Facebook Twitter Google+ Les dernières actualités
lundi 25 novembre 2024
Antananarivo | 08h36
 

Documents

Politique foncière, c’est l’affaire de tous les citoyens

lundi 13 avril 2015 |  3740 visites 

RESUME

Des travaux et deÌ bats au sujet de la politique foncieÌ€re nationale sont en cours aÌ€ Madagascar depuis juin 2014. Une premieÌ€re version de la Lettre de Politique FoncieÌ€re 2015-2030 publieÌ e en feÌ vrier a provoqueÌ une greÌ€ve des techniciens de l’administration des domaines au mois de mars, notamment aÌ€ cause de propositions d’extension des compeÌ tences des communes dans la gestion foncieÌ€re contenues dans cette premieÌ€re version, dont ils exigent la reÌ vision.

ApreÌ€s un survol rapide des eÌ volutions de la politique foncieÌ€re aÌ€ Madagascar et un rappel des eÌ veÌ€nements survenus autour de la consolidation de la reÌ forme foncieÌ€re, le Collectif TANY deÌ veloppe ses arguments pour un renforcement de la deÌ centralisation de la gestion foncieÌ€re et reÌ iteÌ€re ses propositions pour une politique foncieÌ€re favorisant les inteÌ reÌ‚ts de la majoriteÌ de la population.



L’acte 2 de la reÌ forme foncieÌ€re malgache est en cours d’eÌ laboration. Selon les dernieÌ€res informations, le texte de cette politique foncieÌ€re, qui sera appliqueÌ e de 2015 aÌ€ 2030, sera preÌ‚t au mois de mai 2015 et soumis au vote des deÌ puteÌ s aÌ€ la prochaine session de l’assembleÌ e nationale.

Le Collectif TANY suit de preÌ€s le processus et a transmis des propositions sur le contenu de la lettre de politique foncieÌ€re qui deÌ crira les aspects majeurs de cet acte 2 de la reÌ forme foncieÌ€re.

Rapide historique de la politique foncière à Madagascar

Comme dans de nombreux pays d’Afrique, avant la colonisation, la possession de terres n’eÌ tait pas documenteÌ e par eÌ crit aÌ€ Madagascar. Le reÌ gime colonial a imposeÌ l’immatriculation et la possession de titres fonciers, pour permettre notamment aux colons de devenir proprieÌ taires. ApreÌ€s la colonisation, l’Etat malgache a maintenu le systeÌ€me de preÌ somption de domanialiteÌ qui consideÌ rait que toutes les terres appartenaient aÌ€ l’Etat. Et le seul moyen reconnu leÌ galement d’affirmer un droit sur la terre eÌ tait la possession d’un titre foncier treÌ€s long (plusieurs anneÌ es) et treÌ€s couÌ‚teux (500 dollars en moyenne, selon les experts) aÌ€ obtenir.

En 2005, une reÌ forme foncieÌ€re a annuleÌ la preÌ somption de domanialiteÌ pour la remplacer par une preÌ somption de proprieÌ teÌ . Les apports les plus importants de cette reÌ forme ont concerneÌ :

  • la creÌ ation de 5 types de statuts de terrains : le domaine public et le domaine priveÌ de l’Etat, les proprieÌ teÌ s priveÌ es titreÌ es et les proprieÌ teÌ s priveÌ es non titreÌ es, ainsi que les terrains aÌ€ statut speÌ cifique,
  • la reconnaissance des droits de proprieÌ teÌ aux occupants des proprieÌ teÌ s priveÌ es non titreÌ es sur la base d’une reconnaissance sociale par une commission locale composeÌ e du Maire, du Conseil Communal, des ray aman-dreny, des voisins,
  • et la deÌ centralisation de la gestion foncieÌ€re au niveau des communes aÌ€ travers la creÌ ation des guichets fonciers qui deÌ livrent des certificats fonciers plus accessibles aux paysans en termes de couÌ‚ts et de deÌ lais que les titres fonciers.

Quand les bailleurs de fonds qui ont appuyeÌ cette reÌ forme se sont retireÌ s de Madagascar en 2009 aÌ€ la suite de la crise politique, seul un tiers des 1500 communes malgaches eÌ tait doteÌ d’un guichet foncier. Entre la mise en place du premier guichet foncier en 2006 et la crise de 2009, 60 000 certificats fonciers ont eÌ teÌ deÌ livreÌ s, alors que de 1896 aÌ€ 2009, 400 000 titres fonciers ont eÌ teÌ deÌ livreÌ s.

