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Tribune libre

Commission Vérité et réconciliation

Des contre-vérités et réalités sur l’amnistie

mardi 28 septembre 2010

Les spéculations sur « l’amnistie » continuent de défrayer la chronique à Madagascar. Les ailes extrémistes de l’actuel régime continuent de scander qu’aucune forme d’amnistie ne saurait être possible concernant les condamnations à caractère politique liées aux crises, qui ont pourtant déconstruit la société malgache depuis 2002, et ce par souci de ne pas faire triompher « l’impunité ».

Malheureusement l’argument de la lutte contre l’impunité ne peut en aucun être mis au service de basses manœuvres de petite politique, qui au final dénaturent, voire annihilent la cause qu’elle est censée servir (c’est ce qu’on appelle en anglais le « reverse effect »). Aussi, l’expérience de cette Transition désastreuse et honteuse sur bien des plans, la qualité des membres de l’Exécutif proches de M. Rajoelina, pour ne citer que M. Ratsirahonana, nous font penser que l’impunité n’est qu’un mot – auquel on n’a donné aucune substance - comme tant d’autres pour justifier une politique rondement menée d’élimination politique afin d’écarter tout adversaire de poids pour la prochaine élection présidentielle, pour ne citer que le cas de Pierrot Rajaonarivelo. Sur ce sujet, il est heureux que la majorité des électeurs malgaches ne soient pas dupes, notamment lorsqu’il est porté à leur attention une analyse la plus objective possible, étayée par des faits têtus, des raisons sous-tendant cette incessante invocation de l’impunité. À notre grand regret, mais sans réelle surprise, nous constatons que le gourou de la Transition et ses affidés persistent - et signent- à défendre cette ligne qui ne les honorent pas afin de faire aboutir leur objectif au prix de nouvelles crises plus violentes dans le futur : à savoir espérer continuer à rester au pouvoir en faisant élire Andry Rajoelina 1er président de la 4è république, en le faisant renier –pour une nième fois- sa parole...

Depuis que le président de la HAT a affirmé ne pas être apte à « amnistier » par voie d’ordonnance les condamnés politiques de 2002 (bien que Mr Rajoelina ait fait valider par Norbert Ratsirahonana – qui l’a lui même rédigé- et ses complices dans la sphère judiciaire l’ordonnance le portant à la tête de la Transition et ce en dehors des dispositifs constitutionnels en vigueur, en en faisant ainsi un coup d’État judiciaire)), ses partisans ne se lassent pa d’affirmer avec beaucoup de légèreté que l’amnistie devrait désormais dépendre de l’avis d’une commission « Vérité et Réconciliation » , à ériger, et seule apte à amnistier ou non ces condamnés politiques. Voulant s’imprégner du concept de « Vérité et Réconciliation » déjà mis en œuvre dans plusieurs pays au sortir de crises politiques, notamment en Afrique du Sud, les barons de la HAT, son président en tête, affirment que ne pourront bénéficier de l’amnistie que ceux qui oseront confesser auprès de ladite commission leurs forfaits.

Face à ce marchandage politique honteux dont l’objectif final ne vise qu’à se venger et à éliminer leurs adversaires politiques, nous pouvons démontrer ci-après « l’absurdité » de tels arguments et surtout la « paresse, voire la tromperie intellectuelle » sur laquelle ils sont fondés. Car, à tout point de vue, tous ceux qui véhiculent ce genre d’argument ne font que prêcher le faux et semer des mensonges pour polluer l’opinion en vue de faire passer leur funeste dessein : éliminer arbitrairement leurs adversaires politiques afin de pouvoir confisquer plus facilement et plus longtemps le pouvoir qu’ils se sont appropriés grâce à un coup d’État judiciaire.

Les contrevérités sur l’amnistie et le concept de vérité et Réconciliation

D’abord, il est nécessaire de dénoncer toutes les contrevérités liées à la notion de l’amnistie et sur lesquelles se fondent les arguments de la HAT et ses sympathisants.

