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Editorial

Apprentissage constitutionnel : qui la votera, alors, cette LFR ?‏

mardi 14 juillet 2015 | Sahondra Rabenarivo

On n’a jamais autant parlé de la Constitution. Elle est citée de toute part, dans tous les médias et quotidiennement. C’est une bonne chose ! Tant bien que mal, la pratique constitutionnelle prend forme.

Les changements à la Constitution votés en 2010 portaient notamment (mais pas uniquement [1]) sur la diminution du pouvoir entre les mains du Président de la République. Certains ont encore beaucoup de mal à comprendre ce changement de dynamique : le Président malgache n’est plus un président monarque. Cette réforme porte sur quelques points essentiels :

- La nomination du Premier ministre, désigné par le parti ou le groupe de partis majoritaire à l’Assemblée nationale (le fameux article 54 [2]) ;
- La mise en place impérative de la Haute Cour de Justice, seule instance devant laquelle le Président de la République est justiciable ; et
- La limitation du pouvoir du Président de la République à légiférer par ordonnance.

Ce papier concerne surtout ce dernier point. Légiférer par ordonnance c’est permettre à l’exécutif, en conseil des ministres, de prendre des décisions qui relèvent normalement de la compétence du législatif. En d’autres termes, légiférer par ordonnance, c’est faire une loi sans qu’elle soit votée par le Parlement.

La révision constitutionnelle de 2007 avait donné au président Ravalomanana, en son article 100, la possibilité « en cas d’urgence ou de catastrophe », la possibilité de « prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi ». Cette révision avait été relevée comme un des principaux griefs contre ce Président évincé, et la Constitution de 2010 s’est empressée de supprimer non seulement cette disposition, mais un nombre d’autres, pour s’assurer que désormais, à Madagascar, le Président de la République ne pouvait plus, à l’exception des cas énumérés ci-dessous, légiférer par ordonnance [3] :

  1. En cas d’une situation d’exception prévue à l’article 61 (il faut que les Institutions de la République, l’indépendance de la Nation, son unité ou l’intégrité de son territoire soient menacées et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics se trouve compromis) ;
  2. Lors de la délégation par la majorité absolue des membres du Sénat et de l’Assemblée Nationale, pour un temps limité et pour un objet déterminé (article 104) ;
  3. Dans le cas où un projet de loi organique est présenté mais pas adopté avant la clôture d’une session parlementaire (article 89) ; et
  4. En cas de non-adoption du projet de loi de finances avant la clôture de la seconde session parlementaire (article 92), ceci parce que le gouvernement a besoin de savoir quels impôts prélever et quel budget de fonctionnement utiliser à partir du 1er janvier de chaque année ; et
  5. Exceptionnellement, en disposition transitoire, les textes concernant la mise en place des certaines Institutions pendant la période de Transition (article 165).

La loi de finances rectificative pour 2015 a été adoptée en conseil des ministres le 1 juillet dernier, essentiellement à la veille de la clôture de la première session ordinaire de l’Assemblée nationale. Cette adoption tardive en conseil des ministres a empêché l’inclusion du projet de loi dans l’ordre du jour parlementaire. Ni la Constitution ni la Loi organique sur les lois de finances (LOLF, loi n°2004-007) ne prévoit l’adoption de la LFR par ordonnance, surtout si elle n’a pas été présentée en temps voulu en session ordinaire. Seules les sessions ordinaires donnent suffisamment de temps aux parlementaires de délibérer sur la loi de finances, qu’elle soit initiale ou rectificative, car la LF est, selon la Constitution, une loi organique. Une loi organique ne peut être votée qu’à l’expiration d’un délai de 15 jours après son dépôt [4]. Les sessions extraordinaires sont limitées par l’article 76 de la Constitution à 12 jours, limitant alors le vote de lois en session extraordinaire aux lois ordinaires.

Ainsi, hormis l’attente de la seconde session ordinaire de l’Assemblée Nationale en octobre, seul le vote de délégation de pouvoir prévu par l’article 104 de la Constitution par 76 députés permettrait au Président de la République de promulguer par ordonnance la loi de finances rectificative pour 2015.

