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Tribune libre

Privilégier le courage moral

jeudi 26 janvier 2012

Il y a quatre mois passés, une lueur d’espoir flottait sur Madagascar quand les factions politiques représentants les acteurs majeurs de cette crise se sont retrouvées pour signer devant la communauté internationale un plan de sortie de crise, dont le but ultime était de garantir un renouveau institutionnel par l’organisation d’élections transparentes, équitables, dont les résultats ne souffriraient d’aucune contestation. Nous, simples citoyens avions pensé, apparemment naïvement, que les signataires étaient prêts chacun de leur côté, à avancer vers le chemin de l’apaisement nécessaire à la mise en place d’une République débarrassé des mauvaises habitudes du passé.

L’esprit même de cette feuille de route est d’assurer la neutralité de la fin de cette période transitoire en rééquilibrant les pouvoirs au sein des pouvoirs exécutif et législatif. La conséquence immédiate de cette feuille de route devait être, dans son esprit, une fin annoncée des prises de décision unilatérales, qui loin de favoriser le consensus, exacerbaient les tensions créées et entretenues par une frange extrême dont les intérêts n’ont rien à voir avec ceux du peuple malgache.

Personne ne saurait oublier, que ce qui nous a amené dans cette situation est la réplication permanente de pratiques liberticides qui ont in fine creusé l’écart entre les discours pompeux sur la démocratie, le Fihavanana, et la réalité d’un pouvoir exécutif faisant peu de cas des libertés fondamentales, s’arrangeant comme il le souhaite avec les lois de la République et les pratiques communément admises dans une démocratie digne de ce nom.

Il y a en effet, trois ans lorsque débutait cette crise, beaucoup ont espéré qu’il en était fini des procès mal ficelés, faits à la va vite et sans respect des textes en vigueur, sensés autant protéger la vitalité de la démocratie que réellement servir la justice.

Personne ne saurait oublier que sans les pratiques de Mr Ravalomanana, qui ont poussé au paroxysme les conséquences néfastes sur la démocratie et les libertés fondamentales des dérives d’un pouvoir sans contrôle, sans partage, nous ne serions pas aujourd’hui dans cette situation invraisemblable d’une Transition dirigée à l’aveuglette et qui n’aura tenu à ce jour aucune des promesses d’un véritable changement dans la pratique politique.

À ce titre :
- La façon dont le gouvernement de Mr Ravalomanana a fait « juger » son prédécesseur et les membres de son équipe furent une honte pour la Justice et le Droit.
- La façon dont le gouvernement de Mr Rajoelina a fait « juger » Mr Ravalomanana ne diffère en rien des pratiques du passé et de ceux de son prédécesseur. Si donc nous devons appliquer une sentence décidée dans un procès aussi rocambolesque qu’inéquitable, alors ce serait une régression claire et nette et ne ferait pas honneur à personne.

Certains ne font qu’embraser les feux non encore éteints d’un passé toujours présent en faisant tout pour perpétuer le cycle des violences politiques liées à la manipulation du système judiciaire et à cette créativité malsaine consistant à dire le Droit en dehors des règles constitutionnelles comme certains dans leurs entourages respectifs et en leur temps s’en sont fait une spécialité et apparemment continuent d’agir.

De même, Il y a trois ans, nous pensions qu’il en était fini de la pratique infâmante de l’exil et des fermetures d’aéroports pour empêcher certains de rentrer au pays.

- c’est le gouvernement de Mr Ravalomanana, encore une fois, qui a inauguré cette pratique de l’exil pour ses adversaires ainsi que les fermetures d’aéroports, et ce afin de d’assurer une victoire électorale sans efforts, en ayant minutieusement éliminé toute possibilité de réelle concurrence.
- La présidence de la Transition se comporte aujourd’hui comme l’exact double de celui qu’il condamne en n’agissant pas différemment. Il faut rappeler que la Feuille de Route signée autorise Marc Ravalomanana à rentrer de plein droit sur sa terre natale, droit par ailleurs constitutionnel et garanti par la Charte des Droits de l’homme (articles 9 et 13), intégrée dans l’ordonnancement juridique interne malgache.