Selon eux : la commission Vérité et Réconciliation traitera la question d’amnistie de ceux qui ont commis des crimes de sang et des crimes financiers, notamment les « détournements de deniers publics ».

Disons le tout net : cette première contrevérité, au-delà de l’absurdité qui la sous-tend en liant les crimes de sang (atteintes aux droits de l’homme) et les détournements de deniers publics ne vise qu’une personne : Pierrot Rajaonarivelo. Tout simplement parce que celui-ci a été condamné par le régime de Ravalomanana pour détournement de deniers publics, non pas que les faits qui lui sont reprochés soient fondés mais tout simplement parce qu’étant un chef politique d’envergure et, donc, craint par ses adversaires, il faisait (déjà) de l’ombre à Marc Ravalomanana et son parti, car il était (déjà, aussi) le seul capable de compromettre les chances de ceux-ci de gagner les élections successives qui se sont déroulées depuis 2002. Cela a été maintes fois prouvé notamment par l’acte de « déni de justice » grave entrepris par Marc Ravalomanana en 2006, lorsque celui-ci empêcha le retour de Pierrot Rajaonarivelo à Madagascar de façon scandaleuse et rocambolesque en allant jusqu’à fermer aéroports, ports et espace aérien pour éviter que celui-ci mette les pieds sur le territoire malgache, au lieu de faire procéder, dès son arrivée, à son arrestation, au vu des faits qui lui étaient reprochés et sur lesquels la soi-disante justice s’était prononcée. Une seule raison : cette condamnation n’avait - et n’a toujours pas d’ailleurs - ni queue ni tête.

Ceci étant, lier les crimes de sang et les détournements de deniers publics dans un concept de « Vérité et Réconciliation » relève du moins de l’ignorance primaire, sinon d’une absurdité intellectuelle sans bornes.

Toutes les commissions de Vérité et Réconciliation ayant eu cours dans l’histoire de plus de 30 pays sont, exclusivement, rattachées aux cas de crimes portant atteintes aux droits de l’homme : viol, assassinat, meurtres, exactions, tortures…, un acte ayant mis en contact « des victimes » et des « bourreaux ». Le site « truthcommission.org » qui donne le plus d’informations sur cette question de « Commission de vérité et Réconciliation » précise que c’est « la violence » qui est à l’origine de cette forme extrajudiciaire du concept de Vérité et Réconciliation. Celle-ci a pour vocation : d’abord de « rendre leur dignité aux victimes » et, ensuite, « d’amnistier » les bourreaux qui, après en avoir fait la demande, osent confesser leurs fautes.

Tous ceux qui s’écartent de cette notion ne sont malheureusement que des personnes faisant l’apologie des mensonges et ne peuvent en aucun cas parler de concept de « Vérité et Réconciliation ».

Par ailleurs, selon les mêmes manipulateurs de la Loi au sein de la HAT et autour de Norbert Ratsirahonana, seules les personnes qui ont « déjà » été condamnés peuvent bénéficier de l’amnistie (par la commission Vérité et Réconciliation).

Cet argument est la seconde et la 3ème contrevérité.

La seconde contrevérité d’abord : Dans une juridiction normale, dans un État de droit, effectivement, l’amnistie concerne des personnes qui ont déjà été condamnées par la justice. Une amnistie pourrait leur être accordée par l’autorité si les condamnés la lui demandent et si ladite autorité, pour des raisons notamment politique, estime que pour des cas exceptionnels, une amnistie s’avère nécessaire.

Les condamnés politiques de 2002 n’ayant pas commis de crimes de sang sont concernés par le premier cas : Ils peuvent effectivement être amnistiés par voie d’ordonnance sans attendre l’instauration d’une commission de Vérité et Réconciliation. Cela est d’autant plus vrai dans la situation qui prévaut actuellement puisque le pouvoir transitoire est arrivé à la tête du pays par un coup d’État judiciaire (le 3è orchestré par Norbert Ratsirahonana en 20 ans), et qu’il a dissolu toutes les institutions parlementaires, organe législatif indispensable à un véritable État de Droit, et que de ce fait il gouverne par voie d’ordonnance (prenez le cas de la Loi de Finances) alors, par parallélisme des formes, ce pouvoir transitoire a, effectivement, toutes les prérogatives « d’amnistier » ces condamnés politiques directement par la même voie. Le reste n’est que mensonge et juridisme de pacotille qui ne convainc que Norbert Ratsirahonana, son chef institutionnel et leurs fans.