En conseÌ quence, actuellement, environ dix pour cent de l’ensemble des terrains et parcelles existant sur le territoire sont munis d’un titre foncier ou d’un certificat foncier, seuls documents leÌ gaux reconnus par la loi. Les familles malgaches, occupants de 90% des terrains, sont donc susceptibles d’eÌ‚tre expulseÌ s, avec ou sans compensation.

Suite aux eÌ lections leÌ gislatives et preÌ sidentielles de deÌ cembre 2013, un lancement de l‘acte 2 de la reÌ forme foncieÌ€re a eÌ teÌ initieÌ en juin 2014 par les autoriteÌ s [1].

La première version de la Lettre de Politique Foncière 2015 et la grève des techniciens des services des domaines.

Suite aÌ€ des reÌ unions de consultation dans des grandes villes malgaches et apreÌ€s un Forum national sur le foncier de trois jours en feÌ vrier au CCI d’Ivato, ouÌ€ pour la premieÌ€re fois, les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des reÌ gimes fonciers applicables aux terres, aux peÌ‚ches et aux foreÌ‚ts dans le contexte de la seÌ curiteÌ alimentaire mises en place par le ComiteÌ pour la SeÌ curiteÌ Alimentaire mondial ont eÌ teÌ preÌ senteÌ es publiquement aÌ€ Madagascar, une version 1 de la Lettre de Politique FoncieÌ€re 2015-2030 dateÌ e du 23 feÌ vrier 2015 a eÌ teÌ publieÌ e par le MinisteÌ€re d’Etat en charge des Projets PreÌ sidentiels, de l’AmeÌ nagement du Territoire et de l’Equipement, en charge du Foncier [2]. Cette version 1 a preÌ senteÌ divers nouveaux points par rapport aÌ€ la Lettre de Politique FoncieÌ€re preÌ ceÌ dente, notamment dans le sens d’une plus grande possibiliteÌ d’attribution de terres aux populations, d’un accroissement des responsabiliteÌ s confieÌ es aux instances communales dans la gestion des terres et d’une ameÌ lioration de la gouvernance foncieÌ€re.

Le 27 feÌ vrier, quelques jours apreÌ€s la preÌ sentation de cette version 1 au Conseil des Ministres [3], trois syndicats des techniciens du Service des Domaines organisent un sit-in d’avertissement puis se mettent en greÌ€ve illimiteÌ e aÌ€ partir du 9 mars [4]. Les premieÌ€res raisons de la manifestation diffuseÌ es tournent autour d’une note ministeÌ rielle de feÌ vrier 2015 qui aurait maintenu la suspension de l’attribution de terrains aux particuliers mais autorise l’attribution de terres aux investisseurs. Puis au fil des jours, diffeÌ rentes revendications lieÌ es aÌ€ la Lettre de Politique FoncieÌ€re version du 23 feÌ vrier 2015 apparaissent : les syndicats se plaignent notamment de ne pas avoir eÌ teÌ consulteÌ s, demandent la reÌ vision de la nouvelle lettre de politique foncieÌ€re, adopteÌ e lors des assises du CCI d’Ivato, expriment le souhait que les services fonciers de l’Etat continuent aÌ€ « geÌ rer ses domaines priveÌ s » et « deÌ sapprouvent toute ideÌ e d’affectation de la gestion des domaines priveÌ s de l’EÌ tat aÌ€ la Commune  » [5].

Ainsi les syndicats ont manifesteÌ contre l’extension des compeÌ tences des communes car ils craignaient pour leurs preÌ rogatives, voire pour leurs revenus. Les techniciens des services de l’administration des domaines ont protesteÌ aussi contre la note ministeÌ rielle car la suspension de l’attribution de terrains aux particuliers leÌ sait suÌ‚rement leurs inteÌ reÌ‚ts.

Les syndicats ont suspendu leur greÌ€ve le 23 mars suite aÌ€ une entrevue entre une deÌ leÌ gation des manifestants et des eÌ missaires du PreÌ sident de la ReÌ publique [6].