Notes

[1Le renforcement du statut de l’opposition est une autre grande réforme.

[2Ceux qui se souviennent de notre opposition à la Constitution de 2010 sauront que les motifs avancés à l’époque étaient l’ambiguïté de l’article 54, l’ajout de la dernière phrase de l’article 13, le manque de clarté sur la répartition des compétences et des ressources des CTD, et les conditions trop contraignantes pour toute révision constitutionnelle.

[3Article 55 : Le PRM signe les ordonnances prises en conseil des ministres dans les cas et les conditions prévues par la présente Constitution

[4Article 89, 1° de la Constitution

12 commentaires

Vos commentaires

  • 14 juillet 2015 à 10:27 | Babakoto_Enragé (#8754)

    Merci pour ces éclaircissements.
    Il faut noter au passage l’absence totale de sérieux et de professionnalisme de la part du Gouvernement qui n’a transmis le projet qu’à la veille de la fin de la session.
    Ne parlons même pas du contenu qui reflète dramatiquement l’inexistence d’une vision sur les voies et moyens qui pourront remettre ce pays dans les bon rails au plan économique.

  • 14 juillet 2015 à 10:47 | ratax1987 (#9086)

    Je cite : « car la LF est, selon la Constitution, une loi organique ».

    Tiens, c’est la première fois que j’entends ça.

    Je vais donc double-cliquer sur le fichier « Constitution » sur mon bureau et j’y lis :

    "Article 88.- Outre les questions qui lui sont renvoyées par d’autres articles de la Constitution, relèvent d’une loi
    organique :
    11°- les dispositions générales relatives aux lois de finances ;"

    => Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que la Constitution parle ici de la LOLF (Loi Organique sur les Lois de finances) et non de la LF (Loi de finances).

  • 14 juillet 2015 à 13:46 | Sabrina (#4247)

    Sauf le respect que je dois à l’éminente juriste constitutionnaliste, Madame Sahondra Rabenarivo, en 2010 il ne s’agissait pas de simples « changements à la Constitution... ». Ce fut l’adoption d’une nouvelle Constitution dans des conditions ridicules qui ont donné naissance paraît-il à une Nouvelle République, la 4ème du nom. Ridicule !

    Y a que Madagascar - jeune Nation de même pas un siècle - qui peut se vanter d’en être déjà à sa 5ème République bientôt. Ridicule !

    En attendant, son peuple continue à mourrir de faim et de chômage, de maladies du 17ème siècle (peste, choléra...). Ridicule !

    Et paraît-il qu’il y a de sacrés éminents juristes dans ce pays (sans parler de l’auteure ci-dessus).

    • 15 juillet 2015 à 17:19 | zatobe (#8788) répond à Sabrina

      Mais cette constitution n’est pas valable. Qui ne sait pas cela sans même être juriste.
      Puisque qu’elle a été votée pendant une période de transition. Avec un président de transition. Une constitution n’est valable que lorsqu’elle est proposée par un président élu aux suffrages universelles. Aucune communauté internationale d’ailleurs ne la reconnait. renseignez vous. Je suis étonné que personne n’ait relevé cette anomalie.
      de toute façon elle serait valable .. serait elle respectée ?

    • 16 juillet 2015 à 16:11 | QUOUSQUE TANDEM (#543) répond à zatobe

      A noter lors du « vote » approuvant cette « constitution » l’enthousiasme des Antandroy chez lesquels le plus fort taux de participation et de « votes » favorables a été atteint.

    • 21 juillet 2015 à 10:34 | el che (#344) répond à zatobe

      Concernant Mada, la qualité de la Constitution n’est pas la cause première de dysfonctionnement, mais sa non-application par les tenants du pouvoir d’une part, et par la non-compétence de la HCC, qui ne sait pas juger en faisant appliquer la loi fondamentale, d’autre part.

  • 14 juillet 2015 à 15:11 | joba (#1217)

    est-ce qu’on peut voir cette LFR quelque part ?