Or, le président de la HAT refuse invraisemblablement de l’admettre (mais est-il en capacité morale, intellectuelle, politique de l’admettre - cela est une autre question ?).

La 3ème contrevérité ensuite : Il est faux de croire que ce sont seulement ceux qui ont été « condamnés » qui peuvent bénéficier de l’acte d’amnistie. Affirmer cela c’est renier complètement la nature même de la commission Vérité et Réconciliation. Au contraire, et c’est cela qui donne valeur à ce concept. La commission Vérité et Réconciliation a été instituée, d’abord, pour répondre aux aspirations des « victimes » : son droit à retrouver sa dignité bafouée par ses bourreaux et l’obligation, pour l’État, de réparer ces torts par le biais d’une politique « d’indemnisation ».

L’essence même d’une commission vérité et Réconciliation se trouve dans sa capacité à « réunir » les victimes face à leurs bourreaux. Les victimes exigent que les vérités soient dites et « leurs bourreaux » tenus de les avouer, du moins de les reconnaitre. Ceux-ci ne sont pas des condamnés mais plutôt des membres de l’administration publique : des membres du gouvernement, des policiers, des gendarmes, des militaires, des magistrats, des médecins etc… qui sont, pour la plupart, encore en fonction, alors qu’ils ont ordonné, encouragé, commis et justifié des exactions.

Une fois que les victimes désignent leurs bourreaux, la commission convoque ceux-ci pour enquêtes. Si leurs responsabilités dans les exactions dévoilées par les victimes sont avérés, alors la commission décide de traiter la possibilité de leur amnistie si, et seulement si, ils en font la demande eux-mêmes. Faute de quoi, la commission transmet le dossier à la juridiction ordinaire pour qu’ils soient jugés.

Aussi, contrairement aux idées reçues (ou surtout véhiculées par Norbert Ratsirahonana et les partisans de la HAT ), ce ne sont pas seulement ceux qui ont été condamnés (notamment par une justice dite « des vainqueurs ») qui sont concernés par l’amnistie mais aussi et surtout ceux qui ont toujours su et pu (jusqu’à ce jour) échapper à la justice et/ou que la justice manipulée par un Exécutif - surtout lorsqu’il est illégitime comme celui de Transition- a toujours voulu protéger, et qui sont encore en fonction.

Autre mensonge proférés par les extrémistes de la HAT : L’amnistie doit attendre les travaux de la commission Vérité et Réconciliation pour être prononcée.

C’est la 4ème contrevérité : Il y a ceux qui continuent à insinuer que l’amnistie ne doit pas être accordée tant que la commission Vérité et Réconciliation n’est pas préalablement instituée. Ce genre d’argument vise en réalité à justifier maladroitement, encore et toujours, l’élimination de leurs adversaires politiques de la course aux élections notamment la présidentielle. Sachant que les enquêtes de la commission ne pourront aboutir qu’après un temps assez long (pour aller dans le fonds des sujets), il s’agit par là de repousser toute amnistie aux calendes grecques, du moins après les échéances électorales majeures. Ils pensent qu’en propageant auprès de l’opinion publique un tel illogisme ils arriveront à se débarrasser de tous les candidats de poids susceptibles de compromettre cette stratégie d’un autre temps qui consiste à voler coûte que coûte la victoire.