Pour une reÌ partition des taÌ‚ches claires entre les services fonciers et les communes

Un choix politique majeur devra donc eÌ‚tre pris au niveau de la gestion foncieÌ€re dans les prochaines semaines :

  • soit, conformeÌ ment aux deÌ sideÌ ratas des techniciens des domaines, toutes les opeÌ rations et deÌ marches concernant le Foncier continueront aÌ€ eÌ‚tre reÌ aliseÌ es au niveau des 40 services fonciers de l’iÌ‚le notamment pour les habitants des plus de 1 000 communes qui n’ont pas de guichets fonciers.
  • soit, conformeÌ ment aÌ€ la volonteÌ deÌ clareÌ e par l’Etat malgache de poursuivre la deÌ centralisation, l’extension de la gouvernance deÌ centraliseÌ e du Foncier sera acceÌ leÌ reÌ e.

Si l’option centralisation des taÌ‚ches par les services fonciers eÌ tait retenue, et aÌ€ supposer meÌ‚me qu’on arrive d’ici quelques anneÌ es aÌ€ doter les 119 districts d’un service foncier, cela restera toujours trop couÌ‚teux en temps et en argent pour les citoyens, notamment ceux des zones rurales. Les demandes et obtentions de document leÌ gal, tel que le titre foncier, les enregistrements, mutations, et autres proceÌ dures continueront aÌ€ eÌ‚tre un parcours du combattant difficilement reÌ alisable malgreÌ beaucoup de bonne volonteÌ , aÌ€ cause du temps de deÌ placements vers les bureaux et des va-et-vient multiples exigeÌ s des usagers, ainsi que des longs deÌ lais entre le deÌ poÌ‚t d’une demande et la disponibiliteÌ des agents des domaines pour venir sur le terrain, sans parler des couÌ‚ts.

En revanche, l’option gouvernance deÌ centraliseÌ e du Foncier releÌ€ve de la logique et du bon sens. Les deÌ marches et proceÌ dures sur les terres, l’acquisition des documents et informations sur la situation juridique de leurs terrains et des parcelles de leur terroir, de leur fokontany et commune, la connaissance des diffeÌ rentes lois sur le foncier seront faciliteÌ es si les bureaux concerneÌ s sont proches et accessibles aÌ€ tous les citoyens.

Le Collectif TANY suggeÌ€re que les agents communaux prennent en charge progressivement les actions requeÌ rant une preÌ sence sur le terrain, des enqueÌ‚tes de voisinage, des teÌ moignages des anciens et une reconnaissance sociale. Cette responsabilisation des agents et responsables des communes est pertinente aussi bien pour la reconnaissance des droits de chaque citoyen, que pour l’attribution de terrains aÌ€ des personnes comme les paysans et les jeunes sans terre, aÌ€ une communauteÌ pour deÌ velopper l’agriculture ou aÌ€ des socieÌ teÌ s pour divers investissements, car seules les communauteÌ s locales connaissent les usages divers de leurs territoire comme les zones de paÌ‚turage qui sont trop souvent attribueÌ es par les agents de l’Etat aÌ€ des investisseurs. Les techniciens des services des domaines se focaliseront sur la formation des agents et responsables des communes, sur le suivi de la reÌ alisation et le controÌ‚le de leÌ galiteÌ , en effectuant des visites systeÌ matiques par intermittence, et sur la coordination au niveau des districts ou de l’ensemble de l’iÌ‚le.

Les hauts responsables et les eÌ lus fortement impliqueÌ s

Les greÌ vistes des services des domaines ont agi de manieÌ€re astucieuse et sournoise en commençant par justifier leur greÌ€ve par la contestation et la divulgation de la note ministeÌ rielle qui suspendait l’attribution de terres aux particuliers mais pas aux investisseurs, car non seulement ils ont donneÌ une image patriotique aÌ€ leur mouvement mais en plus ils ont geÌ‚neÌ grandement les dirigeants dont les techniciens des services des domaines deÌ tiennent plus d’un secret sur les transactions foncieÌ€res.

Mais les inteÌ reÌ‚ts corporatistes d’un millier de personnes passeront-ils avant l’inteÌ reÌ‚t geÌ neÌ ral de millions d’habitants de toute l’iÌ‚le dont la Lettre de Politique FoncieÌ€re s’efforce d’ameÌ liorer les conditions d’attribution et de gestion des terrains ?

Les dirigeants malgaches actuels vont-ils continuer aÌ€ proteÌ ger les « puissants  » au deÌ triment de la majoriteÌ de la population ?

