ouest Intégration & démocratie Oui (fort) 7/10
CEMAC Afrique centrale Union monétaire Faible 4/10
UEMOA Ouest francophone Harmonisation économique Moyen 5/10
COMESA Est & sud-est Libre-échange Faible 5/10
EAC Afrique de l’Est Fédéralisme économique Moyen 7/10
IGAD Corne de l’Afrique Développement & paix Faible 5/10
ECCAS Afrique centrale élargie Paix & intégration Faible 3/10
  • Effets positifs : mise en réseau régionale, quelques avancées en matière de commerce, stabilité, infrastructures.
  • Limites structurelles :
    • Faibles moyens financiers
    • Chevauchements et duplications
    • Dépendance aux États dominants
    • Absence de mécanismes contraignants
    • Dissonance entre textes fondateurs et pratiques réelles

SADC : promesses et limites

Créée en 1992 en remplacement de la Conférence de développement d’Afrique australe (SADCC,1980), la Communauté de développement d’Afrique australe

(SADC) réunit aujourd’hui 16 pays d’Afrique australe. Elle s’est dotée d’une force en attente, de mécanismes de médiation (République Démocratique du Congo (RDC), Lesotho, Mozambique) et de protocoles sectoriels (commerce, énergie, santé, genre). L’ambition est claire : construire par étapes un marché intégré et une architecture de paix ; la fragilité est connue : faible pouvoir contraignant et prépondérance sud-africaine dans les arbitrages. Autrement dit, un cadre utile, mais qui reste d’abord intergouvernemental – la volonté des États prime sur les normes.

Madagascar dans le cercle

Madagascar a connu la suspension, en 2009, à la suite du renversement de l’ordre constitutionnel, avant une réintégration consécutive aux élections de 2013. La SADC reste depuis un espace de normalisation diplomatique et un vecteur de préférences commerciales et de projets régionaux (énergie, corridors logistiques). Les bénéfices potentiels existent, mais demeurent sous-exploités faute de compétitivité logistique, de profondeur industrielle et de continuité des politiques publiques.

Organisme Madagascar membre ? Impact politique Impact économique Note globale
SADC Oui Élevé Moyen+ ****
COMESA Oui Faible Moyen ***
COMESA-EACSADC TFTA Oui Faible En cours **
Union africaine (UA) Oui Symbolique Faible **

La SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) a un impact politico-économique important à Madagascar pour trois grandes raisons, à la fois structurelles, géopolitiques et historiques :

Impact politique : rôle de gardien régional de la stabilité

a) Madagascar est un membre officiel de la SADC depuis 2004

  • Elle y participe pleinement aux sommets, aux décisions régionales et aux processus d’intégration politique.

b) La SADC a joué un rôle déterminant en 2009

  • Suite au coup d’État contre le président Marc Ravalomanana, Madagascar a été suspendue.
  • La SADC a mené des médiations politiques (Processus de Maputo, Addis-Abeba) pour forcer un retour à l’ordre constitutionnel.
  • Ce processus a conduit aux élections de 2013, avec la validation régionale.

c) Légitimité régionale des régimes

  • La reconnaissance ou non d’un gouvernement par la SADC a un poids symbolique et diplomatique majeur (appui ou isolement).
  • La présidence tournante de Madagascar en 2021 a été utilisée comme outil de normalisation politique pour asseoir la légitimité du régime Rajoelina.

Impact économique : accès, normes et dépendances régionales

a) Zone de libre-échange

  • Madagascar bénéficie d’un accès préférentiel au marché des pays de la SADC, facilitant les exportations (ex. textile, produits agricoles).
  • Cela permet aussi l’importation de biens à tarifs réduits, selon les protocoles.

b) Projets régionaux stratégiques

  • Infrastructures interconnectées (routes, énergie, télécoms)
  • Projets transfrontaliers (ex. corridors économiques, coopération portuaire)

c) Normes techniques et réglementaires

  • La SADC impose des standards communs sur certains produits, douanes, normes sanitaires, oblige Madagascar à s’aligner, ce qui structure son économie.

d) Aide au développement & financements

  • La SADC est souvent canal de coordination pour les bailleurs régionaux (Banque de développement de l’Afrique australe, AfDB, etc.)
  • Elle structure l’accès à certains fonds multilatéraux, surtout pour les projets intégrés (ex. énergies renouvelables)

Position géostratégique de Madagascar dans la SADC

  • Île stratégique dans le canal du Mozambique : importance maritime, énergétique, militaire.
  • La SADC ne peut ignorer Madagascar sans se priver d’une position d’influence dans l’océan Indien.
  • Cela donne à Madagascar une marge diplomatique, même si elle est peu exploitée.

