« De 1960 à 2011, les prix ont enregistré des variations annuelles moyennes supérieures à 11%. Ce qui veut dire que le niveau général des prix est multiplié par deux en 6 ans et 8 mois. En d’autres termes, l’Ariary perd 50% de sa valeur en moins de 7 ans et 75% de sa valeur en moins de 14 ans. Cela se traduit par des pertes répétitives des pouvoirs d’achat de ceux dont le revenu ne suit pas ou n’est pas indexé à l’inflation » annonce Tiaray Razafimanantena, statisticien économique spécialisé en statistique des ménages auprès de CREAM ou centre de recherche, d’études et d’appui à l’analyse économique à Madagascar. « Ce taux d’inflation élevé crée des incertitudes et des risques liés aux calculs inter temporels. Les agents économiques tendent à inclure plus de marge dans leurs calculs pour se préserver des risques. S’il n’y a pas de dépréciation de l’ariary qui accompagne une inflation plus forte que celles des concurrents de Madagascar, on a une perte de notre compétitivité internationale. Dans le cas d’une dépréciation de l’Ariary, il y aura une nouvelle inflation par les hausses des prix des produits importés, ceux des biens échangeables et ceux des autres produits » explique cet économiste statisticien. Notons que l’inflation à Madagascar est donc à deux chiffres alors que le taux moyen d’inflation en Afrique se situe entre 5 et 6%. En France, l’inflation ne dépasse pas généralement 2%.
Généralement, les salaires des fonctionnaires sont indexés à l’inflation ou à la rigueur, ils bénéficient d’un accroissement de 10% de leurs salaires par an. Par contre, la majorité des Malgaches qui travaillent dans le secteur primaire ne bénéficient pas de cette hausse de salaire. En effet, l’agriculture occupe 70% de la population active. Une baisse conséquente de pouvoir d’achat de ces ménages ruraux qui n’ont pas de revenu qui arrive à suivre l’inflation. Ainsi, un écart de 28 points est constaté entre le milieu urbain et le milieu rural lequel a un ratio de pauvreté supérieur à 80%.
Solutions proposées par le CREAM
« À court terme nous recommandons des interventions ponctuelles de l’État pour corriger les imperfections du marché (importations, subvention, prix, taxe..) ; il faudra aussi assurer le respect des règles du jeu par tous les acteurs, corriger les asymétries d’information pour plus de transparence, et rééquilibrer les pouvoirs de négociations entre offreurs et demandeurs sur les marchés » déclare Lazanoe Rajamarison, économiste principal du CREAM. À moyen terme, le CREAM propose qu’en compatibilité avec les objectifs de croissance économique, la solution se trouve dans une politique de hausse de l’offre au lieu de celle de la stabilisation. « Les marchés doivent être transformés pour devenir plus concurrentiels qu’oligopolistiques sauf pour les secteurs hautement stratégiques » poursuit ce spécialiste du CREAM. « À cela s’ajoutent les améliorations des infrastructures et moyens de transport, la permanence de la disponibilité des produits. Les consommateurs gagneront à être plus organisés pour plus de pouvoir sur les marchés et à gagner leurs habitudes de consommations. Il est aussi primordial de maîtriser la masse monétaire et les taux d’intérêt » rajoute-t-il.
La mise en œuvre de ces recommandations doit tenir compte des arbitrages entre un objectif de stabilité des prix et les autres objectifs économiques, sociaux et stratégiques du pays. « Des seuils aux alentours des taux annuels de 7% pourraient s’adapter aux objectifs des 10 prochaines années. Par la suite, sous condition de stabilités internes et internationales, le pays pourra ambitionner à un maintien d’un taux d’inflation annuelle en dessous de 3% » conclut Tiaray Razafimanantena.
Recueilli par Vonjy