Ce qui est un droit se révèle aussi être une nécessité guidée par l’Histoire, qui n’en finit pas de ne trouver aucun écho chez les acteurs principaux de cette crise.

Les citoyens de ce pays attendent de leurs dirigeants - et de ceux qui aspirent à l’être - le courage d’arpenter le chemin de la Paix en faisant les gestes nécessaires pour y parvenir. Pour certains, il s’agit de faire preuve d’humilité devant l’Histoire en reconnaissant publiquement leur responsabilité dans la situation d’aujourd’hui. Il est en effet profondément immoral de se faire le chantre de valeurs qui sous nos yeux et par leurs actions ont été réduits à l’état de slogan.

Les citoyens de ce pays attendent de leurs dirigeants qu’ils se hissent à la hauteur de l’Histoire. Pour cela, il faut se débarrasser des habits de la politique spectacle et prendre les décisions difficiles qu’impose la voie du pardon et du renouveau. Car les mots qui prenaient du sens il y a trois ans de cela ne peuvent incessamment être remis en cause par des décisions qui vont à l’encontre des idéaux qui étaient clamés dès lors, la main sur le coeur.

À la lumière des évènements récents, le fossé entre les différentes factions incarnées par les anciens présidents et l’actuel Chef de l’Etat semble vaste, mais la première erreur serait de renoncer à ce qui pourrait nous unir : la croyance que, même dans le plus profond des abysses, une lueur d’espoir peut émerger. Et que malgré tout, même les pires ennemis sur terre peuvent se réconcilier, en bonne intelligence, quand il s’agit de construire un idéal qui les dépasse. Cet idéal, c’est Madagascar et ses enfants.

Il n’est pas trop tard pour réussir, il n’est jamais trop tard pour la Paix, si tant est que c’est à elle que pensent nos responsables politiques.

L’idée de confier l’intégralité du pouvoir exécutif à une équipe gouvernementale, qui se veut d’union, peut permettre, à la présidence de la transition de jouer le rôle que tous attendent de lui : guérir avec sagesse les blessures du passé pour qu’elles ne nous hantent plus à l’avenir. Pour cela, il est du rôle et du devoir de la présidence de convoquer en toute transparence une réunion de haut niveau, où ceux là même qui font notre histoire depuis 3 décennies, aidés en cela par des esprits nourris de la Sagesse de nos Pères, pourront ensemble se concerter, s’accepter dans leurs erreurs comme leurs réussites, et appeler sur une base politique et morale commune à une refondation sans équivoque de la République.

Les résultats de cette réunion ne pourront qu’enrichir la feuille de route déjà signée. Ce ne serait pas une capitulation mais au contraire, une preuve de courage moral et de maturité.

Nous n’en attendons pas plus. Mais nous n’en attendons pas moins.

Hyacinthe BEFENO TODIMANANA

2 commentaires

Vos commentaires

  • 26 janvier 2012 à 18:11 | rafab (#6398)

    Voadika teny malagasy ofisialy ve ity lahateninao ity ?
    Mankasitraka anao ary mampahery ireo mpamaky rehetra,hiaina ary hampiatra amin’ny andraikitra misy azy avy ny tsara azo tsongaina avy amin’ity lahatsoratrao ity.

  • 28 janvier 2012 à 00:37 | Jean-Marie (#6405)

    De loin - un petit village en Bourgogne française - je pense comme vous.
    Evidemment je n’ai pas tous les éléments, je dois me contenter de l’information en français et je ne suis malgache que de coeur pour y avoir vécu mon enfance et y retourner le plus souvent possible.

    J’espère avec vous que ce courage moral va finir par se manifester.

    Jean-Marie

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