Le populisme de Gascar Fenosoa sert-il la Refondation ?

La photo des « officiels » lors de l’inauguration samedi dernier d’une route pavée de 1,6 kilomètres du coté de Fenoarivo a de quoi surprendre. Sa réfection a été financée par l’association Fikambanana olom-pirenena mijoro amin’ny fahamarinana (FOMF), qui s’impliquerait dans des œuvres sociales et humanitaires.Raissa Razaivola, Présidente de l’association FOMF, personnage bien connu au tribunal d’Anosy, a été condamnée à sept ans de travaux forcés pour tentative de meurtre en mai 2023, et à deux ans de prison pour diffamation en août 2023. La voir gambader en liberté a donc de quoi surprendre, dans la mesure où aucune explication publique sur une quelconque révision de ses peines n’a été donnée. Pire, voir le ministre de la Culture et de la Communication Gascar Fenosoa s’afficher à ses côtés autorise donc la perplexité. Il est vrai que c’est un homme à la tête d’un mouvement politique, et préparer des élections coûte cher. Nouer des amitiés avec des personnalités fortunées, désintéressées et œuvrant dans l’humanitaire comme Raïssa Razaivola ou Koufali Daya (Président d’honneur de FOMF) ne peut donc qu’être intéressant.

Dans sa frénésie en quête de visibilité, Gascar Fenosoa attire de plus en plus l’attention avec ses actes et ses paroles. Lors de l’inauguration mentionnée ci-dessus, il a affirmé que les autorités allaient sévir contre les députés qui entretenaient encore des liens avec l’ancien pouvoir. Qu’est-ce que cela signifie ? L’heure est-elle à la dictature de la pensée unique, à contre-courant du combat de la Gen Z pour la démocratie qui a été au centre des revendications de la crise de 2025 ? En outre, toujours lors de la même cérémonie, il a affirmé que les remises de cadeaux à la population étaient une tactique pour occulter le fahamarinana (droiture), croyant ainsi lancer une pique contre les méthodes Rajoelina. Mais en affirmant cela, s’est-il rendu compte qu’il pointait du doigt les autorités de la refondation, qui venaient de remettre des dons à la population dans l’Androy ?

Blanchiment de passé douteux

Gascar Fenosoa a pris le parti de Raïssa Razaivola, non seulement en cautionnant par sa présence l’association FOMF, mais a également prononcé des mots pour la défendre. Depuis octobre 2025, on voit apparaître dans les coulisses du pouvoir de nombreuses personnes traînant des casseroles avérées. C’est sans doute un avantage majeur des alternances politiques à la suite d’une crise : il suffit de se proclamer mpitolona ayant contribué à la chute du pouvoir déchu, ou de faire le sakaizan’ny mpandresy (ami des vainqueurs) pour regagner immédiatement une virginité politique, ou obtenir un blanchiment de passé douteux ou une réintégration dans le corps duquel on a été révoqué. L’argument magique est toujours le même : les ennuis judiciaires étaient le fruit d’une persécution politique de la part du régime Rajoelina, sur la base de rumeurs infondées et sans preuves. Toutefois, on connaît cette rhétorique : « Sortez les preuves » avait fanfaronné Ravatomanga lors de son talk-show, quelques semaines avant de s’enfuir. Il a fallu attendre que les Mauriciens prennent les responsabilités que la Justice Malgache n’a pas voulu prendre pour que ces preuves apparaissent.

Depuis plusieurs semaines, le comportement de Gascar Fenosoa montre plus sa propension au populisme que sa connaissance des sujets techniques. On se souvient encore de ses interventions peu éclairées lors du show télévisé sur le coût d’internet, laissant apparaître une absence de maîtrise des principes économiques de base en faveur de perspectives idéologiques et populistes. Quelle interprétation donner à ces déclarations : impétuosité, pouvoir qui monte à la tête, ou limitations du cursus académique de mpikabary à se mettre à la hauteur de la fonction ? Toutes les équipes qui se sont succédé au pouvoir depuis 1960 ont eu leurs populistes vociférateurs : le ministre Gascar Fenosoa semble avoir l’ambition de devenir le nouveau Naivo Raholdina. Soulignons qu’il faut des refondateurs pour bâtir la Refondation : des refondateurs capables d’apporter le renouveau dans les processus et les pratiques, au-delà de changements superficiels de noms et de visages.

En voyant que finalement le changement véhiculé se retrouve plus dans les mots que dans les actes, force est de constater que les patriotes capables d’être des refondateurs semblent être à l’image de l’endémicité de la faune et de la flore nationales : une espèce en voie de disparition.