En réalité, dans l’état actuel où se trouve notre pays dirigé par un régime exceptionnel (non élu, et donc souffrant de légitimité), l’amnistie peut être décrétée par voie d’ordonnance pour toutes les personnalités politiques condamnées pour des raisons directement ou indirectement politiques mais qui n’ont commis aucun crimes de sang. Cependant, ceux qui ont porté atteinte aux droits de l’homme, qu’ils soient déjà condamnés ou pas, doivent, en revanche, se soumettre à la décision de la commission de Vérité et Réconciliation pour pouvoir bénéficier de l’amnistie.

Mieux, le cas de l’Afrique du sud est éloquent en la matière : en 1993, des décisions d’instaurer la commission vérité et réconciliation devant amnistier les auteurs de crimes (aussi bien les membres du régime de l’apartheid que ceux de l’ANC) ont été prises, bien que la création proprement dite de la commission, par le Parlement, ne soit survenue que deux ans plus tard, en 2005. Cela n’a pas empêché qu’en 2004, une élection présidentielle a eu lieu de façon « inclusive », libre pour tous les sud-africains. La promesse « officielle » d’amnistie - décidée antérieurement (en 2003) – n’a pas rendu inéligible les personnes qui seront convoquées plus tard afin de demander une amnistie.

Cela a été également le cas au Libéria lorsque Madame Sirleaf Johnson a été élue présidente du Libéria (en 2006) avant même que sa responsabilité dans les crimes de sang durant la guerre civile, ne soit soulevée par les enquêtes menées par la commission, trois ans plus tard, en mois de juillet 2009.

Contrairement alors aux spéculations des membres de la HAT , Norbert Ratsirahonana en tête, qui voient dans la procédure d’Amnistie, non pas une manière de rechercher la vérité en vue d’apaiser le climat politique, mais simplement un moyen facile d’éliminer des adversaires politiques, l’amnistie n’est surtout pas à réduire gratuitement à « l’inéligibilité des adversaires politiques ». Sinon, ce serait de l’injustice, un simple mépris de la dignité des victimes et, par extension une souillure indélébile sur la mémoire nationale.

Les réalités

Au vu de tout ce qui précède, il est alors nécessaire de clarifier certains points concernant l’amnistie et la commission Vérité et Réconciliation.

Et nous partons du rapport de l’Unesco relatif à la commission vérité et réconciliation en Afrique du sud, lorsqu’il affirme que : « La Commission vérité et réconciliation » (CVR) est chargée de recenser les violations des droits de l’homme commises entre 1960 et 1994 et d’indemniser les victimes. Elle n’a aucun pouvoir judiciaire, sauf celui d’accorder l’amnistie aux auteurs de violations qui la demandent, à condition que le requérant « expose tous les faits » et qu’il prouve que ses crimes étaient « politiquement motivés ».

En premier lieu, mettre le mot « vérité » avant celui de « Réconciliation » signifie que l’objectif de la commission et la raison d’être du concept consistent à s’occuper surtout du sort des « personnes victimes » des exactions violentes et meurtrières : c’est laisser les victimes s’exprimer en premier ; leur donner l’occasion de rapporter, à travers leurs propres récits, les actes répréhensibles qu’elles ont subis (tortures, viols, meurtres des proches, les détentions politiques, disparitions…) ; leur donner la liberté de parole dont elles ont été privées depuis. C’est seulement après que les victimes se soient exprimées que les présumés bourreaux (appelés en Afrique du sud de : « perpetrators », donc les auteurs des crimes) sont convoqués par la commission pour répondre aux accusations qui leurs sont portées. Ces « perpetrators » sont alors tenus de « dire la vérité » : avouer leurs forfaits publiquement, car c’est la contre partie de leur « amnistie ». Encore une fois, le même rapport explique que : « Faire la lumière sur les violations massives des droits de l’homme, en sollicitant différents points de vue, facilite le processus de compréhension, tandis que la reconnaissance publique des souffrances non dites et de l’injustice permet de rétablir la dignité des victimes, et offre aux auteurs de violations une occasion de reconnaître leur faute ».