En résumé

Dimension Mécanismes d’impact de la SADC sur Madagascar Effets concrets
Politique Médiation, suspension, normalisation diplomatique Crise 2009, retour au dialogue en 2013
Économique Zone de libre-échange, harmonisation des normes, projets régionaux Facilitation du commerce, accès aux marchés
Institutionnel Pressions implicites sur les pratiques électorales et la gouvernance Légitimation ou isolement

Historique de l’acceptation de la présidence de Rajoelina par la SADC

Analyse critique sur les limites de cet impact (manque de fermeté, dépendance vis-à-vis de l’Afrique du Sud, etc.).

  • En 2009, la SADC avait fermement condamné l’arrivée au pouvoir d’Andry Rajoelina, la qualifiant de putsch anticonstitutionnel. Madagascar fut suspendue de la SADC et l’organisation exigea un retour à l’ordre constitutionnel avec des élections rapides [1].
  • Quinze années plus tard, en juillet 2025, plusieurs chefs d’État membres ont accepté d’assister au 45ème sommet de la SADC, organisé à Antananarivo. À l’issue de ce sommet prévu le 17 août 2025, Andry Rajoelina prend officiellement la présidence tournante de la SADC, succédant au président zimbabwéen Mnangagwa.

Raisons et moyens de pression du gouvernement malgache

a) Diplomatie proactive et invitations ciblées

  • Madagascar a pris l’initiative d’organiser le sommet chez lui, mobilisant les chancelleries régionales et utilisant activement la diplomatie pour obtenir l’adhésion des États membres [2].

b) Déconnexion d’une posture isolée à une posture intégrée

  • En assumant la présidence de la SADC, Madagascar se présente comme acteur régional responsable, promouvant l’industrialisation et l’intégration – comme l’atteste l’ouverture de la SADC Industrialization Week à Antananarivo en juillet 2025 [3].

c) Absence de volonté ou de moyens de blocage de la part de la SADC

  • Il semble que les États membres aient jugé inutile voire contre-productif de revenir sur une décision consensuelle, surtout si cela implique d’isoler le pays ou de compromettre la cohésion régionale. Le bénéficie est bien trop grand pour s’en passer…
  • La SADC fonctionne sur une logique de présidence tournante automatisée, et casser la règle de rotation aurait fragilisé l’institution.

Avantages pour la SADC malgré la controverse

Avantage Analyse
Stabilité institutionnelle Maintenir la rotation évite une crise interne à la SADC sur la légitimité des dirigeants.
Engagement renouvelé En acceptant Madagascar à sa tête, l’institution montre sa capacité à absorber les crises et à promouvoir l’intégration malgré les passés politiques.
Inclusion régionale géostratégique Madagascar est un membre important dans la zone de l’océan Indien. L’avoir à la présidence renforce la présence géopolitique et maritime de la SADC.
Image pragmatique Plutôt que persévérer dans l’isolement, la SADC opte pour une posture pragmatique, focalisée sur les objectifs économiques, industriels, d’intégration (voir la priorité donnée à l’industrialisation dans le programme malgache [4]).

Cependant, ce choix fragilise un peu son image normative, étant donné que la SADC avait jadis dénoncé ce même dirigeant pour sa prise de pouvoir illégitime.

Synthèse – Enjeux et équilibre stratégique

Dimension Contenu
Contexte initial (2009) Rajoelina arrive au pouvoir via un coup d’État, la SADC condamne, suspend Madagascar.
Évolution diplomatique (2009–2025) Progressivement, la communauté régionale réintègre Madagascar, jusqu’à accepter sa présidence.
Facteurs clés d’acceptation Rotation institutionnelle, invitations diplomatiques actives, approche pragmatique et stratégique.
Avantages pour la SADC Cohésion, pragmatisme, stabilité institutionnelle, positionnement géostratégique.
Défi d’image Risque de perdre en crédibilité normative, en particulier vis-à-vis des principes démocratiques.

