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Tribune libre

Communiqué

lundi 18 janvier 2010

SEHATRA FANARAHA-MASO NY FIAINAM-PIRENENA
SeFaFi
Observatoire de la Vie Publique
Rue Rajakoba Augustin Ankadivato Antananarivo
Tél. : 22 663 99 Fax : 22 663 59 Email : sefafimd@gmail.com

DES ÉLECTIONS AU-DESSUS DE TOUT SOUPÇON

Rares sont les pays où le processus électoral fait partie du fonctionnement normal de la société. Un climat pacifié après les joutes électorales passionnées ne s’improvise pas. Il est le fruit de processus électoraux éprouvés et du fair-play et de la culture démocratique de politiques qui savent reconnaître leur défaite en félicitant le vainqueur. Au pays du fihavanana, pourtant, certains en sont encore à s’invectiver, à défiler dans les rues et à s’affronter jusqu’à faire tuer leurs concitoyens, avant de se réconcilier par pur opportunisme ; et d’autres se renient du jour au lendemain pour rejoindre le camp adverse. Il faut le reconnaître, il y a pénurie d’hommes convaincus et sérieux, et donc pénurie d’hommes politiques dignes de ce nom, dans la classe politique malgache.

Depuis l’indépendance, il y a un demi-siècle de cela, il est presque certain qu’aucune élection n’a été exempte de manipulations, de tricheries et de corruption, à l’exception notable des scrutins organisés par le gouvernement de transition du Premier ministre Guy Willy Razanamasy. A preuve, aucun candidat au pouvoir n’a jamais été désavoué par le corps électoral, quel qu’ait été par ailleurs le mécontentement de la population.

Des institutions crédibles

Mais à chaque alternance, toujours issue de soulèvements populaires ou de conditions peu démocratiques, les nouveaux dirigeants s’engagent solennellement à respecter le verdict des urnes. Pourtant, aucune promesse de ce genre n’a jamais été tenue. Dans ces conditions, faut-il croire les autorités de la Transition, lorsqu’elles annoncent des élections « fiables, libres, transparentes, démocratiques et reconnues par tous à l’intérieur comme à l’extérieur du pays [1] », qui ne seront pas à nouveau « source de crise [2] » ? La question ne peut pas être éludée.

Des gages ont été donnés, il est vrai. Il a été dit que le Code Electoral sera profondément remanié, que les listes électorales seront rénovées et affichées pour vérification par les citoyens, que le recours au bulletin unique est acquis, et que sera créé un CENI (Comité Electoral National Indépendant) pleinement responsable de l’organisation et de la supervision de tout le processus électoral. En théorie, ces engagements vont dans le bon sens. Il reste que « chat échaudé craint l’eau froide », et qu’il serait naïf de prendre ces promesses pour agent comptant.

La prudence et le réalisme obligent donc à demander des garanties. Les premières tiennent à l’inclusion dans la future Constitution, quelles qu’en soient les modalités de rédaction, de mentions explicites concernant :

  • la séparation des pouvoirs,
  • l’indépendance de la justice,
  • la liberté d’expression et de manifestation,
  • la liberté de circulation,
  • l’impartialité des médias publics,
  • la pérennité d’un CENI,
  • le statut des dirigeants (avantages, responsabilité pénale),
  • les conditions requises pour une décentralisation effective, etc.

Des financements transparents

En outre, la question des financements a toujours été taboue, étant le lieu privilégié des détournements et des délits d’initiés. Le pays ne connaîtra pas d’élections propres aussi longtemps que les candidats ne seront pas tenus de publier leurs comptes électoraux et que le financement des partis politiques ne sera pas clairement réglementé. On l’a encore constaté récemment, les hommes politiques sont farouchement opposés à toute transparence sur l’origine de leurs ressources électorales, et sur l’usage qu’ils en font. Cette volonté de dissimulation prouve à l’évidence qu’il y a anguille sous roche, et que le financement des campagnes électorales est une source de corruption pour les politiciens.