Voilà l’esprit qui sous-tend la commission Vérité et Réconciliation. Ce n’est qu’une fois les « vérités connues » que, seulement, la « réconciliation » peut devenir possible. On est donc loin du concept « vengeur » et « de haine » que certaines personnalités politiques cherchent à galvauder ici et là en vue de se débarrasser des adversaires politiques qu’ils estiment (et pour la majorité d’entre eux, savent) ne pas pouvoir battre loyalement dans une élection démocratique.

Ensuite, l’essence dudit concept étant le rapport entre la victime et son bourreau, la commission Vérité et Réconciliation n’est pas faite pour « juger » mais pour « amnistier ». C’est cela qui la distingue nettement des juridictions ordinaires ou des tribunaux traditionnels puisque devant la situation nettement exceptionnelle qui prévaut dans pareille circonstance, seule une approche « extrajudiciaire » peut être à même et la plus appropriée pour répondre aux exigences d’un problème politique, par nature complexe.

Dans tous les pays ayant adopté la CVR, il a été démontré que les « perpetrators » (auteurs des crimes) sont majoritairement des fonctionnaires et des hommes politiques d’un régime donné, ils sont présents dans la police, la gendarmerie, la magistrature, le gouvernement etc., ce qui explique que les preuves « matérielles » pour les inculper sont souvent difficiles à produire, mais puisque justice doit être rendue aux victimes, c’est cette approche « extrajudiciaire », s’appuyant sur les récits des victimes, les enquêtes de la commission de vérité et réconciliation ainsi que les aveux des auteurs de crimes, qui est, en terme de solution, la plus pertinente.

C’est la raison pour laquelle les bourreaux peuvent bénéficier d’une mesure d’amnistie quand, après avoir accepté d’avouer leurs forfaits (à condition encore que ceux-ci aient été commis sur ordre de leur hiérarchie et qu’ils croyaient – ce faisant - servir un « objectif politique »), ils en font la demande. Les auteurs de crimes ont alors tout intérêt à dire la « vérité » car c’est leur voie vers leur liberté.

En outre, contrairement au « jugement de vainqueur » type Nuremberg (ou comme à Madagascar, « la » justice de Ravalomanana contre les membres du régime Ratsiraka, ou encore celui de la HAT actuel envers les membres du régime Ravalomanana), et l’amnistie générale dont bénéficiait les militaires comme au Chili après la disparition de Pinochet, la CVR, en tout cas celle ayant eu court en Afrique du Sud, n’a amnistié que 1312 cas sur 7116 demandes avec 5143 rejetés.

C’est dire que « l’amnistie » liée aux résultats de CVR n’est pas une apologie de l’impunité ni un outil de vengeance politique mais est bel et bien une action visant à accorder « une amnistie générale », pour ceux qui ont commis des crimes de sang, mais conditionnée par, à la fois, « l’aveu des bourreaux » et « l’aval des victimes », le tout cautionné par la commission. Cette forme d’approche a une portée politique bénéfique pour la société grâce au châtiment de la honte qu’elle inflige aux auteurs des crimes : « La honte est une forme de sanction qui peut être considérée comme bien plus dévastatrice qu’une peine de prison. Le repentir qui amène à solliciter le pardon dans l’espoir d’une réintégration dans la société peut être bien plus réparateur qu’un séjour en milieu carcéral ».

En conclusion, il faut alors retenir essentiellement trois points essentiels pour comprendre la raison d’être du concept de « Commission Vérité et Réconciliation » :

D’abord, elle ne traite que des cas de « violations des droits de l’homme ». Que ce soit pour le cas de l’Afrique du Sud, de Libéria, de Rwanda ou d’autres pays qui l’ont expérimenté tel que le Timor Oriental, la Commission Vérité et Réconciliation ne traite que les « cas de violations des droits de l’homme ».

Ensuite, ce processus s’applique à « toutes les entités » ayant pris part au conflit violent et qui ont commis des exactions. Le droit à l’Amnistie et le recours à la commission Vérité et Réconciliation doivent renier la loi du plus fort ou la loi des vainqueurs. Toutes les entités belligérantes ayant porté atteintes aux droits de l’homme doivent s’y soumettre.