En conclusion

La SADC a accepté la présidence de Rajoelina en 2025 non pas par oubli ni par faiblesse, mais plutôt par reprise pragmatique d’une logique institutionnelle tournante, ajoutée à une stratégie d’engagement régional qui privilégie la stabilité et l’intégration. Le gouvernement malgache a su utiliser la diplomatie événementielle pour renforcer sa légitimité régionale. La SADC, quant à elle, réalise ici un arbitrage politique entre normes démocratiques et continuité institutionnelle.

Une première dans l’histoire africaine contemporaine : pour la première fois depuis l’indépendance des États africains, une organisation panafricaine de cette envergure est présidée par un chef d’État détenteur de la nationalité française. Ce fait, inédit en 65 ans de souverainetés reconquises, interroge sur l’évolution des critères implicites de légitimité dans les cercles régionaux. Le continent, si prompt à dénoncer les ingérences extérieures, semble ici entériner une double appartenance symbolique, sans débat public. L’ironie est d’autant plus forte que la SADC fut jadis le bastion de la lutte contre l’apartheid et les dominations étrangères.

Concessions diplomatiques implicites

Analyse approfondie des concessions implicites que le gouvernement malgache a probablement dû faire pour obtenir l’acceptation de la SADC quant à la présidence d’Andry Rajoelina en 2025, malgré son passé contesté :

a) Neutralisation des critiques internes

  • Le régime malgache a probablement renoncé à toute critique publique ou implicite de la SADC, notamment sur sa posture passive lors des crises malgaches récentes (élections controversées de 2018 et 2023).
  • Il a dû montrer un alignement total avec les priorités régionales, notamment celles fixées par la feuille de route 2020-2030 de la SADC : industrialisation, paix, intégration commerciale.

b) Appui aux causes régionales sensibles

  • Le gouvernement malgache s’est aligné sans réserve sur certaines positions diplomatiques régionales :
    • Non-ingérence dans les affaires internes des États membres (ex. Zimbabwe, Eswatini)
    • Acceptation implicite des régimes autoritaires membres
    • Absence de prise de position sur les violations des droits humains dans la région

Concessions économiques et symboliques

a) Financement massif de l’événement

  • Antananarivo a financé quasiment seule l’organisation du sommet 2025, dans un contexte de graves difficultés budgétaires internes.
    • Construction de nouveaux locaux
    • Réhabilitation urbaine de façade
    • Déploiement sécuritaire
  • Cela constitue un engagement budgétaire et logistique disproportionné, en échange d’un prestige symbolique.

b) Acceptation de programmes régionaux sans bénéfice direct

  • Madagascar a accepté d’héberger des événements industriels ou économiques qui profitent surtout aux géants de la région (Afrique du Sud, Zimbabwe).
    Certains programmes sont pilotés par des opérateurs non malgaches, reléguant le pays à un rôle de vitrine, sans contrôle stratégique.

Concessions de posture politique

a) Absence de toute revendication dissidente

  • Le régime s’est entièrement aligné sur les mécanismes décisionnels internes de la SADC, sans proposer de réforme institutionnelle ni de critique de fond (ex. inefficacité sur la RDC, duplications avec l’Union africaine).

b) Effacement volontaire de l’historique 2009

  • La présidence Rajoelina a adopté une posture de « réconciliation institutionnelle » sans exiger aucune reconnaissance des torts passés.
  • En retour, la SADC a toléré une forme de « réécriture historique », en omettant systématiquement dans les discours le passé putschiste de 2009.

En résumé : nature des concessions implicites

Domaine Type de concession But recherché
Diplomatique Silence sur les faiblesses démocratiques de la SADC Intégration sans friction
Économique Prise en charge des coûts du sommet, logistique Acheter du prestige régional
Politique Acceptation passive de la présidence tournante Normalisation personnelle
Narratif Effacement du passif de 2009 dans les discours Réhabilitation politique

Le 17 août 2025, Antananarivo a accueilli le 45ème Sommet des chefs d’État et de gouvernement. À son issue, Andry Rajoelina a été élu président en exercice de la SADC pour un an, succédant à son homologue zimbabwéen Emmerson Mnangagwa. L’information est consignée dans le communiqué officiel et sur les pages institutionnelles de la SADC [5]/ [6].

