Facebook Twitter Google+ Les dernières actualités
dimanche 12 mai 2024
Antananarivo | 13h37
 

Economie

Fetison Andrianirina

Le développement passe par l’appui au monde rural

lundi 21 avril 2008 |  1684 visites 

Madagascar Tribune : Ces derniers temps, le Président de la République a lancé un vaste programme qu’est « la révolution verte « pour endiquer, voire enrayer la pauvreté à Madagascar, qu’en pensez-vous ? Comment caractériser la politique rurale présente ?

- Fetison Andrianirina : « Madagascar, au même titre que l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Danemark... est un pays à vocation agricole, mais contrairement à ceux-ci, nous n’arrivons pas à développer et à faire décoller notre monde rural. Nous devrions nous demander pourquoi ? En effet, nous n’exploitons que 25% des 80 millions d’hectares cultivables à notre disposition. Ne nous étonnons pas si la sécurité alimentaire est loin d’être assurée. Ce qui impose immédiatement à l’observation, c’est l’absence de pensée d’une politique agricole quelconque, autre que celle jusqu’ici préconisée par nos Bailleurs de Fonds bi ou multilatéraux, privilégiant le développement du monde rural. D’abord, nous n’avons pas su alléger le poids de notre passé colonial. La politique agricole que nous avons héritée, repose sur la pratique des cultures de rente destinées, en premier lieu, à satisfaire les besoins alimentaires des pays de l’Europe ou d’ailleurs, donc des cultures à vocation d’exportation. Ensuite, les ajustements macroéconomiques par le bas comprimant les salaires et détruisant la protection du travail, alignant le comportement budgétaire et monétaire automatiquement sur les normes des marchés spéculatifs, détruisant l’efficacité des mécanismes fiscaux et de protection sociale. L’Ajustement Structurel convenu avec les Bailleurs de Fonds nous a obligés de supprimer toute forme de subventions, y compris celles qui devaient protéger nos paysans de la concurrence mondiale et augmenter la production agricole nationale. Pour devenir un bon élève des Bailleurs de Fonds, nous avons toujours essayé de respecter et de suivre leurs conseils. Dans plusieurs domaines, ceux-ci répondaient effectivement à nos besoins mais dans bien d’autres, ils le sont moins. Le traitement de notre monde rural en est une preuve. En supprimant les subventions ou autres formes d’intervention de l’Etat dans ce domaine, nous avons signé l’arrêt de mort de notre paysannerie, signe d’une production agricole et animale toujours insignifiante. Nos Bailleurs de Fonds et nos Partenaires semblent oublier qu’avant de devenir une puissance économique, les pays développés ont soutenu fortement leur monde rural... »

Pouvez-vous en citer quelques exemples concrets ?

- « L’Europe n’a jamais grandi sans la mise en pratique de la politique agricole commune (PAC), I’Amérique n’a pas pu développer ses cultures de maïs dans le Middlewest ou sa production de coton sans les subventions énormes que le Gouvernement Américain a apporté. Et je ne peux pas passer aussi sous silence l’aide gouvernementale japonaise pour soutenir la culture rizicole locale. Aujourd’hui, je me réjouis de l’intérêt grandissant que réserve le Président de la République sur le développement du monde rural. L’agro-business, le projet « Future Farmers of Madagascar » doivent faire partie de la politique intérieure, idéale pour Madagascar pour créer le plein emploi, satisfaire les besoins alimentaires nationaux, équilibrer la pression démographique et réduire l’insécurité. Surtout, face à la crise alimentaire qui frappe 35 pays de ce monde, Madagascar ne doit son salut qu’à la prospérité de son monde rural. De ce fait, nous ne devons plus avoir peur d’apporter notre nouvelle vision du monde rural. La révolution verte à Madagascar ne peut être possible sans un mécanisme propre à nous, tenant compte de nos cultures, de notre situation géographique et des appuis.

Vous semblez être contre les conditionnalités et recommandations des Bailleurs de Fonds...

- « Non, pas du tout. Mais en tant que bénéficiaires d’importants prêts et aides de leur part, nous devons en faire bon usage et que ceux-ci aient réellement d’impacts positifs sur le quotidien de la population. Sinon, ces financements deviendraient des dettes immorales et un fardeau pour la génération future, donneraient un effet contraire. Profitons des expériences des autres. D’après le CNUCED, en Afrique Subsaharienne, pour 1 USD qui rentre chez elle, on a enregistré 1,6 USD qui sort. A qui la faute ? Ce n’est pas à nous d’en juger mais l’important est de savoir aujourd’hui que si nous recevons de l’aide financière, nous devrons l’utiliser comme levier pour un réel développement économique du pays. Si nous sommes conscients du rôle que va jouer notre paysannerie dans les proches années à venir, nous saurons comment l’aider et la soutenir avec ou sans la bénédiction de nos partenaires. Satisfaisons d’abord nos besoins
alimentaires locaux, nous exportons par la suite. Nous rentrerons progressivement dans une économie de marché tournée vers l’exportation. Tout est question de timing et de priorité. »

Vous avez parlé agro-business, est-ce que les actuelles cultures bio-énergétiques peuvent-elles être bénéfiques pour le pays ?

- « Tout est question de priorité. Est-ce vraiment ce que Madagascar aurait besoin face au développement des recherches pétrolières en passe de devenir réalités en ce moment. A mon avis, la bio-énergie n’est pas le bon choix pour le moment. Nous avons d’autres priorités qui sont I’autosuffisance alimentaire et la sécurité alimentaire. Concentrons nos efforts dans ce sens d’abord, vu l’évolution de la crise alimentaire et la hausse vertigineuse des céréales ou autres produits vivriers sur le marché mondial. Je reste toutefois d’accord si ces cultures de jatropha ou autres seront effectuées sur des superficies non utilisées pour les cultures vivrières ou autres. »

Vous êtes opérateur économique mais en même temps Conseiller Régional d’Analamanga. Quel message souhaiteriez-vous adresser à la population ?

- « Ensemble, nous avons pu mettre en place toutes les structures et tous les organes de fonctionnement d’une République digne de ce nom. La « Politique » a fait son travail. Est-il vrai que le système n’a pas pu tenir compte de toutes les idées de développement du pays mais une chose est sûre : tout le monde a pu s’exprimer et arrêter un choix et ce - quelle que soit la façon dont chacun l’a présenté - c’est la démocratie. Faisons vaincre maintenant le développement économique qui, sans une certaine stabilité politique, ne sera jamais au
rendez-vous. Echangeons nos idées, unissons nos efforts, réconcilions nos points de vue et plaçons Madagascar dans un contexte enviable en matière de développement économique, social, culturel et d’alternance démocratique et douce. »

Recueilli par R.C.

Publicité




Newsletter

[ Flux RSS ]

Suivez-nous

Madagascar-Tribune sur FACEBOOK  Madagascar-Tribune sur TWITTER  Madagascar-Tribune sur GOOGLE +  Madagascar-Tribune RSS