Enfin, le processus de vérité et Réconciliation (étant un processus de réconciliation) ne doit, en aucune manière, entraver le droit de tous ceux qui n’ont pas commis des crimes de sang (du moins tant que les preuves de leurs implications dans ces crimes de sang ne sont pas relevées), de participer aux élections : Tel a été le cas en Afrique du Sud en 1994 (avec l’élection de Mandela) et le cas du Libéria (élection de Ellen Johnson Sirleaf en 2006).

Qui sont alors les personnes qui sont susceptibles d’être concernées par l’Amnistie évoquée par la Commission Vérité et Réconciliation à Madagascar ?

Contrairement, encore, aux idées reçues, les personnalités malgaches concernées par l’Amnistie ne sont pas forcément celles qui sont pointées du doigt par le régime transitoire.

Etant donné que la CVR répond avant tout aux attentes des victimes, plusieurs personnalités « non condamnées » jusqu’à ce jour risqueront de faire l’objet de cette enquête extrajudiciaire soucieuse d’établir la vérité et de promouvoir la lutte contre l’impunité.

À titre non exhaustif, il y a :

Les donneurs d’ordres (et les exécutant) de l’assassinat de Ravolomaso, du général Andrianaivo, de l’aide de camp de l’ancien premier ministre Tantely Andrianarivo, etc.

Les donneurs d’ordres et les exécutant parmi les zana-dambo, auteurs de plusieurs crimes et exactions notamment dans les régions (viols, tortures, assassinats…) etc.

Les magistrats ayant validé les coups d’État de 2002 et de 2009, ayant permis, cautionné et justifié les nombreuses atteintes aux droits de l’homme.

Les personnes ayant incité leurs partisans à incendier des maisons d’autrui (maisons de Lalatiana Ravololomanana, Tsaranazy Jean Emile… en 2002 et de Guy Rivo Andrianarisoa, Mox Ramandimbilahatra…en 2009).

Les militaires, polices, gendarmes ayant pris part aux deux crises de 2002 et 2009.

Les donneurs d’ordres et les exécutants ayant tiré sur les militaires de l’ENSOA à Fianarantsoa.

les donneurs d’ordres et les exécutants de l’arrestation violente de Manandafy Rakotonirina, de Ambroise Ravonison à la radio Fréquence Plus.

Les journalistes ayant encouragé les violences politiques aboutissant à des morts d’hommes et à des arrestations violentes (en 2002 et en 2009).

Les prélats ayant encouragé la violence et les exactions.

Les donneurs d’ordres et les exécutants de la marche meurtrière de 07 février.

Les donneurs d’ordres er les exécutants du tir sur la foule lors de ce 07 février.

Même les acteurs du monde des affaires qui ont profité du désordre général induit par ces crises et qui par leur action intéressée en ont amplifié les conséquences (En Afrique du Sud, le monde des affaires a été jugé largement coupable d’avoir soutenu le régime criminel de l’apartheid et participé à la perpétuation du fossé entre riches et pauvres).

Toutes ces personnes sont majoritairement « non, encore, condamnées » puisqu’elles ont pu bénéficier (certains en leurs temps, les autres actuellement) de la « protection d’une justice des vainqueurs ».

Or, ils ont commis des exactions et ont fait des nombreuses victimes qui n’attendent que la vérité soit connue pour que justice leur soit rendue.

Appeler ces personnes là à répondre de leurs actes devant la commission Vérité et Réconciliation n’est rien d’autre qu’une réponse à la quête permanente de justice de la société malgache.

Le concept de Vérité et Réconciliation nationale a toujours jugé « la vérité » plus importante que la « justice » institutionnelle. Car sans les déclarations des victimes et les récits des auteurs des crimes, les vérités, devant déterminer cette justice, ne pourraient éclater au grand jour.