Cette présidence intervient dans le sillage de la SADC Industrialization Week, organisée à Antananarivo du 28 juillet au 1er août 2025 (thème : industrialisation, transformation agricole, transition énergétique). Signal politique : Madagascar se positionne comme hôte, acteur et porte-voix d’une intégration économique dont il doit, cette fois, capter davantage les retombées [7].

Le club des régimes

La présidence malgache se lit à l’aune d’une réalité bien installée : la solidarité des régimes en place. Dans la région, les dirigeants s’évitent de se juger mutuellement. Les élections contestées au Zimbabwe, la monarchie absolue d’Eswatini, les verrouillages politiques en Angola n’ont pas entraîné de ruptures : la SADC privilégie l’unité d’affichage, la rotation et la continuité institutionnelle ; les standards démocratiques passent souvent après. Pour Madagascar, cette solidarité a deux faces : elle légitime un pouvoir en quête de reconnaissance tout en enfermant le pays dans un consensus minimal qui décourage la parole critique sur les dérives régionales. Le ticket d’entrée – et de maintien – dans le club suppose non-ingérence et alignement sur les priorités communes (industrialisation, sécurité).

Une présidence coûteuse

Accueillir un Sommet SADC et en assurer la présidence a un prix. Faute de publication d’un budget consolidé pour 2025, on cadre par comparaisons régionales. En Namibie, lors du Sommet 2018, le gouvernement a annoncé 50 millions de dollars namibiens (un peu plus de 3 millions USD) couvrant hébergement, sécurité, protocole et visibilité [8]/ [9].

Estimation réaliste pour Madagascar 2025

Catégorie Estimation plausible (USD)
Logistique & protocole (chambres, salles, accueil) 2-5 millions
Sécurité & coordination (centre opérationnel) 1-3 millions
Aménagements urbains / image(stands, décor, infrastructure visible) 5-20 millions
Contributions partenaires (véhicules, formations) Réduction du coût net
Estimé global probable 10-30 millions USD

Pourquoi cette fourchette ?

  • Madagascar, en cherchant à marquer les esprits, a mis en place des dispositifs visibles (villages artisanaux, renforcement de la sécurité, images retransmises à la télévision nationale et numérique) [10]/ [11].
  • Le financement est mutualisé : partenaires étrangers, ressources budgétaires nationales, et contributions en nature [12]/ [13].

À l’opposé, le Zimbabwe a, en 2024, engagé des dépenses d’infrastructures nettement plus élevées pour « impressionner » les délégations : plus de 200 millions USD selon la presse panafricaine, avec une controverse publique autour d’un chiffre porté à 1,7 milliard USD pour la réhabilitation routière annoncée par des responsables politiques. Au-delà du montant exact, l’illustration est utile : sitôt qu’on mise sur des aménagements de prestige, la facture explose [14]/ [15].

Pour Antananarivo (2025), les dépenses visibles – réhabilitations autour d’Ivato, sécurisation des parcours, dispositif protocolaire, village artisanal – et l’absence de transparence chiffrée plaident pour une fourchette prudente située entre 10 et 30 millions USD, potentiellement davantage selon les choix d’image. Des apports en nature existent : la Chine a remis 16 berlines Hongqi destinées au transport des chefs d’État, pour une valeur totale estimée à 572 800 USD (donnée publique relayée lors de la remise). Mais ces dons ne modifient pas l’équation budgétaire : l’essentiel de la charge directe reste national [16].

Au-delà du Sommet, la présidence implique des moyens diplomatiques et sécuritaires sur douze mois : réunions ministérielles, déplacements, coordination avec le Secrétariat de Gaborone. Dans un contexte de recettes publiques volatiles et de besoins sociaux pressants, chaque Ariary (monnaie locale) consacré à l’apparat doit être justifié par des gains mesurables pour l’économie réelle.

Prestige contre pauvreté

Qu’y gagne le président ? D’abord une légitimation régionale qui pèse dans le débat intérieur. Présider la SADC offre un bouclier rhétorique :

Si les pairs valident, c’est que le pouvoir est « normal ».

Ensuite, un capital symbolique considérable : images d’ouverture, discours, visites, protocole – tout ce qui nourrit la stature d’homme d’État. Enfin, des relais d’agenda – industrialisation, investissements, corridors – présentés comme priorités alignées avec l’intérêt national ; ils servent aussi la narration du leadership.