Le 26 octobre 1996, le CNOE avait déjà attiré l’attention sur ce point, dans un communiqué intitulé : « Messieurs les candidats, rendez publics les comptes de votre campagne ! » [3], en vain. Le 17 février 2006, le SeFaFi a demandé qu’une loi règlemente les financements des partis politiques et des campagnes électorales [4]. Il proposait notamment que cette loi impose « une limite autorisée [des dépenses] pour la propagande des formations politiques et des candidats en lice lors de compétitions électorales », « le recours au financement public », « une obligation de publicité des ressources et des dépenses », et une « réglementation stricte » des contributions autorisées par les organismes d’État et les entreprises publiques, principaux contributeurs des candidats du parti au pouvoir…

Quant au financement des partis politiques, voici ce qu’en disait le SeFaFi : « En septembre 2002, l’ensemble de la classe politique réunie en États généraux avait rédigé un avant-projet de texte sur les partis politiques. Ce projet définit un nouveau cadre juridique, afin que les partis puissent jouer leur véritable rôle, et règlemente le financement des partis. Il y est prévu, entre autres, qu’ils recevraient des subsides publics au prorata de leur implantation évaluée par leur représentation dans les fonctions électives. En 2004, une nouvelle version a été confiée à divers groupes parlementaires, y compris le parti majoritaire. Mais ce texte n’a pu être inscrit, jusqu’à présent, à l’ordre du jour du Parlement » [5].

L’adoption de ces dispositions, au besoin par voie d’ordonnance, constituerait un signal fort, de la part du Président et du Premier ministre, de leur volonté de réaliser la transparence électorale promise par la Transition. Elaborés à titre transitoire, ces textes gagneront ensuite à être confortés par le futur Parlement. Avec la création d’un CENI réellement indépendant, la rénovation du Code électoral, une loi réglementant les financements des partis et des campagnes électorales, et l’application réelle de sanctions aux contrevenants, une grande part de l’assainissement des pratiques électorales deviendrait possible. Dans le cas inverse, les citoyens en seront réduits à attendre la prochaine Transition…

Une laïcité sans ambiguïté

Dans ce même contexte électoral, il convient de rappeler l’engagement pris par le président de la Haute Autorité de Transition de mettre un terme à la confusion entre le politique et la religion. Le culte religieux fade et bavard tenu lors de la cérémonie des vœux le 8 janvier 2010 va totalement à l’encontre de cette promesse. A Iavoloha, étaient réunis chrétiens et musulmans, adeptes de la religion traditionnelle et hindous, et sans doute nombre de personnes sans conviction religieuse particulière. Or le respect de la laïcité, ainsi que le SeFaFi l’a déjà précisé [6], ne consiste pas à ignorer le sentiment religieux des citoyens, mais à en respecter toutes les sensibilités. Ce reniement spectaculaire n’est-il qu’un accident regrettable, ou indique-t-il la volonté d’en revenir aux pratiques d’antan ? La même question se pose après le culte organisé à Antsahamanitra le 9 janvier. L’instrumentalisation de la religion pour berner le peuple fait partie, aujourd’hui encore, du fond de commerce de la classe politique.

Enfin, la sincérité d’une élection tient pour une large part aux citoyens eux-mêmes. La démocratie implique le dépassement des blocages liés à la sacralisation du pouvoir, au respect inconditionnel des aînés, à la pression du groupe et à la peur d’afficher des opinions personnelles. Une élection libre et vraie suppose l’engagement des citoyens en faveur de candidats soucieux du bien de la nation et proposant un programme cohérent pour ce faire. Mais pour que les citoyens puissent voter en leur âme et conscience, il faut qu’ils soient informés des tenants et aboutissants des élections organisées et que ne se répètent pas les dérives et incompréhensions constatées lors du référendum constitutionnel du 7 février 2007. Cela suppose que les responsables de la Transition ne cèdent pas à la précipitation, et les partis politiques aient le temps d’exposer leurs projets aux citoyens.

Après 50 ans d’indépendance, le moment est venu de tirer les leçons des échecs du passé, et de construire une société à la fois efficace et respectueuse des opinions de chacun. Les élections menant à la IV° République en seront le chemin privilégié.

Antananarivo, le 15 janvier 2010

Notes

[1Discours du Premier ministre à la cérémonie des vœux à Iavoloha, le 8 janvier 2010.

[2Ibidem.

[3KMF/CNOE, Pour la démocratie, citoyenneté active et responsable, 1998, page 112.

[4« Bien préparer l’élection présidentielle », dans Élection et vie quotidienne, SeFaFi, 2007, p. 16-21.

[5Idem, « II° Partie : Le financement des partis et des campagnes électorales », p. 18.

[6« La laïcité de l’État », communiqué du 30 décembre 2004, dans Une démocratie bien gérée, décentralisée et laïque, à quelles conditions ? SeFaFi, 2005, p. 40-51.

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