  • 14 juillet 2015 à 18:30 | Turping (#1235)

    Apprentissage constitutionnel :qui la votera ,alors ,cette LFR ?
    - Normalement les législateurs ,les juristes sont là pour élaborer la constitution qui soit adaptable à un pays quelqconque souverain .
    - La problématique de base se repose sur le non respect de la constitution qui que ce soit arrivé au pouvoir pour que celle -ci soit taillée à sa convenance .En quelques sortes une constitution tripatouillée qui n’a pas de sens significatif pour accoucher une stabilité politique .
    - Une constitution à géométrie variable ,copiée /collée à celle de la France ,disons une constitution « bidon » sur la bonne et due forme sans être appliquée réellement dans son intégralité .
    - Le(s) présidnt(s) malagaches n’est ne sont pas des monarques .Ils ne sont pas non plus des vrais démocrates ni républicains avec la sauce de la démocratie à la malagache avec le non avancement réel tangible quant au dévéloppement et le social .
    - Le baromètre de l’avancement réel Sahondra Rabenarivo se mesure au niveau de l’IDH (indice de dévéloppement humain ),le PIB,le recul du taux de la pauvreté ,le recul du taux de l’illéttrisme ,....pour que tout le monde puisse se soigner ,manger à sa propre faim ,avoir un logement décent .
    - Un pays moins endetté qui produit davantage en exportant plus que ce qu’il importe en dimunuant l’insécurité ,la corruption ,....le reste c’est de la mascarade tant que le pouvoir ,la constitution ne s’inspire de l’avancement réel sur tous les plans .

  • 17 juillet 2015 à 19:46 | lanja (#4980)

    la constitution de la IV république a été élaborée sur fond de haine contre une personne... constitution propice au sakoroka en tous genre... elle ne convient pas à notre situation socio économique ... il nous faut des actions rapides , il nous faut un régime fort... on perd trop de temps avec les maladies infantiles de la démocratie de cette constitution

  • 20 juillet 2015 à 16:19 | Sandry (#7931)

    Quelle que soit la constitution, elle aura toujours des points faibles et des points forts. Des adeptes et des détracteurs. C’est au niveau de la mentalité qu’il faudra changer sinon il y aura toujours des dérives, que ce soit de la part de l’Exécutif que de la part du Législatif, voire même du pouvoir judiciaire.

    Aussi me semble-t-il important et essentiel de se focaliser sur l’éducation citoyenne, apanage des organisations de la société civile, que de perdre du temps sur des guéguerres d’école qui ne vont pas changer grand chose dans la pratique de la politique et encore moins dans la vie quotidienne de la population.

  • 21 juillet 2015 à 11:14 | Saint-Jo (#8511)

    Tsy izay Lalam-Panorenana mihitsy akory no olana eto amin’ity firenena ity.

    Fa ny toe-tsaina ratsy sy ny fomba amam-panao tena mamohehatra ataon’ireo mpanao politika sy ireo manam-pahefana isan-tsokajy sy isan’ambaratonga.

    Ny akamaroan’ireo avara-pianarana koa dia sahala amin’ny hoe havanana sy kinga ery amin’ny fahalalàna ny toe-tsaina sy ny kolo vahiny.

    Saingy kosa tsy mahafantatra izay toe-tsaina sy fomba ary kolon’ny tera-tanin’ity nosy ity akory.

    Dia napanongo tena mihitsy ny fahitàna ireny mpitondra fanjakana nangataka mba ho teny vahiny no hanaovany ny kabariny ireny.

    Tena makarenin-tsofina mhitsy koa ny mandre an’ilay olona mpanao resaka lava reny ao amin’ny radio free. Teny vary amin’anana ifangaroan’ny teny gasy sy ny teny vahiny. Tsy vitan’izay fa ny hevitra anankiray dia averimberiny im-polo fara fahakeliny ao anatin’ny fandraisany teny indray mandeha monja. Heveriny angaha fa donto na marenina ny olona manoloana azy !

  • 23 juillet 2015 à 19:11 | lanja (#4980)

    Toujours cette leçon de morale stérile ,légère et inefficace « il faut changer de mentalité »« sans aucune proposition concrète » , ceci n’est qu’un symptôme d’une paresse intellectuelle aiguë sévère

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