Qu’y gagne Madagascar ? La visibilité, oui ; des bénéfices économiques tangibles, pas immédiatement. Les préférences commerciales ne changent pas avec la présidence. Les projets d’intégration (ports, routes, énergie) demeurent captés par les acteurs puissants de la région tant que compétitivité logistique, gouvernance et profondeur industrielle n’évoluent pas. Sans stratégie de capture locale de valeur et montée en gamme, l’île reste surtout vitrine.

Sur le plan social, la question est frontale : quelle part du coût d’appartenance au club bénéficie au citoyen ? Dans un pays où l’accès à l’électricité reste faible, où les hôpitaux manquent de médicaments, où l’insécurité alimentaire progresse.

La présidence ne se juge pas aux symboles mais aux indicateurs : baisse des coûts logistiques (dédouanement, transit), facilitation douanière effective, nouvelles commandes pour les PME exportatrices, interconnexions électriques opérationnelles. À défaut, la diplomatie d’événement déplace des lignes médiatiques plus qu’elle transforme des vies.

La transaction implicite

La mécanique est celle d’un échange.

  • Côté Rajoelina : prestige, normalisation personnelle, scène régionale.
  • Côté SADC : stabilité de la rotation, cohésion, organisation d’un Sommet sans peser sur les finances communes.
  • Côté Madagascar : charges protocolaires et sécuritaires, arbitrages budgétaires, alignement politique.
    C’est le prix d’appartenance au club, un « deal » qui protège l’institution et sert le leadership personnel, sans garantie automatique pour le quotidien des ménages. Les concessions ne sont pas seulement financières. Elles sont diplomatiques (silence sur les régimes durs de la région), politiques (acceptation du fonctionnement interne sans exigence de réforme) et narratives (minimisation du passif de 2009 dans les discours officiels). La solidarité des régimes fonctionne comme une assurance mutuelle : aujourd’hui pour l’un, demain pour l’autre.

Trois leviers utiles (si on veut en tirer quelque chose)

  1. Fermer le robinet des dépenses improductives. Publier un bilan budgétaire post-Sommet détaillant coûts et apports en nature ; instaurer un moratoire sur les dépenses d’apparat ; réallouer les marges vers l’électricité et l’eau urbaine où l’effet social est immédiat. L’exemple namibien (2018) montre qu’un Sommet peut rester contenu budgétairement lorsque la communication ne l’emporte pas sur la fonction [17].
  2. Capitaliser l’agenda industriel. Utiliser la SADC Industrialization Week comme tremplin pour obtenir trois engagements concrets :
    a) Interconnexions électriques avec financements régionaux concessionnels ;
    b) Facilitation douanière pour deux filières pilotes (textile, agro-industrie) via des procédures accélérées ;
    c) Reconnaissance mutuelle de normes sanitaires freinant les PME exportatrices.
    Il s’agit de transformer l’affichage en clauses opératoires négociées et suivies [18].
  3. Redéfinir la place de Madagascar dans les chaînes régionales. Négocier, au titre de la présidence, un paquet logistique – ports, digitalisation douanière, sûreté – soutenu par la Banque de développement d’Afrique australe et des partenaires techniques. Sans baisse du coût logistique et sécurisation des procédures, la préférence SADC restera théorique pour les petites entreprises malgaches.

Une lucidité « Diapason »

L’analyse froide vaut mieux que l’enthousiasme. La SADC n’est ni un sauveur, ni un problème. C’est un cadre intergouvernemental utile, traversé par les contradictions de ses membres. La présidence malgache peut être un levier si l’on accepte d’en voir les angles morts : solidarité des régimes, coût d’appartenance, asymétrie de puissance avec l’Afrique du Sud et ses voisins, tentation de l’événementiel au détriment des réformes. Le rôle d’un État sérieux est de convertir le prestige protocolaire en résultats tangibles : coûts logistiques plus bas, procédures plus rapides, marchés supplémentaires, énergie plus fiable.

Sur ce terrain, quelques faits restent têtus : le 45ème Sommet s’est tenu le 17 août 2025 à Antananarivo ; la présidence d’Andry Rajoelina est enregistrée ; l’agenda d’industrialisation a été ouvert fin juillet ; des contributions en nature, dont seize véhicules chinois, ont soutenu la logistique ; aucun budget consolidé n’a été publié.

Le reste dépendra de la capacité de Madagascar à négocier des engagements, à en suivre l’exécution, et à rendre des comptes [19] / [20] / [21]. En somme, les principes d’une bonne gouvernance démocratique.