Nous ne devrions pas nous égarer dans les passions politiciennes qui n’ont comme horizon politique que l’arbitraire et la haine (sournoise mais permanente) qui minent notre société, mais au contraire œuvrer à la reconstruction de notre Nation.

Pour cela, nous devrions assimiler et comprendre le contour d’une notion qui pourra permettre à notre pays de consolider le « vivre ensemble ».

Le fondement de la commission de vérité et réconciliation est politique. La haine en réponse à la haine ne fait qu’accroître la haine. Comment combattre l’injustice sans en haïr les auteurs ? La commission VR en répondant à cette question a fait preuve de pédagogie en montrant qu’on ne se réconcilie qu’avec quelqu’un avec qui on n’est pas d’accord.

L’objectif étant alors de satisfaire des besoins vitaux de notre société : un besoin de compréhension et non de vengeance, un besoin de réparation et non de représailles, un besoin de « Fihavanana » et non de victimisation.

C’est cette approche qui a permis à l’Afrique du Sud, par exemple, de construire son avenir.

Nous, malgaches, n’avons finalement pas le monopole du concept de « Fihavanana » car en Afrique du Sud, également, la commission Vérité et Réconciliation a été menée selon la théologie de « l’Ubuntu », propre à l’archevêque Desmond Tutu. « Ubuntu » qui est une notion traditionnelle qui proclame « une complétude naturelle de l’humanité, une complétude réalisée chez et par les autres ».

Et c’est ce que nous devrions suivre pour permettre à notre société de se reconstruire et amorcer la 4ème République dans des bonnes conditions, et non plus faire des calculs politiciens à courte vue, pour apporter un semblant de calme sous la menace des représailles. Nous nous devons, pour une fois, de regarder vers un nouvel horizon et voir que la Paix et le Progrès nécessitent une ethique, une vision et un courage politique, dont Andry Rajoelina et surtout Norbert Ratsirahonana sont dépourvus. Quant à nous, le Peuple Malgache, saurons-nous être à la hauteur de ce défi ?

L’équipe de Rédaction,

Eddie FERNAND
Ralava BEBOARIMISA
Hyacinthe BEFENO TODIMANANA
http://www.journal-le-democrate.com
journal.ledemocrate@gmail.com

3 commentaires

Vos commentaires

  • 28 septembre 2010 à 11:31 | Rakotoasitera Fidy (#2760)

    ’Vision et courage politique ...’

    Excellente analyse

    Merci messieurs

  • 28 septembre 2010 à 17:51 | HINDY (#1781)

    Je suis entièrement d’accord avec l’analyse de cette équipe de journalistes.

    Mais malheureusement, il y a encore très peu de gens qui se croient être chrétiens ou musulmans qui le sont vraiment (A ma connaissance, ces deux réligions privilégient le pardon par rapport à la vengeance malgré que la loi du talion soit permise). En effet il faut croire en la vie et non en la mort. Il faut croire au pardon et non à la haine pour construire une nation. Avons nous assez de courage pour pardonner ?

    Espérons M. Rajo Hely et Cie (surtout un Ratsirahonana, à la veille de sa mort, a l’occasion de faire, enfin, quelque chose de bien pour son pays) auront le courage de lire cet article du début jusqu’à à la fin et y réfléchir.

  • 29 septembre 2010 à 01:07 | Jerry (#2173)

    Merci, Messieurs, votre chronique est tout simplement magistrale ! En fait, bien que personne n’ose le dire, pour des raisons de « political correctness », mais que beacoup le pensent et chuchotent néanmoins dans les milieux autorisés, la stratégie actuelle de Ratsirahonana, partagée par l’intelligentsia tananarivienne, s’inscrit dans le cadre d’un objectif capital de la societé merina, à savoir, le maintien dorénavant coûte que coûte d’un Merina à la tête de l’Etat malgache. Evidemment , un Pierrot Rajaonarivelo amnistié pourrait contrecarrer ce projet fondamental aux prochaines éléctions présidentielles. Le mot d’ordre actuel est le suivant : Aza homena ny Tanindrana intsony ny fitondrana !

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