Des chercheurs, dont nous ne partageons pas forceÌ ment toutes les analyses et conclusions, viennent en effet de publier dans un ouvrage intituleÌ « Madagascar : anatomie d’un eÌ tat de crise » que « chaque reÌ gime a chercheÌ aÌ€ renforcer son pouvoir en [..] s’assurant le soutien d’un groupe restreint d’acteurs influents [...] . EnfermeÌ dans une logique de court terme, aucun n’a chercheÌ aÌ€ reÌ pondre aux aspirations populaires. Au contraire, l’oubli et l’exclusion de cette grande majoriteÌ , essentiellement rurale, a eÌ teÌ une constante de l’histoire malgache. Ce sont les meÌ contentements accumuleÌ s de cette majoriteÌ qui aÌ€ chaque fois, ont conduit aÌ€ des mobilisations et au renversement des reÌ gimes en place  » [7].

Les meÌ‚mes questions s’adressent aux deÌ puteÌ s et eÌ lus qui auront le dernier mot au moment du vote du texte sur la politique foncieÌ€re.

Les propositions du Collectif TANY

Le Collectif TANY a deÌ jaÌ€ eÌ mis des propositions preÌ cises en vue de cette lettre de politique foncieÌ€re 2015 [8]. Au cours de l’eÌ tape actuelle des deÌ bats, le Collectif TANY tient aÌ€ reÌ iteÌ rer qu’un deÌ veloppement inclusif et durable neÌ cessite :

  • la mise en place d’une politique de gestion des terres seÌ curisant les exploitations paysannes et favorisant en prioriteÌ les inteÌ reÌ‚ts de la majoriteÌ de la population malgache constitueÌ e par les cultivateurs, eÌ leveurs et peÌ‚cheurs, dans l’acceÌ€s durable aux ressources et la promotion des investissements,
  • le renforcement des droits des communauteÌ s locales qui vivent et travaillent sur les proprieÌ teÌ s priveÌ es non titreÌ es (PPNT) de manieÌ€re leÌ gitime, et la leÌ galisation des droits des occupants des terrains aÌ€ statut obsoleÌ€te,
  • la mise en place prioritaire d’une loi sur les zones de paÌ‚turage de vastes surfaces,
  • un inventaire des terrains de l’Etat deÌ jaÌ€ ceÌ deÌ s aÌ€ des individus et socieÌ teÌ s, nationaux ou eÌ trangers, accompagneÌ d’enqueÌ‚tes seÌ rieuses sur le terrain et suivi de la mise aÌ€ disposition publique des donneÌ es sur internet,
  • l’arreÌ‚t de l’attribution de terres aux investisseurs, sous forme de bail emphyteÌ otique, de concessions ou autres et l’arreÌ‚t des accaparements de terre, car ils foulent aux pieds les droits des familles malgaches.

ConsideÌ rant que les terres malgaches constituent une ressource naturelle importante dont tous les citoyens malgaches doivent veiller aÌ€ la gestion et un territoire sur lequel ils devraient eÌ‚tre les premiers aÌ€ s’eÌ panouir et se deÌ velopper, le Collectif TANY souligne que l’ensemble des citoyens doit eÌ‚tre pleinement informeÌ et impliqueÌ dans toutes les deÌ cisions prises concernant les terres. Le Collectif TANY reÌ iteÌ€re eÌ galement sa proposition d’un ameÌ nagement du territoire, notamment dans les zones rurales et peÌ riurbaines, accordant la prioriteÌ aÌ€ la deÌ limitation d’espaces du territoire deÌ dieÌ s exclusivement aÌ€ l’autosuffisance alimentaire locale, et d’une utilisation des terres et de l’eau privileÌ giant les exploitations familiales et/ou communautaires afin d’assurer des emplois indeÌ pendants, des revenus deÌ cents et une alimentation correcte aÌ€ la majoriteÌ des Malgaches des geÌ neÌ rations preÌ sentes et futures.

Paris, le 11 avril 2015
Le Collectif pour la DeÌ fense des Terres Malgaches - TANY

patrimoine.malgache@yahoo.fr
http://terresmalgaches.info
http://www.facebook.com/TANYterresmalgaches

1 commentaire

Vos commentaires

  • 14 avril 2015 à 07:00 | MAHITSITENY (#8793)

    Salama !

    Tsotra ihany ny tanjona :

    1-AOKA NY TANY HO AN’IZAY TENA NANAMAINTY MOLALY AZY

    2-AOKA HANGARAHARA NY FANANAN-TANY.

    Ny mampalahelo mantsy dia izao :

    heverin’ny « Domaines » fa azireo ny tany ka izay tiany atao no atao.

    Izay no mahatonga io ady tany bobaka be @fitsaràna io.

    Misaotra