Rédaction – Diapason

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Notes

4 commentaires

Vos commentaires

  • 8 septembre à 10:19 | RATOVO (#10503)

    Un état des lieux simplifié permet de comprendre les enjeux . Les rapports de force économiques ne plaident pas pour Madagascar classé 15ème sur 16 pays membres . On n’a pas énormément de potentialités à offrir sur le marché de la SADC autrement on risque d’être « étouffé » par les produits provenant de cette communauté régionale ce qui aggravera encore plus le déficit commercial actuel .
    On insistera encore que c’est une présidence tournante donc un système rotatif avec un mandat protocolaire de Rainilainga qui ne pourra en aucun cas influencer sur la politique des pays membres .
    Ce sommet à Antananarivo est mitigé dans la mesure où seuls 6 pays ont été représentés par des chefs d’état ce qui est dérisoire par rapport au tam-tam médiatique et autres Werawera habituels . Un poids lourd de l’Afrique en l’occurrence le président congolais Tshisekedi a fait faux-bond au dernier moment pour « agenda incompatible » ce qui est lourd de sens . La clique à Rainilainga avait le fol espoir que les 73,5 kg d’or seront restitués par Cyril Ramaphosa président sud Africain ce qui constitue une méconnaissance de la justice indépendante dans ce pays .
    Au final dans le contexte actuel ce « syndicat de chefs d’état Africains » que Rainilainga aimait bien ironiser en 2009 après son coup d’état ne sera pas en terme de rayonnement et de coopération un levier important pour l’économie de ce pays .

    Répondre

  • 8 septembre à 10:49 | Vohitra (#7654)

    En toute franchise, dans la situation actuelle où se trouve le pays, cette intégration régionale ne sert à rien, et ne sera d’aucune utilité, strictement à rien, et il faudra le dire, qui que ce soit le dirigeant suprême du pays, orange ou bleu ou jaune, tant que le pays se trouve dans le désastre et vit dans le drame humain et dans l’indignation.

    Ce n’est plus un pays défaillant, il est déjà situé parmi les pays voyous, « rogue state », de la planète terre.

    Une restructuration profonde en interne, relative à la légalité républicaine et l’état de droit, la transparence et la redevabilité politique, la primauté de la loi fondamentale et des droits humains, une gouvernance responsable et respectueuse de la liberté fondamentale, l’inclusivité économique et sociale...devra être menée impérativement avant toute initiative de promotion d’une intégration régionale consentie et assumée.

    La sauvegarde de la Nation est primordiale et impérative comme préalable indispensable avant que l’irréparable et le chaos ne s’installent de manière durable dans ce pays.

    Répondre

  • 8 septembre à 13:02 | Jipo (#4988)

    Et bien quel laïus !!!
    Que d’ organismes budgétivores, chronoghages et inutiles , à croire qu’ ils n’ ont que ça à foutre ?
    A la hauteur de sa raison d’ être , les despotes, putschistes et « dictateursphiles » ont encore de beaux jours devant eux ...

    @ la fellatrice de service :
    Suite au coup d’État contre le président Marc Ravalomanana, Madagascar a été suspendue.
    COUP D’ ETAT MENTIONNÉ 2 X & ce sont vos zamis/voisins « afrikains » !

    Tout ça pour ça ? dirait l’ autre ...
    Désolant, mais la réception a été à la hauteur des attentes, merci à nos « zamis » Chinois pour nous avoir permis de promener tout ce « beau » monde à la hauteur de leurs prestiges et inutilités magistrales , comme on dit : la notoriété n’ a pas de prix mais un cout !
    Si cette organisme ferme les yeux sur le passé des participants (ce qui ne la glorifie en rien), elle suggère cependant que le cout de la « farce » soit officialisé & que le commun des mortels sache à minima combien lui a couté la supercherie , de « nobles » intention qui non seulement n’ ont rien d’ exécutoires qui + est, se gardera bien de remettre en cause les usurpations & dérives polymorphes de son « nouveau président » ...

    Répondre

  • 8 septembre à 13:44 | bekily (#9403)

    PFFFFFFFF
    Les fozas ont du faire plancher quelques doctorants pour pondre un machin, joli de présentation mais aussi long que vide de sens..

    A plaquer sur le tableau d’affichage de MT

    Répondre

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